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Les prémices d’une université au Dahomey

Chapitres I, II, III et

1- Les prémices d’une université au Dahomey

Très tôt après l’indépendance, les autorités politiques du Dahomey ont envisagé la création d’une université nationale. L’ambition d’une université au Dahomey est nourrie par un système éducatif dont le taux de scolarisation primaire par exemple, tout en étant faible, installe l’école et la poursuite des études dans le paysage méridional surtout urbain, comme une ascension sociale. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le goût des études est déjà manifeste avant l’indépendance par la présence de nombreux étudiants dahoméens à l’Institut à Dakar.

278 Les acteurs qui nous ont accordé un entretien utilisé dans ce chapitre sont : Jean Pliya, Robert Dossou, Pierre

Claver Okoudjou et Georges Guédou.

279 Pour l’exploitation des entretiens, nous avons suivi les précautions méthodologiques de Raymond Quivy et Luc

Van Campenhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod (3e éd.), 2009 (1ère éd.1995) ; Franco

1-1- Contexte scolaire et demande de scolarisation

Déjà à l’époque coloniale et jusqu’aux années 1950, le Dahomey s’est distingué en Afrique occidentale française (AOF) sur le plan de la demande de l’école. Comme le souligne Jean Capelle, le premier recteur de l’académie de l’AOF, la scolarisation dahoméenne a été importante si bien que comparée aux autres colonies, le constat fut exceptionnel au

Dahomey, où la population et ses chefs coutumiers se débrouillèrent pour conserver les missionnaires, désormais non payés et ignorés par l’administration. Ainsi le Dahomey se trouva finalement bénéficiaire de la laïcisation, puisque de nombreuses écoles officielles y furent créées, s’ajoutant aux écoles confessionnelles qui n’avaient pas été fermées. De là vient sans doute une avance de scolarisation que le Dahomey a toujours conservée sur les autres territoires de l’AOF et qui explique la proportion importante de Dahoméens parmi les élites africaines280.

Le Dahomey, contrairement aux autres colonies, s’est arrangé avec les exilés congréganistes281 français pour ne pas subir l’« effet retardataire » qu’auraient produit les lois de la laïcisation de l’enseignement en France au début du XXe siècle. L’interdiction des congrégations enseignantes en France en juillet 1904, de même que la vague d’anticléricalisme qui a accompagné la « Loi Aristide Briand » de la séparation des Églises et de l’État en juillet 1905 n’ont donc pas sensiblement affecté le système scolaire dahoméen. La situation particulière du Dahomey montre ainsi comment, dans leur exil missionnaire, « les congrégations françaises dans le monde après les lois laïques de 1901 et 1904 »282 ont pu mettre en veilleuse cette obligation à la laïcisation. Étant donné que « l’immense majorité des congrégations ont pour but l’enseignement, et en second lieu les soins hospitaliers »283, leur survie passe en grande partie par la continuation de l’enseignement. Telle est l’opportunité que la colonie du Dahomey leur offre presque sous le même mode que jadis en métropole alors que dans le reste de l’AOF, les dispositions de l’école laïque sont pleinement mises en exécution, comme le note l’administrateur colonial Jean Capelle 284.

280 Jean Capelle, L’éducation en Afrique noire à la veille des indépendances, Paris, Karthala et ACCT 1990, p. 22. 281 Patrick Cabanel (dir), Lettres d’exil, 1901-1909 : les congrégations françaises dans le monde après les lois

laïques de 1901 et 1904, anthologie de textes missionnaires, Paris Brepols, 2008 ; Patrick Cabanel (dir), Le grand exil des congrégations religieuses françaises 1901-1914, Paris, Broché, 2005.

282 Patrick Cabanel (dir), Le grand exil des congrégations religieuses françaises, op.cit. 283 Patrick Cabanel (dir), Lettres d’exil, 1901-1909…, op.cit., p. 8.

Vers les années 1950, Jean Capelle fait une mention spéciale de l’élite dahoméenne dans son argumentaire pour justifier la nécessité de créer une université de type métropolitain pour la formation des cadres de l’Afrique de l’Ouest francophone. En effet, le 3 avril 1947, dix ans avant la première rentrée d’université en AOF, le recteur Jean Capelle, s’adressant au ministre de la France d’Outre-mer écrit que le temps est venu pour mettre en place à Dakar un enseignement supérieur devant évoluer vers une université en Afrique Occidentale Française.

