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Le rôle prépondérant de la France pour l’université dahoméenne

Chapitres I, II, III et

2- Le rôle prépondérant de la France pour l’université dahoméenne

L’appui français à la construction et la structuration de l’université dahoméenne a été important dans les premières années. Faute de ressources propres suffisantes, les autorités du Dahomey ne comptaient essentiellement que sur le France pour pourvoir aux besoins de financement de leur université à peine créée et dont le budget de fonctionnement comme l’érection de bâtiments et le déroulement des enseignements sont devenus des besoins incompressibles.

2-1- Financement majoritaire du budget de fonctionnement

Au cœur des nombreuses difficultés que connaît l’université du Dahomey en ses années de démarrage, le réflexe de ses premiers responsables a continuellement été de solliciter l’aide de la France dont l’apport financier est alors considérable.

L’effort financier déployé par le Gouvernement français en vue de soutenir l’implantation et le développement de l’université dahoméenne est important en ces premières années. Déjà le budget de fonctionnement est assuré par la France à hauteur de 66 %, comme le montre le tableau suivant relatif au projet de budget de 1972 établi par la commission mixte daho-française des 26 et 27 juin 1970 tenue à Cotonou et Porto-Novo. Ce projet de budget a d’ailleurs été validé par la commission mixte Franco-dahoméenne de Paris, le 5 mars 1971, avec une augmentation de 14,6 % :

Tableau 13 : Budget prévisionnel Université du Dahomey pour 1972

Nature Source de financement Montant en F. CFA % du Budget

Subvention État du Dahomey 28 200 000 28,51%

Subvention Office du Bac-Dahomey 2 500 000 2,52%

Inscriptions Université-Dahomey 2 400 000 2,42%

Subvention État français 65 800 000 66,53%

Total-Dahomey - 33 100 000 33,47%

Total-France - 65 800 000 66,53%

Total Général Dahomey + France 98 900 000 100%

Source : ANP/17bis ; 12207/Série des affaires internationales, Préparation de budgets pour les universités africaines

En dehors de la subvention française, aucune autre aide financière étrangère n’est apportée à l’université dahoméenne. De plus, la contribution de la France au budget de fonctionnement représente presque le triple de ce qui provient de l’État dahoméen dont c’est l’institution. Vu le montant qui va être versé par le partenaire français, il apparaît évident que si cette subvention vient à manquer, l’Université du Dahomey sera en réelle difficulté financière et ne pourra pas tenir pendant toute l’année académique. Le pouvoir financier français sur l’institution dahoméenne est donc central et indispensable à la survie de l’institution naissante. Ainsi, sans l’engagement de la France la rémunération des enseignants par exemple serait hypothéquée. Deux ans à peine après son démarrage, le ministre dahoméen de l’éducation nationale atteste que l’université dahoméenne rencontre des difficultés pour terminer l’année budgétaire536. Il les explique par le lancement des deux nouveaux départements, celui de l’Éducation et celui des études agronomiques et agrotechniques (DEAA) à la rentrée du 16 octobre 1972 et par l’importante incidence financière induite par la massive « utilisation des chargés de cours et des missions d’enseignement ».537 Le ministre dahoméen conclut sa correspondance en demandant

536 Voir ANP F17bis, Ministère de l’Éducation nationale, Direction des affaires internationales, 19771255/3.

537 Edmond Dossou-Yovo, « correspondance du 3 octobre 1972 du Ministre de l’Éducation nationale de la culture, de

la jeunesse et des sports du Dahomey au ministre de l’Éducation nationale s/c du secrétaire d’État aux affaires étrangères et du Chef de mission d’aide à la coopération », in ANP F17bis, Ministère de l’Éducation nationale,

que des mesures privilégiées soient accordées à l’université de son pays : « Je vous serais donc très reconnaissant des dispositions que vous voudrez bien prendre à titre exceptionnel au profit de l’université dahoméenne dans le sens d’une délégation de crédits supplémentaires au compte de la contribution française »538. Deux éléments significatifs sont exprimés dans cette conclusion qui constitue le cœur de la requête. Le premier point est que le ministre espère que le cas de l’université dahoméenne soit traité comme une exception. Pour le ministre Dossou-Yovo, l’université du Dahomey doit bénéficier d’une attention particulière au-delà des aides communes adressées à toutes les universités africaines francophones. Bien plus, - et c’est le second point -, le ministre souhaite une majoration exceptionnelle de l’aide française à l’université du Dahomey. Ces deux points montrent bien que la politique de demande d’aide mise en place par le recteur Adjanohoun est effectivement soutenue par les autorités politiques du Dahomey dont particulièrement le ministre de l’Éducation nationale. Tout cela révèle combien l’aide française est encore importante et indispensable aux autorités dahoméennes pour l’évolution de leur université créée deux années plutôt.

