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Les jalons d’un enseignement supérieur en Afrique occidentale française

Chapitres I, II, III et

1- Les jalons d’un enseignement supérieur en Afrique occidentale française

Il est question ici des structures qui, sans avoir été pensées au départ comme des prémisses de l’enseignement supérieur universitaire, ont fini par acquérir ce statut au moment où la décision formelle d’implanter un début d’université va être prise par la France en Afrique de l’Ouest. L’AOF est un vaste ensemble territorial qui encercle deux colonies britanniques importantes, à savoir le Nigéria et le Ghana. L’étendue géographique dont la photo reproduite ici est de 1929 n’a pas fondamentalement changé par la suite jusqu’aux années 1950. La colonie du Dahomey appartient à cet ensemble. Comme pour toutes les autres colonies de l’AOF, les débuts de l’enseignement supérieur dahoméen ne peuvent se comprendre sans les initiatives portées par les colonisateurs français au Sénégal.

118 André Bailleul, L’université de Dakar : institutions et fonctionnements 1950-1984, thèse de Doctorat d’État en

Droit, présentée et soutenue publiquement à l’Université de Dakar, Faculté des Sciences juridiques et économiques, le 7 juillet 1984.

119 Jean Capelle, L’éducation en Afrique noire à la veille des indépendances, Paris, Karthala-ACCT, 1990 ; Amady

Aly Dieng, Mémoires d’un étudiant africain, Volumes I & II, Dakar, Codesria, 2011 ; Michel Sot (éd.), Etudiants

Illustration 3 : Afrique occidentale française (AOF)

Source : Atlas colonial français, colonies, protectorats et pays sous mandat, Cartes et textes du commandant

Pollacchi, Paris, L’illustration, 1929 (ANOM)

Comparativement à la situation dans les colonies britanniques, la mise en place d’un enseignement supérieur en AOF est relativement tardive. Rappelons que dans l’évolution politique des territoires britanniques de l’Ouest africain »120, une première université est créée en Gold Coast (devenu Ghana après l’indépendance) en 1924 à Achimota, près d’Accra121. Or, il faut, au contraire, attendre presque trente ans pour que, du côté français, un premier embryon universitaire démarre à travers la création de l’IHED en 1950. Toutefois, les prémisses de cet institut pourraient être vus dans plusieurs initiatives prises par la France au sortir de la Première Guerre mondiale : d’abord la création de l’école de médecine de Dakar, l’institut Pasteur ou l’institut français d’Afrique noire.

120 Dakar-Etudiant, n° 6, avril 1954, article « L’évolution politique des territoires britanniques de l’Ouest africain »,

p. 4.

1-1- L’école de médecine de Dakar : une prémisse de l’Institut des hautes études

La volonté de former une élite africaine en AOF se manifeste dès les premières années dans le domaine sanitaire et médical. En 1918, en effet, le Général Aristide Le Dantec fonde une école africaine de Médecine à Dakar, destinée à former des “médecins auxiliaires’’. L’année suivante une section de Pharmacie est ajoutée à l’école de Médecine, de même qu’une section vétérinaire. Cette initiative marque le « début de l’enseignement supérieur en Afrique Occidentale Française (AOF) »122 comme l’affirme André Bailleul. Pour l’historienne Pascale Barthélémy la fondation de l’École de médecine en 1918 à Dakar est au cœur d’une « politique éducative et sanitaire » assez frileuse menée par la France, politique dont elle souligne « le décalage […] considérable entre le discours et l’action effectivement menée »123. De même, le politologue Papa Ibrahima Seck note l’importance de cette École dans la gestation de l’IHED. L’auteur estime que « pour l’institution d’un système d’enseignement supérieur en Afrique noire, l’École de Médecine de Dakar devrait alors servir de ballon d’essai compte tenu de la qualité des “médecins auxiliaires’’ qu’elle a formés depuis sa création en 1918 »124.

