• Aucun résultat trouvé

Rôle des protéines accessoires dans la réplication et la pathogenèse virale 16

1.   Le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-­‐1) 1

1.7   Rôle des protéines accessoires dans la réplication et la pathogenèse virale 16

Le VIH-1 utilise plusieurs stratégies afin de permettre l’établissement d’une infection persistante au niveau de l’organisme. L’une de celles-ci est l’expression de quatre protéines accessoires : Vif, Nef, Vpu et Vpr, qui collectivement, façonnent l’environnement cellulaire afin d’établir des conditions favorables permettant la réplication, la dissémination et la transmission efficace du virus, ainsi qu’une évasion efficace de la réponse immunitaire.

1.7.1 Vif

Vif (Facteur viral d’infectivité) est une protéine cytoplasmique d’environ 23 kDa exprimée tardivement lors du cycle viral [119]. Cette protéine est incorporée faiblement dans les virions via une interaction avec l’ARN génomique [120] et/ou les précurseurs de gag et gag-pol [121]. Depuis longtemps, Vif fut identifiée comme une protéine essentielle à la production de virus infectieux [122,123]. Cette activité semble étroitement liée à sa capacité à surmonter le facteur de restriction, APOBEC3G (« apolipoprotein B mRNA-editing enzyme catalytic polypeptide-like 3G ») [124], une cytidine désaminase agissant au niveau d’ADN simple brin. En absence de Vif, APOBEC3G est incorporé dans les virions nouvellement produits [125-127]. Suite à son entrée dans la cellule cible, elle catalyse la désamination de certains résidus cytidine (C) en uridine (U) au niveau de l’ADN proviral simple brin généré lors de la transcription inverse [128,129]. Ce processus entraîne la formation d’hypermutations sur le brin d’ADN opposé, ce qui inactive le virus et réduit de deux fois la réplication virale [130-132]. De plus, APOBEC3G inhibe la translocation de la transcriptase inverse le long de l’ARNv, ce qui affecte la synthèse de l’ADNc [133]. APOBEC3F, une autre cytidine désaminase de la même famille APOBEC, réduit également la réplication du VIH-1 et est inactivée par Vif [134]. La protéine Vif surmonte APOBEC3G/F en induisant leur dégradation, prévenant ainsi leur incorporation dans les virions. Pour ce faire, Vif recrute le complexe d’ubiquitine E3 ligase « Cullin 5 RING » afin d’induire la polyubiquitination et la dégradation des facteurs de restrictions via le protéasome [125,134-136]. De récentes études démontrent que le facteur de transcription CBF-β (« Core-binding factor subunit beta ») ainsi que la protéine NEDD8 seraient impliqués dans la stabilisation et l’activation de ce complexe [137-139]. Outre cette activité biologique, Vif semble également moduler le cycle cellulaire

des cellules infectées par le VIH-1. En effet, Vif accélère la transition de la phase G1 vers la phase S via le recrutement de deux composantes régulant la progression du cycle cellulaire, Bdr4 (« Bromodomain-containing protein 4 ») et CDK9 (« Cyclin-dependent kinase 9 ») [140]. De plus, Vif induit un ralentissement du cycle cellulaire en phase G2 par un mécanisme qui nécessite le recrutement du complexe d’ubiquitine E3 ligase « Cullin 5 RING ». Toutefois, cette activité de Vif implique l’ubiquitination et la dégradation d’un facteur cellulaire autre que ceux de la famille APOBEC [141]. Finalement, Vif favorise également la dégradation de la protéine accessoire Vpr, ce qui réduirait l’arrêt du cycle cellulaire induit par celle-ci [142]. Néanmoins, le rôle de la modulation du cycle cellulaire par Vif dans la réplication et la pathogenèse virale reste encore indéfini.