Les premiers enseignants engagés au service de l’Université du Dahomey, sont recrutés parmi ceux qui sont en poste dans les universités de France, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Ces enseignants dahoméens, rentrés chez eux, « exigent de conserver le statut qu’ils avaient antérieurement à Dakar ou à Abidjan ou en France »539. La charge salariale de cette poignée d’enseignants est entièrement assurée par le budget de la France. Le professeur Taglang souligne que « cette mise en place a néanmoins soulevé certaines difficultés politiques qui ont amené les autorités, en particulier le Recteur E. Adjanohoun à faire des déclarations publiques courageuses »540. Parmi les difficultés dont il est question, le Professeur Taglang en qualifie certaines de nature socio-politique. En « début de l’année académique 1971-1972, observe-t- il, une grève générale des élèves de lycée a gravement perturbé la rentrée. Le motif avancé était le tronc commun »541 qui instaure un système élitiste et dont la règle de sélection des meilleurs nie tout processus de démocratisation de l’université en cours dans le monde depuis les années 1968. Même si l’impact de ce mouvement sur la vie universitaire est resté faible, selon le professeur

538 Ibid.

539 ANP/17bis/19771255/3, série des affaires internationales, « Mission du Professeur P. PENE à Cotonou, Note du

Professeur Pène », p. 3.

540 ANP/17bis/19771255/3, série des affaires internationales, « Rapport de Mission auprès de l’Université du

Dahomey, février 1972, par le Professeur P. Taglang », p. 1.

Taglang, il s’agit d’une grève qui a perturbé la quiétude nécessaire des enseignants scientifiques de l’université dont une importante partie « est hébergée dans des locaux provisoires qui font partie du Lycée de Porto-Novo »542.

Le professeur Pierre Pène souligne dans son rapport de mission que ce problème, qu’il signale à l’attention des décideurs français de la coopération universitaire internationale, est un fait qui « n’est pas particulier au Département des études médicales et paramédicales de l’université du Dahomey mais (…) à l’université tout entière »543. En s’inspirant implicitement du principe juridique du droit acquis qu’il est difficile de remettre en cause, l’expert préconise que « les situations acquises devraient être envisagées favorablement [mais que] les créations pour l’avenir méritent des aménagements et des dispositions à négocier. Ainsi, dans son rapport Pène préconise qu’au DEMP de l’université du Dahomey, au moins « 3 enseignants devraient être français pour maintenir la place de la France au Département des études médicales et au CNH544 »545. Suivant le témoignage d’un ancien professeur dahoméen, le département de médecine de Cotonou a été créé par deux Dahoméens (Goudoté et Alihonou) et un Français, « le professeur Pignol qui venait de l’université de Marseille »546 et qui était d’ailleurs, comme le confirme le rapport de mission de Pierre Pène, « le seul Maître de Conférences agrégé en poste »547. Il y a, sans doute, un enjeu à vouloir renforcer l’effectif d’enseignants français. Car pendant qu’il suggère de veiller à maîtriser les charges françaises vis-à-vis de l’université dahoméenne, le coopérant Pène propose une dépense supplémentaire stratégique pour « maintenir la place de la France » dans l’histoire de cette université. L’appui financier de la France à l’enseignement supérieur dahoméen pour la seule année 1972 est de plus de 300 millions de francs FCFA, soit 450 000 € environ. Cette aide a été essentielle pour la construction des premiers bâtiments de l’université.

542 ANP/17bis ; 12207/ Série des affaires internationales/ 19771255/3 « Rapport de Mission auprès de l’Université du

Dahomey, février 1972, par le Professeur P. Taglang », p. 5.

543 Ibid.

544 Le CNH est le Centre National Hospitalier de Cotonou qui, dans les négociations, est envisagé comme l’hôpital à

transformer en Centre national hospitalier et universitaire pour offrir un terrain de stage pratique aux étudiants en médecine et de centre de recherche aux enseignants-chercheurs de ce qui va devenir la Faculté de médecine.