L’école de médecine est née de la volonté de mieux structurer les services administratifs de l’AOF. Le 15 novembre 1916, un secrétariat général de l’AOF est créé. Ce secrétariat comprend des domaines spécifiques comme la “Direction des affaires économiques’’, la “Direction des affaires politiques et administratives’’ et l’“Inspection générale des services sanitaires et médicaux’’. Cette dernière a pour champ d’action les questions relatives à la police maritime, l’épidémiologie, l’hygiène générale et la prophylactique, ainsi que l’assistance médicale indigène. C’est ainsi que naît le besoin d’organiser progressivement « la formation des premiers indigènes auxiliaires de la santé, les aides-médecins »125. Cette nécessité se mesure d’ailleurs un peu plus tard, lorsque l’Afrique des années 1930 est victime de plusieurs épidémies. La médecine coloniale s’est alors trouvée confrontée à la gestion d’importants cas d’épidémies comme en témoignent des renseignements statistiques du Bulletin médical de l’Afrique

122 André Bailleul, L’Université de Dakar, op.cit., p.17.

123 Pascale Barthélémy, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), Rennes, Presses Universitaires de

Rennes 2010, p.18.

124 Papa Ibrahima Seck, La stratégie culturelle de la France en Afrique : l’enseignement colonial (1817-1960), Paris,

L’Harmattan 1993, p.112.

125 Aimée Houémavo-Grimaud, Les médecins africains en A.O.F. : étude socio-historique sur la formation d’une

élite coloniale. Mémoire de maîtrise sous la direction d’Abdoulaye Bathily, université de Dakar, FLSH, département

occidentale française126. En 1941-1942, les médecins français constatent une multiplication de cas de variole, de fièvre jaune, de méningite et de typhus127. C’est dans le but de trouver une solution radicale à ces fléaux sanitaires que l’école de médecine de Dakar a progressivement été structurée pour former assez rapidement, pour le terrain local, un grand nombre de médecins auxiliaires indigènes. La médecine n’est donc pas pensée au départ comme une véritable branche d’étude supérieure devant conduire à la formation des Africains aofiens en tant que médecins universitaires comme en métropole.

Plutôt qu’une structure de la politique éducative menée localement, la nouvelle école ainsi créée en 1918 est une école dirigée par les militaires qui sont sous l’ordre du fondateur, le Général A. Le Dantec. De plus, elle est exclusivement destinée à la formation des Africains. Il n’y a pas d’équivalence du diplôme qu’elle délivre avec celui que donnent les facultés en métropole car les médecins formés par cette école de Dakar sont en réalité des « assistants médicaux, à mi-chemin entre le médecin traditionnel et l’infirmier-major »128. Une première promotion finit sa formation et entre en fonction dans les territoires de l’AOF en décembre 1922129. En parallèle à la formation des médecins africains, « une section “sages-femmes’’ est également inaugurée » dès l’automne 1918. Des sages-femmes et infirmières visiteuses africaines vont être formées pour répondre à la « volonté d’exploitation renforcée et à moindre coût des colonies » comme le note Pascale Barthélémy130. Malgré les ambitions scientifiques limitées à l’origine, l’école de médecine de Dakar « fournira des cadres de grande valeur dont la plupart intégreront ensuite l’enseignement médical de type classique pour former les premiers enseignants médicaux du supérieur »,131 après les indépendances. Certains parmi eux, feront « une carrière politique prestigieuse [comme] Félix Houphouët Boigny en Côte d’Ivoire, ou Diori

126 Le Bulletin médical de l’Afrique Occidentale Française est la revue de l’Assistance Médicale Indigène (AMI) en

AOF qui commence à paraître en 1942. Nous remercions le responsable du service de communication de la bibliothèque universitaire de l’UCAD qui nous a permis exceptionnellement de consulter les deux échantillons disponibles sur place. Nous avons voulu y voir les informations qui s’y trouvent sur la santé des indigènes et s’il y avait une mention de lien avec l’école de médecine.

127 Voir Gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française, Inspection Centrale du Service de Sante (École

de Médecine) Bulletin médical de l’Afrique Occidentale Française-Revue de l’Assistance Médicale Indigène en

A.O.F., Tome 1-Fascicule 1, 1ère année-1er Trimestre, 1942, p. 83 & 84. 128 André Bailleul, L’Université de Dakar…, op. cit., p. 17.

129 Voir Aimée Houémavo-Grimaud, Les médecins africains..., op.cit., p. 64. 130 Pascale Barthélémy, Africaines et diplômées…, op.cit., p. 31.

Hamani au Niger, ou encore Cissé Dia au Sénégal132. C’est de cette école de médecine de Dakar que sortiront à la fois « des médecins et des sages-femmes indigènes »133. L’école de médecine de Dakar représente le premier pas important de la politique française d’enseignement en AOF qui élargit l’horizon du système éducatif colonial au-delà de l’enseignement primaire et secondaire. À cet égard, outre l’école de médecine considérée comme une « ébauche de la constitution d’une élite coloniale »134 la création de l’Institut Pasteur et de l’Institut français d’Afrique Noire (IFAN) se révèle aussi, après coup, comme de timides pas vers un enseignement supérieur en AOF au cours de la première moitié du XIXe siècle.

