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B. Les cellules Natural Killers

2. Cellules NK et infections virales chroniques

2.4. Cas de l’infection VIH

2.4.3 Rôle dans la phase chronique

L’infection par le VIH-1 est associée à une fonction altérée des cellules NK dès la phase aiguë de l’infection qui se maintient durant la progression de la maladie. En effet, plusieurs stratégies d’échappement sont mises en place par le VIH-1 de manière directe ou indirecte, ayant un impact délétère sur les sous-populations NK. Alors qu’au cours de la phase aiguë il y a une expansion des cellules NK CD56Dim, on observe au cours de la phase

chronique une corrélation négative entre la fréquence des cellules NK fonctionnelles et la virémie. En effet, on observe l’expansion d’une population de cellules NK dysfonctionnelles CD56-CD16+ au détriment de la population de cellules NK CD56Dim. Cette population particulière n’est pas observée chez les LTNP ou bien elle est progressivement éliminée lors du traitement cARV. Les cellules NK, et particulièrement, la population CD56-CD16+ expriment plus faiblement les récepteurs activateurs NKp30 et NKp46, affectant leur propriété de surveillance contre le virus, leur activité cytotoxique, l’expression de cytokines antivirales et leur interaction avec d’autres cellules de l’immunité (Brunetta et al., 2010). Un autre marqueur du passage à la phase chronique est la perte progressive de l’expression du Siglec-7 observée au cours de la primo-infection, qui est associée au cours de la phase chronique à l’expansion de la population CD56-CD16+. Ce récepteur est maintenu chez les patients LTNP alors qu’il est associé à une diminution des fonctions des cellules NK chez des progresseurs (Brunetta et al., 2009). De plus, des formes solubles de Siglec-7 sont retrouvés dans le sérum et sont associées positivement à la charge virale (Mikulak et al., 2017). Le VIH-1 va également agir sur l’expression des ligands des récepteurs des cellules NK. Après infection, les LT CD4+ expriment les ligands ULBP1-3 du NKG2D pour signaler l’infection

(Ward et al., 2007). Mais la protéine Nef semble pouvoir moduler l’expression de ULBP-1 et

-2 (Cerboni et al., 2007) et diminuer l’expression de HLA-A et -B (Cohen et al., 1999).

L’expression de HLA-C peut être diminuée à la surface des LT CD4+ infectés par le biais de la protéine virale Vpu. Il est intéressant de noter que le VIH-2 peut également induire la diminution de l’expression de HLA-A et -B par Nef mais également HLA-C malgré l’absence de la protéine Vpu. Sachant que ces protéines virales sont très variables ce phénomène n’est pas constamment observé (Apps et al., 2016). De même ces protéines virales sont impliquées dans l’endocytose des ligands de DNAM-1, comme PVR ; induisant alors une diminution de la capacité des cellules NK à lyser ces cellules. La protéine Nef du VIH-2 ne peut pas induire ce mécanisme (Matusali et al., 2012). L’infection par le VIH-1 n’induit pas l’expression des ligands de NKp30 ou de NKp46 (Ward et al., 2007) (Figure 13).

L’expression du ligand du NKp44 a été longuement étudiée. En effet, un mécanisme d’échappement du VIH-1 a été décrit (Vieillard et al., 2005, 2016) et met en jeu le ligand de NKp44 appelé NKp44L. Il a été identifié comme étant une nouvelle isoforme de MLL5 (Mixed-Lineage Leukemia 5), une protéine normalement impliquée dans la régulation du cycle cellulaire et dans l’hématopoïèse. Contrairement à MLL5 qui est exprimé dans toutes les cellules saines, NKp44L n’est observé que dans certaines situations de stress cellulaires

telles que les cancers et certaines infections virales. NKp44L est en fait produit de façon intra-cytoplasmique suite à une activation cellulaire puis transloqué à la surface de la cellule, mais uniquement dans des conditions de stress (Baychelier et al., 2013). Dans le cadre de l’infection par le VIH-1, il a été observé que les LT CD4+ de patients infectés sous cARV expriment à leur surface le NKp44L qui provoque leur lyse par des cellules NK-NKp44+. La fréquence des LT CD4+NKp44L+ corrèle avec la charge virale et inversement avec le taux de LT CD4+, et est associée à la présence de cellules NK-NKp44+. La translocation du NKp44L est induite par un motif spécifique et hautement conservé de la gp41 du VIH-1, appelé motif