1.7.1 Nef

Nef (facteur négatif) est une protéine myristoylée de 27 kDa exprimée précocement lors du cycle viral [143]. Cette protéine est incorporée très faiblement au niveau des virions, en plus d’être retrouvée sous forme soluble à l’extérieur des cellules infectées [144-146]. Nef est fortement conservée au sein de la famille des lentivirus infectant les primates, comprenant le VIH-1, le VIH-2 et les VISs [147]. Elle représente un facteur important de la pathogenèse de ces virus, puisqu’on observe une progression plus lente de la maladie au niveau d’humain ou de singe infectés avec des virus ΔNef [148-151]. Cette protéine virale possède la particularité de réguler l’expression d’une multitude de protéines cellulaires favorisant ainsi la réplication virale et l’évasion de la réponse immunitaire. Tout d’abord, Nef, tout comme Vpu, participe à la régulation négative des niveaux du récepteur CD4 à la surface cellulaire [152]. Pour ce faire, Nef interagit précocement avec la queue cytoplasmique de CD4 et recrute la protéine adaptatrice-2 (AP-2), ce qui provoque l’endocytose clathrine-dépendante et une dégradation lysosomale du récepteur [153-155]. Le transport de CD4 vers les lysosomes nécessite également le recrutement par Nef de la protéine β-COP (« coatomer protein complex subunit beta ») [156]. En plus du récepteur CD4, Nef diminue aussi les niveaux de surface des corécepteurs CCR5 et CXCR4, ce qui contribue à prévenir la surinfection de la cellule [157- 160]. Par ailleurs, l’effet de Nef sur le récepteur CD4 favorise également l’incorporation efficace de Env au niveau des virions, en plus de prévenir l’interaction entre CD4 et gp120 lors du bourgeonnement, ce qui augmente globalement l’infectivité et la réplication virale

[161-163]. Certaines études suggèrent que Nef pourrait augmenter l’infectivité du virus par un mécanisme qui est indépendant de CD4 [164,165], qui impliquerait une interaction avec la GTPase cellulaire dynamine 2 [166]. Dans ce même ordre d’idée, Nef augmente l’expression de DC-SIGN à la surface des DC [167]. Ceci favorise l’attachement et la rétention du virus à la surface cellulaire des DC et augmente sa transmission vers les lymphocytes T CD4+ [167].

Nef affecte également l’expression de surface des antigènes humains de leucocytes (HLA) du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH-I) [168] à la surface des cellules infectées, en recrutant la protéine adaptatrice-1 (AP-1) et β-COP [156,169,170]. Plus spécifiquement, Nef réduit sélectivement les niveaux de surface de HLA-A et HLA-B, sans toutefois affecter les niveaux de HLA-C et HLA-E, qui sont reconnus par des récepteurs inhibiteurs des cellules NK [171]. Ceci permet alors au virus d’échapper à la réponse immunitaire initiée par les lymphocytes T CD8+ et de diminuer la lyse induite par les cellules NK [171,172]. De plus, Nef réduit également l’expression de ligands des récepteurs activateurs NKG2D [173], DNAM-1 [174] et NKp44 [175] des cellules NK, ce qui vient ajouter à cette protection. Par ailleurs, Nef favorise aussi une protection des cellules infectées contre une réponse des cellules NKT en réprimant l’expression de surface de la glycoprotéine CD1d [176,177], qui présente des antigènes lipidiques aux cellules NKT. Outre ces activités prévenant une réponse des cellules effectrices, Nef affecte également la réponse immunitaire adaptative en diminuant l’expression de surface des molécules de CMH-II, en plus d’augmenter les niveaux de la chaine invariante. Ceci réduit considérablement l’efficacité de la présentation d’antigènes par les cellules infectées aux lymphocytes T CD4+ auxiliaires [178]. Une régulation négative d’une multitude d’autres protéines cellulaires par Nef est également observée, notamment des protéines impliquées dans l’activation des cellules T tels CD8, CD28, CD80 et CD86 [179]. Par ailleurs, Nef, qui est relâchée par les cellules infectées via les exosomes, peut induire l’apoptose de lymphocytes T CD4+ non-infectés avoisinants via un mécanisme qui nécessite une interaction avec CXCR4 [180,181]. Enfin, la protéine Nef peut aussi pénétrer les lymphocytes B, et affecter la commutation isotypique en augmentant l’expression des protéines IκBα (inhibiteur de NF-κB alpha) et SOCS (« Suppressors of

Cytokine Signaling »), ce qui bloque la signalisation induite par le ligand CD40 et certaines

deaminase »)[182] 1.7.3 Vpu

Vpu (Protéine virale U ) est une protéine transmembranaire de type 1 de 16 kD, produite tardivement durant le cycle viral à partir du même ARNm bicistronique que Env [183,184]. Cette protéine est unique du VIH-1 et de quelques VIS [185-187]. Il s’agit d’une protéine amphipathique composée d’un domaine N-terminal transmembranaire hydrophobe et d’un domaine C-terminal cytoplasmique hydrophile [184,188]. Ce dernier domaine contient deux résidus sérine phosphorylée (S52 et S56) qui semblent jouer un rôle important dans les activités biologiques de cette protéine accessoires [189,190]. Parmi les activités biologiques les plus importantes de Vpu, ont note la dégradation du récepteur CD4 et l’augmentation de la relâche virale via l’inhibition du facteur de restriction BST-2/tétherine.