1-2- L’Institut Pasteur et l’Institut Français d’Afrique Noire : deux instituts du colonisateur Jusqu’à la période de la décolonisation, l’enseignement universitaire sur le terrain colonial était limité aux quatre centres universitaires créés dans l’Empire français, à Alger, Hanoi, Tunis et Dakar. La création des deux instituts à Dakar participe du développement des « études coloniales » commencées en métropole depuis la fin du XIXe siècle. L’objectif de ces études que l’historiographie qualifie de « sciences coloniales » consiste en une stratégie scientifique pour « la mise en valeur des territoires de l’A.O.F. »135 au service d’un empire en pleine expansion136. En 1945, le directeur français de l’enseignement et de la jeunesse en AOF rappelle les débuts et les objectifs des études coloniales :

la création de la Licence d’Etudes Coloniales dont l’initiative revient à l’ENFOM qui avait élaboré dès 1937 un premier projet, répond à une triple préoccupations :

1er- inscrire dans un cadre universitaire bien défini la distribution des programmes de la

culture générale nécessaire aux administrateurs coloniaux ;

2e- servir de base d’une façon générale à la formation des candidats à divers emplois

coloniaux publics et privés. La Licence actuelle gagnerait à être complétée ultérieurement à cet égard par une licence d’études coloniales comportant la mention “SCIENCE-OM’’ ;

132 André Bailleul, L’Université de Dakar, op.cit., p.18

133 Aimée Houémavo-Grimaud, Les médecins africains, op. cit., p.64. 134 Aimée Houémavo-Grimaud, Les médecins africains, op.cit., p.9.

135 Docteur P. KIRSCHE, « L’Institut Pasteur de l’A.O.F. », La Revue Maritime, Paris, Les Editions Ozanne, n° 135,

juillet 1957, p. 907.

136 Voir Pierre Singaravélou, Professer l’Empire. Les sciences coloniales en France sous la IIIe République, Paris,

3e – assurer la diffusion de connaissances coloniales parmi les élites métropolitaines137.

À Paris et dans des facultés de province, les ouvertures d’écoles spécialisées se multiplient de sorte que « l’enseignement supérieur colonial constitue un des rares domaines où les villes de province peuvent rivaliser avec la capitale » comme le souligne Pierre Singaravélou138. La mise en place d’une école d’administrateurs coloniaux139 ainsi qu’une structure de recherche en sciences et techniques d’Outre-Mer constituent des étapes capitales pour affronter la part d’énigme des colonies dont a parlé, en 1878, le docteur Béranger-Féraud. Considéré comme l’un des spécialistes de la médecine coloniale, ce chercheur avait déclaré que la survie du colonisateur n’était pas garantie dans les régions de la Sénégambie. Pour lui, « après une expérience au-delà de 400 ans, on peut dire qu’il est fort probable que le blanc ne pourra jamais vivre en santé et prospérer en Sénégambie. Dans de pareilles conditions, tout effort de colonisation, de développement industriel, a bien des chances d’être frappé de stérilité dès le début »140. L’histoire de l’Institut Pasteur, fondé en 1924 pour prendre la suite du Laboratoire biologique de l’AOF constitue un vrai démenti à la réflexion de Béranger-Féraud. Fruit d’une convention signée entre le gouvernement général de l’AOF et la direction de l’Institut Pasteur de Paris, l’Institut Pasteur de l’AOF a commencé par des débuts fort modestes quand on évoque « les locaux primitifs, aménagés de façon sommaire, constitués par des “réduits aux mûrs noirâtres et crevassés, infestés de rats, à l’atmosphère étouffante »141. Mais un peu plus de trente ans plus tard, l’institut est devenu comme un triomphe colonial d’après son directeur de 1957 qui

137 ANOM, FM 1, AFFPOL 238, « lettre du directeur de l’enseignement et de la jeunesse en AOF au ministre de la

France d’Outre-Mer », 19 novembre 1945.

138 Pierre Singaravélou, « L’enseignement supérieur colonial : un état des lieux », in Histoire de l’éducation [En

ligne], 122 | 2009, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 27 février 2017.