Ma récente tournée, en particulier au Dahomey, m’a convaincu qu’il y a en AOF les éléments d’une élite et que cette élite devrait être formée sur place, en ce qui concerne le premier et le deuxième cycle définis par la Commission Langevin (le troisième cycle, visant les certificats spécialisés et la recherche, devant être réservé à la Métropole)285.

Le constat de terrain sur lequel s’appuie la réflexion de J. Capelle est marqué par une sensible augmentation des élèves aussi bien pour les écoles publiques de garçons que de filles et tant pour les écoles privées de garçons que de filles. Le graphique statistique récapitulatif infra nous permet de voir le rythme des évolutions où certaines augmentations, stagnations ou baisses des effectifs certaines années mériteraient d’être expliqués après des investigations spéciales. Nous n’avons pas eu accès aux archives convenables, ni le temps nécessaire pour mener ces recherches complémentaires.

Illustration 6 : Graphique statistique de l’école au Dahomey entre 1930 et 1944

Source : ANB 1G12 -2) Enseignement dans la colonie du Dahomey, diverses statistiques

On constate une importante augmentation en 1933 où le nombre de garçons a atteint 7 000 dans les écoles publiques et un peu plus de 4 000 dans les écoles privées. Dans le public, le niveau le plus élevé fut atteint en 1940 avec les 7 500 élèves. Sur la période considérée cette demande scolaire fut accompagnée d’un accroissement quasi ascensionnel du personnel enseignant et assimilé du côté des écoles publiques comme de celui des établissements d’enseignement privés catholiques et protestants comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Illustration 7 : Graphique statistique du personnel enseignant local au Dahomey

Source : ANB 1G12 -2) Enseignement dans la colonie du Dahomey, diverses statistiques

Ils ont été nombreux, ces instituteurs, monitrices et moniteurs, chefs d’ateliers qui ont été employés aussi bien par l’administration coloniale que par les congrégations missionnaires

enseignantes en ces années de plein essor de l’école au Dahomey. Ce « personnel indigène » a été particulièrement précieux pour soutenir, voire substituer au « personnel européen et assimilé » après l’éclatement en 1939 de la guerre qui a nécessité le retour en terre natale de nombreux expatriés pour défendre la France en danger. Quant aux élèves dahoméens, la mobilisation des jeunes gens à l’échelle de l’AOF aux côtés de la métropole pendant la deuxième Guerre Mondiale a fait baisser les effectifs dans les établissements publics entre 1941 et 1944 alors que l’accroissement du nombre des élèves s’est maintenu et renforcé dans les écoles privées qui fonctionnaient sans doute comme des couvents religieux. De plus, c’est dans l’enseignement privé, en général tenu par des religieuses missionnaires, que l’effort de scolarisation des filles a été le plus important. Tandis qu’on a atteint les 3 500 élèves dans l’enseignement privé féminin en 1942, le plus grand score dans les écoles publiques de filles n’a guère dépassé les 2 000 de 1935. De façon générale, l’accroissement simultané et plus ou moins continu des effectifs dans les deux types d’écoles a donc permis au Dahomey d’avoir l’un des meilleurs taux de scolarisation de l’AOF pendant de nombreuses années. Alors qu’il y avait 17 000 élèves environ dans le primaire en 1943, le Dahomey, en 1962 compte 105 320 élèves selon les chiffres communiqués par le ministère de l’éducation à l’Unesco286.

En 1968 le taux de scolarisation du pays est de 30% pour l’enseignement primaire. Ce taux qui est alors l’un des plus importants en Afrique occidentale fait ainsi du Dahomey l’« un des pays d’Afrique Noire francophone dont l’effort dans le domaine de l’enseignement est le plus élevé en valeur relative »287. Cependant, il faut noter qu’à un niveau national, cet effort de scolarisation ne se traduit pas de façon identique sur l’ensemble du pays. Comme le constitutionnaliste Maurice Glèlè Ahanhanzo l’a relevé dans sa monographie sur la naissance de l’état du Dahomey, il faut distinguer l’avance prise par l’école dans le sud par rapport au nord. Ahanhanzo-Glèlè explique ce qu’il qualifie de « retard des régions septentrionales » de la façon suivante :

Pour important que fût le développement de l’enseignement, il n’était pas uniforme et ne s’étendait pas à toute la colonie, non pas que le même effort n’eût pas été entrepris, mais à cause de la résistance des populations du Nord. En effet, il y avait l’opposition farouche

286 AUP, « UNESCO-Dahomey, Rapport d’expert, Juin 1961-Juin 1963 », du 30 juin 1963, p. 8, en ligne sur

Unesdoc.