Le VIH-1 utilise trois protéines virales afin de réduire les niveaux de surface de son récepteur primaire CD4 (Nef, Vpu et Env) [191] afin de prévenir une surinfection [192] et optimiser la relâche virale. Tel que mentionné précédemment, Nef agit précocement sur les niveaux de surface du récepteur, tandis que Vpu et Env vont plutôt agir plus tardivement sur le récepteur néo-synthétisé lors de son transport et induire sa dégradation via le protéasome. Tout d’abord, il y a formation d’un complexe CD4-Env au niveau du RE, ce qui ralentit mutuellement leur maturation et leur trafic cellulaire [193]. À cet effet, la rétention du complexe CD4-Env participe à une diminution du niveau d’Env à la surface ou contribue à la production de virion non infectieux [194]. Vpu aide également à la rétention de CD4 au RE, via une liaison avec la queue cytoplasmique du récepteur [195]. Vpu recrute ensuite le complexe d’ubiquitine E3 ligase SCF (Skp1/Cullin 1/F-box) via une interaction avec β-TrCP (« β-transducing repeat-containing protein »), une composante de ce complexe [196,197]. Cette interaction nécessite notamment la phosphorylation de S52 et S56 du domaine C- terminal de Vpu [196]. Le recrutement de ce complexe permet alors la polyubiquitination de la queue cytoplasmique de CD4 et un ciblage du récepteur vers le protéasome [198,199] par un mécanisme rappelant le système ERAD (« ER-associated protein degradation ») [195,200,201], un mécanisme cellulaire contrôlant la qualité des protéines synthétisées au niveau du RE.

Vpu augmente considérablement la relâche virale en contrant l’activité antivirale du facteur de restriction BST-2 (« B cell stromal factor 2 »)/CD317/Tetherin, une protéine induite par l’IFN-α [202,203]. Cette protéine a la particularité de posséder à la fois un domaine transmembranaire et une ancre GPI (glycosylphosphatidilinositol), ce qui lui permet d’intégrer les virions bourgeonnants et de les retenir du même coup à la membrane plasmique [189]. Vpu semble contrer l’activité antivirale de BST-2 en bloquant son incorporation au niveau des virions et en diminuant ces niveaux à la surface cellulaire [189]. Plusieurs mécanismes potentiels ont été avancés afin d’expliquer comment Vpu agit sur BST-2, la plupart basés sur une séquestration intracellulaire et/ou une dégradation du facteur de restriction. Tout d’abord, certaine étude suggèrent que Vpu pourrait interférer avec le transport du BST-2 nouvellement synthétisé vers la surface, en le séquestrant dans le réseau trans-Golgi [204-207]. De plus, Vpu pourrait également bloquer le recyclage de BST-2 via une séquestration de la protéine au niveau des endosomes de recyclage, suite à son internalisation à partir de la surface cellulaire [189,206,208]. D’autre part, il fut suggéré que Vpu pourrait directement causer l’internalisation de BST-2 vers les lysosome [209-211]. Toutefois, ce dernier mécanisme serait dépendant du type cellulaire utilisé [207]. Enfin, Vpu recrute β-TRCP et semble induire l’ubiquitination de BST-2, ce qui pourrait à la fois conduire à sa dégradation protéasomale [212-214] et/ou lysosomale [208,211,215], mais augmenterait également sa séquestration intracellulaire [216]. Chose certaine, tous ces mécanismes nécessitent une interaction entre les deux domaines transmembranaires de Vpu et de BST-2 [209,213,217,218].

Outre ces deux activités biologiques majeures, Vpu participe également à la pathogenèse virale en diminuant la réponse immunitaire initiée par les cellules NK et NKT et en prévenant une réponse pro-inflammatoire initiée par BST-2. En effet, Vpu diminue l’expression de surface de CD1d [219], de ligands de DNAM-1 [174] et de NTB-A [220], un corécepteur homotypique des cellules NK, ce qui contribue à protéger les cellules infectées des fonctions effectrices des cellules NKT et NK. De plus, une récente étude suggère que BST-2 pourrait servir de senseur immunitaire permettant non seulement la rétention des particules virale à la surface cellulaire, mais induirait également l’expression de gène pro-

inflammatoire qui serait dépendante de NFκB. Vpu préviendrait donc cette réponse pro- inflammatoire en contrant BST-2 [221].

2. VPR : BIOLOGIE ET FONCTIONS