139 Voir Armelle Enders, « L’École nationale de la France d’outre-mer et la formation des administrateurs

coloniaux », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 40, 2, 1993, p. 272-288 ; Béatrice Grand, Le 2 avenue de

l’Observatoire, de l’École cambodgienne à l’Institut international d’administration publique, Paris, La

Documentation française, 1996 citées par Pierre Singaravélou, « L’enseignement supérieur colonial : un état des lieux », in Histoire de l’éducation [En ligne], 122 | 2009, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 27 février 2017.

140 Docteur Béranger-Féraud, cité par le Docteur P. KIRSCHE, « L’Institut Pasteur de l’A.O.F. » in La Revue

Maritime, Paris, Les Editions Ozanne, n°135, juillet 1957, p.907. La Revue Maritime est un bulletin dont nous avons

découvert les anciens numéros des années 1950 au centre de documentation de l’IFAN (ancien Institut français d’Afrique Noire) à Dakar. Son titre entre 1861 et 1896 était La Revue Maritime et Coloniale, périodique descendant des Nouvelles Annales de la Marine, elles-mêmes issues de ce qui s’appelait Les Annales Maritimes et Coloniales, lancées en 1816. Publiée par l’Institut français de la Mer (IFM), cette revue de plus de deux siècles est destiné au monde francophone que les nombreuses et variées publications veulent informer de toutes les évolutions et inventions dans le monde.

141 Citation du Bulletin d’information et de renseignements, n°161, du 13 septembre 1937, p. 3, par Docteur P.

KIRSCHE, « L’Institut Pasteur de l’AOF » in La Revue Maritime, n°135, Les éditions Ozanne, juillet 1957, p. 904.

émet l’idée que « Pasteur, parmi ses autres titres, est le plus grand maître moderne de la colonisation »142. L’éloge que fait le directeur de l’institut montre bien que le centre d’intérêt n’est pas l’AOF en soi, mais la « science coloniale » que peut en tirer la France colonisatrice.

La description du directeur est destinée aux lecteurs, essentiellement européens et francophones, d’une revue d’information sur les activités outre marines. L’idée ici est de montrer le passage d’une Afrique austère et en danger à une AOF prospère où la vie est de plus en plus sécurisée par les progrès de la science occidentale qu’incarne l’Institut Pasteur. Et pour en montrer l’ampleur, l’auteur de l’article évoque le fait que la production du vaccin contre la rage est passée d’environ « 55 000 doses en 1938 à près de 700 000 doses en 1956 » et énumère en même temps les divers domaines qu’embrasse l’activité scientifique de l’Institut Pasteur à savoir :

- « les services de clinique » pour les analyses médicales et le contrôle de l’eau d’alimentation ; - « les services d’anatomie pathologique » destinés aux expérimentations de l’institut pour les maladies hépatiques et rénales, la lèpre, le BCG, les maduromycoses et le dépistage des lésions cancéreuses ;

- « le service antirabique » qui met au point le vaccin contre la rage ;

- « le service du B.C.G. » dont les activités ne débutent effectivement qu’à partir de 1950 ;

- « le service de la fièvre jaune » qui représente l’activité principale143 de l’institut jusqu’en 1953 où pour la première fois, aucun cas n’est signalé dans toute l’AOF144.

142 Gabriel Hanotaux, Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le monde, tome II :

l’Algérie, Paris, Société de l’Histoire Nationale 1931, cité par Docteur P. KIRSCHE, « L’Institut Pasteur de l’AOF » in La Revue Maritime, n° 135, Les éditions Ozanne, juillet 1957, p. 907. Le Docteur P. KIRSCHE est alors directeur de l’institut et en fait un article dans la Revue Maritime, op.cit., p. 904-907.

143 Il semble d’ailleurs que la fabrication du vaccin de la fièvre jaune soit restée la première production au moins

jusqu’à la fin du XXe siècle. Ainsi, le Docteur Perrault Ronald, directeur par intérim de l’Institut Pasteur affirme qu’entre 1994 et 2005, ce sont plus de 60 millions de doses qui sont fabriquées, ce qui représente une moyenne de plus de 5 millions de doses par an. Cela est largement supérieur aux 55 000 de 1938 et les 700 000 de 1956. Voir « dossier sur l’Institut Pasteur », in Inter-Face, Journal bimestriel de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Dakar, PUD, mai-juin 2005, p. 16.