287 AUP, « Dahomey-Développement de l’enseignement supérieur, novembre –décembre 1968 », Paris mars 1969, p.

des indigènes à la pénétration coloniale sous toutes ses formes, ce qui favorisa la tendance de l’Administration coloniale à développer, comme dans la quasi-totalité des colonies françaises, le pays utile, c’est-à-dire la côte, jusqu’à hauteur de Savalou288.

Ainsi, cette scolarisation déjà concentrée dans le Sud au détriment du Nord du pays dans la première moitié du XXe siècle, reste inégalement répartie jusqu’aux années 1970. La carte ci- dessous en donne un aperçu.

288 Maurice A. Glèlè, Naissance d’un État Noir (L’évolution politique et constitutionnelle du Dahomey, de la

colonisation à nos jours), Paris Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, R. Pichon & R. Durand.Auzias 1969,

Illustration 8 : Carte de scolarisation primaire et projet d’implantation de collèges

Source : AUP, « Dahomey, Éducation et développement : analyse, perspectives et recommandations », Paris 1971, annexe 2, p. 38.

Cette concentration de la scolarisation dans le Sud du pays a sans doute compté dans l’implantation des premières structures d’un enseignement supérieur national à Porto-Novo, en région méridionale. D’un point de vue de la politique éducative nationale, le Dahomey est un pays qui, pendant la première décennie de son indépendance, a régulièrement consacré une part substantielle du budget national à l’éducation comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau 3 : Évolution du crédit annuel de l’éducation nationale du Dahomey

Année Crédit pour l’éducation nationale en FCFA Pourcentage sur le budget national

1960 1 117 510 20,68% 1961 1 361 460 21,48% 1962 1 378 867 21,85% 1963 1 343 019 20,08% 1964 1 517 482 21,21% 1965 1 813 276 21,93% 1966 1 696 285 23,44% 1967 1 697 531 22,44% 1968 2 002 384 24,31% 1969 2 174 872 26,08% 1970 2 596 701 26,39%

Source : Archives personnelles (AP)-Pierre Claver Okoudjou, « L’école postcoloniale » annexe 2.289

Ce tableau permet de confirmer, comme le signale un rapport de la mission Unesco en 1968 sur le développement de l’enseignement supérieur du Dahomey, que près d’un quart du budget national est consacré sur dix années continues à l’éducation nationale290. Une politique de scolarisation dans le primaire devrait alors déboucher sur la mise en place d’un enseignement secondaire conséquent

1-2- Un développement limité de l’enseignement secondaire

Au Dahomey des années 1960, les termes collège, lycée, cours secondaire, étaient synonymes pour désigner le même niveau d’enseignement contrairement à la terminologie en

289 Une politique spéciale de conservation des archives d’état a fait défaut au Dahomey après les indépendances

comme du reste dans nombre de pays ouest-africains. Au Dahomey-Bénin, cela s’explique entre autres par le fait que plusieurs gouvernements différents voire opposés les uns aux autres se sont succédés à un rythme particulièrement accéléré, de sorte que la tendance générale entre 1963 et 1990 a été de porter peu d’intérêt à la sauvegarde des archives du régime précédent. Certains acteurs techniques locaux ont parfois gardé des dossiers aux archives personnelles que nous avons pu consulter comme celles ici de Pierre Claver Okoudjou.

290 Cf. Source : Archives de l’Unesco à Paris (AUF), « Dahomey, Éducation et développement : analyse,

vigueur dans le système éducatif français où le collège a servi à nommer un établissement secondaire complet jusque vers la fin des années 1950. Ainsi, en France, « à partir de 1959, et plus encore de 1963 le mot ne peut plus s’employer sans complément : il y a des collèges d’enseignement général, secondaire ou techniques »291. Plus tard, la loi Haby du 11 juillet 1975 encore appelée la réforme du « Collège unique » mettra fin aux différences entre