545 ANP/17bis/19771255/3, série des affaires internationales, « Mission du Professeur P. PENE à Cotonou, Note du

Professeur Pène », p. 3.

546 Eusèbe Alihonou, entretien avec l’auteur, Cotonou, mai 2014.

547 ANP/17bis/19771255/3, série des affaires internationales, « Mission du Professeur P. PENE à Cotonou, Note du

2-2- Construction entière des premiers bâtiments

De la pose de la première pierre à l’implantation effective des premiers bâtiments universitaires, il faut beaucoup de moyens et d’investissement. C’est ce que traduit déjà l’éditorialiste anonyme du quotidien dahoméen lorsqu’il s’interroge :

Quelle université ? Ce soir, après que se seront tus les échos des discours et les clameurs de la foule, et que se seront retirées les éminentes personnalités accourues de tous les horizons à Calavi, la pierre symbolisant notre université se retrouvera seule. Dans l’immédiat sa gloire aura duré à peine l’espace d’un matin, ce qui n’est pas une référence particulièrement flatteuse…Que ferons-nous de notre université ? Que voulons-nous qu’elle soit ? Quelle sorte d’étudiants voulons-nous y former ? Sera-t-elle simplement une fabrique de diplômés ? Quelle place occupera-t-elle dans la nation et comment servira-t- elle cette dernière ? ... . En vérité, chaque Dahoméen doit se sentir le devoir sacré d’être optimiste et d’avoir foi en notre université qui fera parler d’elle548. Enfin !

Cet éditorialiste a le mérite de projeter un regard lucide sur la réalité des enjeux qui entourent l’université nationale. Un avant-projet de plan de masse de l’université du Dahomey, publié en 1971, présente la configuration d’occupation de l’espace universitaire549. Or, avant, comme après la livraison des premiers bâtiments financés par la coopération française sur le site propre de l’université à Abomey-Calavi en 1972, les problèmes de budget de fonctionnement, de salles de cours et d’ouvrages sont restés une véritable équation difficile, voire impossible, à résoudre. Le Recteur Adjanohoun doit même s’en ouvrir par deux fois au moins au cours de la seule année 1971, dans sa correspondance régulière avec le Français Francis Gobin, alors directeur de la coopération universitaire internationale à Paris. Le 5 mai en effet, c’est par une carte postale personnelle qu’il demande « une attention toute particulière et exceptionnelle (…) pour aplanir [ses] difficultés réelles »550.

La pénurie de salles de cours, d’amphithéâtre, de laboratoire, de salles de recherche et de bibliothèque constitue l’un des importants défis de l’Université dahoméenne dans les années 1970 comme l’attestent les archives et les témoignages des acteurs. Comme nous venons de le voir plus haut, Maître Robert Dossou, l’un des premiers enseignants du département des études

548 Daho-Express, n° 381 du 6 novembre 1970, p. 1.

549 Voir Archives de l’Unesco à Paris (AUP) /BREDA-33/ Higher Éducation-Dahomey, Université 71, Semaine de

l’Université dahoméenne, 7-13 juin 1971, p. 11.

juridiques et économiques, future Faculté de Droit, déclare avec insistance lors d’un entretien en décembre 2014 que pour le développement de l’Université naissante, « les moyens financiers ne suivaient pas. Ils étaient inexistants »551. L’interlocuteur affirme au sujet des salles de cours que « c’était un gros problème pour toute l’Université »552. Cela a conduit à l’installation de l’INFCAPP au Hall des Congrès à Cotonou avec des enseignements « programmés à la coupole du Ministère des Affaires Étrangères, au CODIAM, au CEMG de Sainte Rita. Il arrivait que certains cours soient ajournés par manque de salles »553. Robert Dossou n’a pourtant commencé à enseigner qu’en l’An III de l’université puisqu’il raconte comment le recteur Edouard Adjanohoun est allé le rencontrer dans son bureau à Paris pour le convaincre de rentrer au Dahomey, retour intervenu le 8 octobre 1973. Il en résulte que si ses déclarations sur l’extrême pénurie des bâtiments de fonctionnement de l’université dahoméenne sont justes, elles révèlent l’important appui logistique que le Dahomey a attendu et plus ou moins obtenu du Fond français d’aide à la coopération (FAC) pour construire l’université lancée.