3S (Vieillard et al., 2005). En effet, des anticorps anti-3S sont retrouvés dans le sérum de

patients infectés et sont capables de bloquer l’expression de NKp44L (Vieillard et al., 2006). Le motif 3S est localisé entre HR1 et HR2 (Figure 3) et est exposé à la surface de la structure trimérique de pré-fusion de l’enveloppe du VIH-1, ce qui concorde avec de récentes résolutions de la structure de l’enveloppe trimérique du VIH-1 (Lee et al., 2016; Pancera et

al., 2014). L’induction du NKp44L va avoir lieu lorsque le motif 3S va interagir avec une

région bien précise du gC1qR (résidus 174 à 180) présent sur les LT CD4+ (Fausther-Bovendo

et al., 2010; Pednekar et al., 2016). Cette interaction du motif 3S provoque alors la

translocation du NKp44L à la surface des LT CD4+ qui deviennent sensibles à la lyse par des cellules NK exprimant NKp44. Précisément il a été mis en évidence que le signal de transduction du NKp44L induit par l’interaction 3S/gC1qR implique la voie PhosphatIdylinositol-Trisphosphate (PIP3)/NADPH oxydase (H2O2). Brièvement, elle consiste en l’induction de PIP3 par l’interaction 3S/gC1qR qui entraîne la production intracellulaire d’H2O2, provoquant une cascade moléculaire menant à la translocation de NKp44L (Fausther-Bovendo et al., 2010). IL est à noter que la protéine Nef du VIH-1 est capable d’inhiber la translocation du NKp44L à la surface des LT CD4+, afin de préserver les cellules infectées et le réservoir viral (Fausther-Bovendo et al., 2009). Ces données vont également dans le sens des travaux de Ward et al., qui ont observé seulement l’expression de NKp44L à la surface de cellule non infectée (Ward et al., 2007). Ces cellules deviennent alors sensibles à la lyse par les cellules NK, aggravant la phase de déplétion massive des cellules non-infectées observé au cours de la phase chronique de l’infection VIH-1 et résultant du stade SIDA. En résumé, un mécanisme d’échappement viral va indirectement détourner le rôle primaire des cellules NK pour devenir délétère vis-à-vis du système immunitaire pour installer au mieux la phase chronique de l’infection.

Figure 13 : Principaux mécanismes de modulation des ligands des cellules NK par l’infection VIH-1 : Le

panneau de gauche représente les principaux récepteurs des cellules NK modulés pendant l’infection. Le panneau de droite représente les protéines induites ou provenant du VIH-1 modulant l’expression des ligands des récepteurs NK : augmentation (en rouge), diminution (bleu), blocage de l’expression (rouge pâle) et expression normale (gris). * Anticorps spécifique au VIH-1 (Jost and Altfeld, 2012)

Le VIH et le VHC sont responsables d’infections chroniques à l’origine de pandémies dont les relations avec le système immunitaire ne sont pas encore à ce jour complétement comprises. Les études actuellement menées pourraient permettre d’améliorer nos connaissances et mettre en place de nouvelles approches thérapeutiques. Les principaux objectifs de mon travail de thèse étaient :

1- De réaliser une étude extensive des cellules NK au cours de l’infection chronique par le VIH-2. Cette analyse a permis de mettre en évidence des différences phénotypiques et fonctionnelles des cellules NK chez les patients infectés par le VIH-2 par rapport à des patients LTNP et HIC VIH-1+.

2- De déterminer le rôle des cellules NK intra-hépatiques dans l’évolution chronique du VHC. Dans un premier temps, cette étude a pour but de déterminer le rôle des cellules NK intra-hépatiques exprimant NKp44 dans cette infection. Ensuite, j’ai cherché à déterminer le rôle potentiel de NKp44L au cours de l’infection par le VHC. Ces travaux étaient basés sur des données de la littérature qui montrent que le gC1qR interagit avec la protéine Core du VHC. Ceci suggère qu’un mécanisme similaire à celui que l’équipe avait observé au cours de l’infection par le VIH-1 puisse se produire pendant l’infection par le VHC. L’objectif est de rechercher si la protéine Core du VHC peut induire l’expression du NKp44L et de déterminer le(s) mécanisme(s) impliqué(s).

3- De disséquer la réponse anticorps neutralisante induite par un peptide modifié de la gp41. Ce projet dérive de travaux réalisés précédemment dans le laboratoire qui a mis en évidence une région importante et très conservée du VIH-1 nommée 3S. L’interaction du peptide 3S avec un récepteur ubiquitaire gC1qR à la surface des LT CD4+ induit l’expression de NKp44L qui active la fonction cytotoxique des cellules NK. Le développement du vaccin thérapeutique VAC-3S à partir de ce peptide et les essais cliniques chez des patients infectés par le VIH-1 sous cARV immunisés par ce vaccin ont mis en évidence que VAC-3S était non toxique et immunogène aux plus fortes doses, permettant d’induire une augmentation des LT CD4+ et du rapport des LTCD4+/CD8+. En parallèle, des travaux sur la structure du motif 3S ont mis en évidence qu’une simple substitution (W614A-3S) induit la production d’anticorps neutralisants chez la souris. Mon travail a consisté à rechercher la présence de ces anticorps chez les patients LTNP et à étudier les corrélats de protections associés. De plus, j’ai recherché dans différents modèles animaux la meilleure formulation vaccinale utilisable chez l’Homme.

Projet 1 : Caractéristiques phénotypiques et fonctionnelles