l

e premier cycle des lycées, les collèges, les collèges d'enseignement (CEG) pour « un établissement exclusivement consacré au premier cycle du second degré »292. Le Dahomey ne s’est pas emparé de ces révisions structurelles de son système éducatif si bien que la création d’un collège, d’un lycée ou d’un cours secondaire concerne toujours a priori les classes de la sixième jusqu’en Terminale. La seule nuance qu’il convient de mentionner est qu’entre 1960 et les années 1980, le terme lycée désignait, au Dahomey-Bénin, des établissements d’État dotés d’internat où étaient accueillis les boursiers pour l’entrée en sixième alors qu’en France, de multiples transformations de la société après 1945 ont conduit à « l’avènement du lycée de masse »293 au début des années 1960. Il est difficile de soutenir que le vœu d’une université dahoméenne est justifié a priori par une croissance considérable des élèves inscrits dans l’enseignement secondaire. Le nombre de collèges et de lycées recensés entre 1965 et 1970 n’a pas non plus connu un accroissement particulièrement élevé pour faire penser à une politique éducative incitative qui serait mise en place à dessein. Or, l’enseignement secondaire encore appelé enseignement du second degré est le niveau intermédiaire entre l’enseignement primaire et celui supérieur universitaire. Il est alors indispensable dans le cadre de notre étude, de nous interroger sur le développement de cet ordre d’enseignement du système éducatif en lien avec la volonté d’une université nationale. Nous analysons cela à partir du nombre de collèges, lycées, et d’apprenants du secondaire déclarés dans les archives de l’Unesco dont principalement l’Annuaire international de l’éducation, seule source disponible sur une période continue, entre 1961 et 1967, au cours de la décennie qui se situe immédiatement avant la création de l’université dahoméenne.

Le tableau ci-dessous, nous permet de visualiser la croissance des élèves d’année en année tant pour l’enseignement primaire que pour le secondaire. La juxtaposition des effectifs du

291 Antoine Prost, Histoire de l’enseignement et de l’éducation T. IV, L’École et la Famille dans une société en

mutation (depuis 1930), Paris, Perrin 2004 (1ère éd.1981), p. 31. 292 Ibid.

293 Pierre Caspard, Jean-Noël Luc et Philippe Savoie, (dir) Lycées, lycéens, lycéennes : deux siècles d’histoire, Paris,

primaire nous aide à visualiser la déperdition d’élèves entre le premier degré et le second, ce qui peut déjà constituer un indice pour se faire une idée du probable taux d’accès du premier cycle au second cycle du secondaire, puis du secondaire au supérieur.

Tableau 4 : Effectifs du primaire et du secondaire de 1961 à 1966

Année Primaire Différence sur année

précédente

Secondaire Différence sur année

précédente 1961 97 079 + 2 588 3 410 + 811 1962 103 745 + 6 666 7 356 + 3 946 1963 114 006 + 10 261 8 359 + 1 003 1964 125 231 + 11 225 10 347 + 1 988 1965294 - - - - 1966 132 690 + 1 916 11 961 + 560 1967 139 734 + 7 044 13 354 + 1 393

Source : Données in Unesco, Annuaire international de l’éducation, années 1961-1969

Signalons que pour l’année 1965, nous n’avons trouvé aucun renseignement d’effectif. Les soubresauts politiques qui d’octobre 1963 à décembre 1965 ont mis à mal la stabilité du gouvernement d’État n’ont sans doute pas permis de collectionner les données. On sait cependant qu’en lien avec l’augmentation des effectifs du secondaire, le nombre d’établissements s’est relativement accru comme l’indique le tableau ci-dessous :

Tableau 5 : Nombre d’établissements du secondaire entre 1965 et 1969 Année Public Privé Total

1965-1966 24 27 51

1968-1969 30 29 59

1969-1970 33 31 64

Source : Données in UNESCO, Country Programming – DAHOMEY, Paris, Unesco, 1er février 1972, p. 2, en ligne sur unesdoc.

294 Nous n’avons trouvé aucune information chiffrée sur les effectifs de 1965 car dans l’annuaire de 1965 ont été

repris les renseignements concernant l’année scolaire 1964-1965., en ce qui concerne le Dahomey sans expliquer la raison de cette option. Or, dans l’annuaire de 1966, nous avons eu les effectifs de 1966-1967.

Le nombre d’établissements publics qui était largement inférieur à celui des établissements privés 1966 s’est accru de 11 nouveaux établissements en 1970 contre seulement 5 nouveaux établissements privés. Cela nous laisse penser que le second degré n’a précédemment pas fait l’objet d’un développement spécial de la part des pouvoirs publics. Ces derniers ont cependant maintenu un effort renouvelé de la scolarisation primaire tout au long de la première décennie après l’indépendance.