Pour une population estudiantine maximale estimée à 5 000 étudiants, le plan de construction est projeté sur plus de 80 000 m2 dont :

- bâtiments centraux et services communs : 8 200 m2 ;

- bâtiments d’enseignement ou de recherche : 45 000 m2 ;

- bâtiments destinés à la vie universitaire : 20 000 m2 ;

- des équipements généraux et aménagements particuliers du terrain y compris les logements nécessaires pour le corps enseignant et le personnel d’administration dans la zone résidentielle du campus universitaire : aire non encore précisée554.

C’est pour réaliser ces constructions qu’une série de conventions est signée entre le Dahomey et la République française. Après les accords établis entre les deux États sur les conclusions proposées par les commissions mixtes Daho-françaises successives, un total de crédits ouverts dans ce sens par le FAC s’élève à 684 millions de francs FCFA à la fin de 1973 pour la

551 Robert Dossou, entretien avec un groupe de trois enseignants de l’Université missionnés par le Recteur de l’UAC,

Brice Sinsin pour produire « un document présentant l’Université d’Abomey-Calavi, de ses débuts jusqu’à nos jours », Cotonou, décembre 2014.

552 Ibid. 553 Ibid.

construction de 2 000 m2 près de l’hôpital de Cotonou en 1971-1972 en vue d’accueillir le DEMP. Sur le site principal de l’Université à Abomey-Calavi, une première tranche de 8 200 m2 est prévue pour fin 1973 de même qu’une deuxième tranche de 4 760 m2 serait en cours de réalisation avec une troisième tranche de 3 250 m2 envisagée pour 1974555. Face au flux important des inscriptions d’étudiants, le recteur Adjanohoun ne cache pas ses inquiétudes concernant la mise à disposition des bâtiments en construction. Bien avant d’atteindre les 1084 étudiants à la troisième année, Edouard Adjanohoun signale qu’avec les 700 étudiants de 1a deuxième rentrée universitaire, l’angoisse est déjà importante face au retard que connaît la programmation ci-dessous de construction de l’Université :

Tableau 14 : Programmation de construction de l’Université Année universitaire Espace à construire

1970-1970 0 m2 1971-1972 2 000 m2 1972-1973 8 800 m2 1973-1974 3 250 m2 1974-1975 2 850 m2 1975-1976 3 250 m2 TOTAL 1971-1976 20 150 m2

Source : Données in CADN 176PO/1/15, « Procès-verbal de la Commission mixte du 14 février 1972 », p. 4.

Le recteur expose à la délégation partenaire « les difficultés de l’Université Dahoméenne obligée de passer d’un local provisoire à un autre »556 ainsi que le souci « d’éviter que les locaux ne deviennent déjà trop exigus dès leur achèvement »557. La réponse, du côté français, est rassurante puisque monsieur Luhan, Conseiller Technique au cabinet du Secrétaire d’État français et chef de la délégation, indique aux Dahoméens qu’il y aura une accélération des procédures. Pour les

555 Voir CADN 176PO/1/15, « Procès-verbal de la Commission mixte du 14 février 1972 », p. 4. 556 CADN 176PO/1/15, « Procès-verbal de la Commission mixte du 14 février 1972 à Cotonou », p. 4. 557 Ibid.

premières années, « la quasi-totalité des constructions des bâtiments et de leur équipement a été financée par le Fonds d’Aide et de Coopération, qu’il s’agisse des bâtiments, de la fourniture du matériel et du contrôle des travaux »558. L’autonomie financière de l’université du Dahomey n’est donc pas acquise. Ainsi qu’il s’agisse de la construction des bâtiments ou de l’équipement pédagogique et de recherche, l’élément déterminant reste la source de financement largement assurée par les fonds français d’aide à la coopération et l’appui du ministère français de l’Éducation nationale comme l’illustre la constitution de la première bibliothèque de médecine de l’université dahoméenne.