144 Voir Docteur P. KIRSCHE, « L’Institut Pasteur de l’AOF » in La Revue Maritime, n°135, Les éditions Ozanne,

L’Institut Pasteur, quoiqu’une institution de niveau universitaire, n’est pas destiné à la formation des aofiens. Il sert, dans la dynamique de la « mission civilisatrice », à promouvoir localement une meilleure santé des Africains. Dans la même logique, à la suite de l’Institut Pasteur, l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) est créé en 1936 sous l’incitation et la motivation du Gouverneur général de l’AOF, Jules Brévié. Pour lui, « la colonisation devient affaire de méthode, de calcul, de prévision, et pour tout dire, de science »145et une véritable mise en valeur des colonies en dépend.

L’histoire de l’IFAN s’est longtemps confondue avec celle de Théodore André Monod qui en a assuré la direction pendant de longues années. Venu à la tête de l’institut, deux ans après sa création, en 1938, Théodore Monod était alors assistant à Paris au Muséum d’Histoire Naturelle. Pendant quasiment deux décennies, sous son impulsion et sa direction, « l’IFAN a apporté la plus utile contribution à la connaissance de l’Afrique, comme l’indiquent le nombre, la diversité et la valeur de ses publications »146. En 1957, Théodore Monod écrit que l’IFAN, entre 1946, année de reprise des activités d’après-guerre, et 1957, année de création de l’université de Dakar, réalise la parution de « 50 mémoires scientifiques, 12 initiations, 13 catalogues et périodiques, et périodiquement les Bulletins de l’Institut français d’Afrique noire (…) ; ainsi que les Notes

africaines, les Études, publiées par les huit centres locaux, les Mémoires du Centre du Cameroun

et les notices sur la protection de la Nature »147. Dans un style que Marie-Albane de Suremain qualifie de « reportage impressionniste »148, le directeur Monod s’émerveille devant la masse des publications de l’IFAN : « en tout, plus de 300 ouvrages nouveaux parus qui certifient l’importance de la tâche, la vitalité et l’utilité de l’IFAN »149. Le directeur de l’institut doit faire face au manque de place pour gérer l’abondance des collections ainsi réunies puisque le « Centre fédéral, suffisant à ses débuts, se voit chaque jour plus à l’étroit pour continuer son œuvre ». C’est pourquoi, selon lui « l’heure est venue, avec le centenaire de Dakar150, de donner à la

145 Jules Brévié, « Science et colonisation », in Trois études de M. le gouverneur général Brévié, Imprimerie du

gouvernement général de l'AOF, Dakar, 1936.

146 André Bailleul, L’Université de Dakar, thèse de doctorat, p.18. 147 Théodore Monod, art. cit., in La Revue Maritime, op.cit., p.902.

148 Marie-Albane de Suremain, « Faire du terrain en AOF dans les années cinquante », Ethnologie française, 4/2004

(Vol. 34), p. 651-659, in http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-4-page-651.htm (consulté le 27/02/2017).

149 Théodore Monod, art. cit., in La Revue Maritime, op.cit., p. 903.

150 L. Senghor fait référence aux débuts de Dakar comme ville quand les troupes françaises prennent possession de la

recherche l’espace nécessaire à la continuation de l’œuvre de l’IFAN»151. En somme, c’est le développement des activités de l’Institut Pasteur et de l’Institut Français d’Afrique Noire qui a donné l’idée d’implanter à Dakar et dans les mêmes environs, un enseignement supérieur pour l’AOF au-delà de l’initiative première de promouvoir la seule recherche sur l’Afrique.

L’IFAN embrasse un vaste programme de recherche qui « a pour objet l’étude scientifique de l’Afrique noire en général et de l’Afrique de l’Ouest en particulier, du pays, de sa faune, de sa flore, de ses habitants, de son histoire, de son évolution, de ses ressources, de ses productions »152. Le bâtiment à deux niveaux que l’on peut apercevoir sur la photo 2, ci-dessous, donne une idée de grandeur sur l’ambitieux programme mis en route par la France en AOF. Il s’agit alors de faire face aux effets destructeurs de la Grande Guerre, et aux conséquences ravageuses de la crise économique de 1929 qui ébranla, depuis Washington, les finances et l’économie du monde occidental tout entier153. Le problème se pose également dans les années 1944 et après la Guerre quant à la valeur des écoles rurales154 et de l’école coloniale au temps de la décolonisation155.

général de ville, avec le début des travaux du port en 1860 puis un nouveau plan d’alignement de la ville en 1862.