Dans les années 1960, le Dahomey s’est aussi donné une renommée de « producteur de cadres pour l’Afrique subsaharienne. Ainsi ses enseignants, formés sur place à l’École Normale de Porto-Novo, sont demandés par le Général président Mobutu Sese Seko pour accompagner l’enseignement au Zaïre. On mesure également l’avance en termes de scolarisation de la jeunesse que le Dahomey avait par rapport à un pays comme le Tchad. En 1968 au Tchad, sur 14 pays d’Afrique subsaharienne, le nombre d’habitants autour d’un bachelier est l’un des plus élevés, soit 60 344. Ce rapport est très faible, comparé à la performance scolaire du Dahomey qui a six fois moins d’habitants pour un bachelier. On comprend, du reste, que le Tchad ait eu besoin d’enseignants dahoméens pour soutenir sa scolarisation dans l’enseignement secondaire. Les autorités dahoméennes répondent à la sollicitation tchadienne en envoyant en 1967 vingt-six professeurs de collège d’enseignement général (C.E.G). L’ambassadeur de France au Dahomey apprécie l’évènement comme on le lit dans un document au titre évocateur d’Assistance

Technique Dahoméenne en Afrique.

“Ambassadeurs de leur pays’’, pour reprendre les termes du Ministre de l’Éducation Nationale, ces fonctionnaires de l’“Assistance Technique Dahoméenne’’ auprès des pays africains sont des éléments d’une diaspora en Afrique que l’on voudrait bien à Cotonou voir reprendre la place et l’importance qu’elle connut avant les proclamations d’indépendance dans le continent noir295.

Aux lendemains des indépendances et dans la suite logique de la nouvelle orientation donnée à l’enseignement dans les colonies à partir de la Conférence de Brazzaville, « l’alphabétisation des masses populaires (particulièrement de leur partie active) est (…) une des tâches les plus urgentes

à entreprendre dans le cadre d’une politique vraiment nationale en matière d’éducation »296 dans tous les nouveaux états d’Afrique subsaharienne.

Sans être spectaculaire, l’accroissement du nombre des établissements d’enseignement secondaire pour les deux sexes et pour les deux types de secteur d’enseignement (public et privé) n’est cependant pas insignifiant. On pourrait dire que l’ordre de grandeur reste raisonnable pour un pays dont la scolarisation primaire est en expansion. Dans le public 11 nouveaux établissements secondaires sont créés entre 1966 et 1969, soit une augmentation annuelle de 3 établissements environ. En divisant les effectifs par le nombre d’établissements, nous pouvons estimer le nombre de collégiens à 235 élèves du secondaire par établissement en 1966 et un peu moins de 210 en 1969. En somme, l’augmentation des établissements n’a pas d’abord répondu à un accroissement d’effectifs mais à une meilleure répartition de la demande déjà existante pour décongestionner les établissements les plus anciens. La volonté politique d’implantation d’une université au Dahomey dans les années 1960 ne se justifie pas, d’abord, par une demande nationale, même si le Dahomey détient l’un des taux les plus élevés de bacheliers en AOF.

1-3- Un effectif de bacheliers dahoméens en croissance dans l’AOF

En 1954 où pour la première fois le baccalauréat est organisé au Dahomey, « sur 211 bacheliers pour l’ensemble de l’Afrique occidentale française (A.O.F), il y avait 79 Dahoméens !297 » ce qui représente 37% et traduit un certain engouement des habitants du Dahomey pour l’enseignement supérieur. En effet, le baccalauréat est, dans le système éducatif francophone, la principale porte d’accès à l’enseignement supérieur universitaire. À cet égard, se vérifie la justesse de l’affirmation du recteur Jean Capelle : « Que l’on soit pour ou contre le baccalauréat, il faut bien reconnaître que parmi les événements périodiques de la vie sociale, il est sans doute en tête de ceux qui mobilisent le plus l’attention du public »298. Or, au lendemain des indépendances, le Dahomey enregistre une rapide croissance de son effectif de bacheliers d’année en année.

296 Abdou Moumouni, L’éducation en Afrique, op.cit., p. 151.

297 République du Bénin, Fraternité-Justice-Travail, L’Enseignement supérieur et l’Université au Bénin : du Centre

d’enseignement supérieur de Porto-Novo à l’Université d’Abomey-Calavi (1962-2014), Cotonou, décembre 2015, p.

14.

298 Jean Capelle, Contre le baccalauréat, Collection Pour ou Contre, Nancy, Berger-Levrault 1968, « avant-

Sur les quatorze pays d’Afrique francophone et Madagascar, même si le cas du Gabon est le plus frappant dans le rapport proportionnel d’un bachelier par nombre d’habitants, le Dahomey