2-3- Aide à la constitution de la bibliothèque de médecine

Le recteur Edouard Adjanohoun continue à se tourner vers la France pour solliciter et obtenir l’essentiel des ressources humaines et matérielles nécessaires au développement de l’Université du Dahomey. Il s’appuie sur son amitié avec le Français Francis Gobin, « Chef de la Division de la Coopération universitaire internationale »559 du ministère français de l’Éducation nationale. C’est à ce dernier que, le 7 novembre 1971, le recteur Adjanohoun adresse des factures

pro forma afin que la France aide à l’achat d’ouvrages nécessaires aux enseignements des

différents départements créés à l’université du Dahomey pour la rentrée 1972560. Pour mieux comprendre le sens de sa démarche, il faut noter qu’il prend d’abord le soin de souligner qu’il « ne s’agit en général que de devis unitaire alors que dans la plupart des cas il faut commander plusieurs exemplaires de ces livres parfois jusqu’à 60 »561. Dans cette même correspondance, Edouard Adjanohoun fait remarquer que « la dépense est écrasante »562 pour l’institution et le pays. Par conséquent, il appelle son ami à la rescousse afin que « des crédits bibliothèques »563 soient affectés à la jeune université dahoméenne. Cependant, Francis Gobin rappelle au recteur dahoméen que ses requêtes doivent suivre la voie hiérarchique politique pour qu’il en espère une

558 CADN 176PO/1/15, dossier « Université du Dahomey », 3ème page.

559 ANP F17bis, Ministère de l’Éducation nationale, Direction des affaires internationales, 19770475/1.

560 Relevons que ce type de document n’est disponible dans l’ensemble des cartons d’archives consultées que sur

l’Université du Dahomey alors que les renseignements relatifs au budget de fonctionnement existent sur l’ensemble des pays francophones de l’Afrique subsaharienne. Il n’y a nullement lieu d’en conclure que c’est seulement l’Université du Dahomey qui a bénéficié d’une telle aide française, mais on peut supposer que le document du recteur Adjanohoun est particulièrement complet et important sur la rubrique crédits-bibliothèque que les archivistes ont trouvé opportun d’en conserver la copie.

561 ANP F17bis, Ministère de l’Éducation nationale, Direction des affaires internationales, 19771255/3. 562 Ibid.

réponse positive. Edouard Adjanohoun, qui ne veut rien ménager pour avoir les moyens de bien conduire sa mission rectorale, réussit à convaincre son ministre de tutelle de prendre sa part dans la négociation politique avec la France en faveur de l’université nationale créée564.

Le ministre dahoméen de l’éducation nationale de la culture, de la jeunesse et des sports, Edmond Dossou-Yovo, saisit donc son homologue français par un courrier qui arrive à destination au début d’une nouvelle année universitaire, le 12 octobre 1972. Edmond Dossou- Yovo y rappelle la situation de fait suivant laquelle « les enseignements universitaires sont dispersés entre Porto-Novo et Cotonou en raison du manque de locaux et du retard intervenu dans le calendrier de construction du Campus universitaire d’Abomey-Calavi »565, la ville d’implantation définitive de l’université du Dahomey.

Déjà pour la rentrée 1971-1972, entre le 26 juin et le 27 octobre 1971, le recteur envoie plusieurs listes au chef de service français de la coopération universitaire internationale pour l’achat de 1 086 ouvrages, bandes magnétiques et cartes topographiques et géographiques. L’ensemble comprend des dictionnaires, des ouvrages de littérature, des livres d’histoire et de géographie sur la France et l’Afrique ainsi que des livres de médecine. Cette dernière discipline est la première filière de formation qui émerge du tronc commun d’enseignement à l’université du Dahomey. Pour les 16 étudiants et trois enseignants qui constituent les principaux acteurs du DEMP, l’embryon de bibliothèque universitaire comprend les principaux documents nécessaires. Tous les titres sont en français et la plupart des auteurs, de nationalité française566. Cela insinue en partie l’alignement de l’université dahoméenne sur les repères documentaires français. Un tel choix bibliographique paraît logique en raison des liens linguistiques induits par le fait colonial entre les deux États. Ce sont au total 42 acquisitions dont 18 titres de documents pour l’Anatomie, 8 pour l’Histologie et 16 pour la Thérapeutique-Gynécologie-Obstétrique. Aucun de ces ouvrages ne provient d’une ancienne bibliothèque française d’école de médecine, comme cela est parfois le cas quand de vieux ouvrages qui ne sont plus au programme en Métropole sont proposés à des établissements d’enseignement en Outre-mer. Bien plus, la liste des documents

564 Voir ANP/17bis ; 12 207/Série des affaires internationales/19 771 255/3, Préparation de budgets pour les

universités africaines.

565 Edmond Dossou-Yovo, « correspondance du 3 octobre 1972 du Ministre de l’Éducation nationale de la culture, de