• Aucun résultat trouvé

A. Les infections chroniques virales

3. Le système immunitaire au centre de la chronicité

3.2 Mécanisme d’échappement viraux : Installation de la chronicité

3.2.1 Lors de l’infection VIH

Le VIH-1 a dû, dans un premier temps, évoluer pour échapper aux réponses innées comme les facteurs de restrictions et avoir la possibilité de persister. Une étude chez le macaque a permis, en quatre passages du virus, à le rendre aussi infectieux que chez l’Homme grâce à des mécanismes d’échappement ou d’inhibition de facteurs de restrictions. Ces mécanismes déterminent une colonisation réussie de l’hôte. Dans ce scénario, la réponse LT CD8+ est déterminante pour induire un profil néfaste ou bénéfique de la réponse immune face au pathogène (Hatziioannou et al., 2014). L’infection des LT CD4+, qui coordonnent la réponse immune, permet au VIH-1 d’établir une stratégie d’échappement et de développement unique. La réponse de l’hôte à cette infection pro-inflammatoire forte dès la phase aiguë détermine la chronicité de l’infection, qui est difficilement contrée par les cARV. Une réponse immune importante va favoriser l’installation du VIH-1 en créant un environnement très inflammatoire et donc en activation constante. C’est ainsi que de nouveaux LT CD4+ activés sont recrutés et deviennent des cibles privilégiées pour la propagation de l’infection. En particulier, l’activation et la prolifération de LT CD4+ mémoire-effecteur exprimant le CCR5 (LT CD4+ME) est accéléré dans ces conditions. Les LT CD4+ centraux mémoires (LT CD4+CM), sont épargnés, afin de pouvoir migrer dans les sites de réplication virale pour régénérer la population LT CD4+ME favorisant l’infection. Les LT CD4+ sont à terme incapables de maintenir une réponse immune fonctionnelle dû à leur

exhaustion. Comme il a été montré chez des singes infectés par le VIS, l’efficacité et le maintien de LT CD4+CM est suffisant pour tolérer l’infection (Okoye and Picker, 2013; Silvestri et al., 2003).

L’activation cellulaire est donc bien centrale dans l’installation de l’infection chronique. Dans un modèle macaque, le blocage de l’activation cellulaire des LT CD4+ par des anticorps a montré une baisse des pics de virémie. En revanche les réponses LT CD8+ et LB spécifique du virus sont également réduites. Cependant après l’arrêt du traitement, l’infection reprend son cours normal, indiquant que l’activation est l’un des facteurs déterminant dans le passage à la chronicité (Garber et al., 2004). On peut également pointer le fait que le VIH-1, pouvant évoluer rapidement, échappe au contrôle des LT CD8+ et des LB car leurs TCR et BCR (récepteur des LB) ne s’adaptent pas aussi rapidement. Le virus peut donc s’installer, créer des réservoirs et persister dans l’hôte avant qu’une réponse adaptative soutenue ne soit mise en place.

3.2.2 Lors de l’infection VHC

Tout comme le VIH-1, le VHC est un virus qui se multiplie très rapidement (1012 virions sont produits chaque jour chez des patients infectés chroniquement) et qui mute rapidement dû au manque de relecture de son ARN polymérase. Ces caractéristiques ont pour conséquence un échec de l’expansion de LT spécifique du virus. Précisément, l’échappement du VHC est déterminé lors de l’infection aiguë liée à la balance entre l’activation de gènes stimulant la production d’IFN et les mécanismes d’échappement du virus. La réponse IFN produite par les hépatocytes infectés active la réponse innée (cellules NK, macrophages et DC) et la réponse cellulaire des LT. Le VHC va tenter de bloquer la réponse IFN à l’aide de ses protéines virales, principalement NS3/4A, en ciblant les facteurs de transcription des gènes IFN sauf chez les macrophages et les DC. L’IFN de type II (IFN-γ) est spécifiquement produit par les cellules NK et par certaines populations de LT. Alors qu’une clairance efficace du virus est liée à une activité des LT CD4+ forte, l’échec de la clairance est dû à un dysfonctionnement de cette population, qui maintient les LT CD8+ dans un état d’exhaustion. De plus, les réponses cellulaires des LT régulateurs augmentent dans le foie et participe également au mauvais fonctionnement des réponses cytotoxiques et cytokiniques des LT. Un tel phénotype permet au virus de persister et maintient une activation constante du système immunitaire responsable de la dégradation du foie (Park and Rehermann, 2014).

Les principales stratégies d’échappement du virus modulant la réponse immunitaire impliquent la protéine Core du VHC. La protéine Core non entourée d’enveloppe lipidique peut être sécrété dans un système Bacculovirus et absorbée par des lignées hépatiques

(Katsarou et al., 2009; Tsitoura et al., 2007). D’autres données montrent que des particules

virales défectueuses n’exprimant pas les protéines d’enveloppe sont retrouvés dans le sérum de patients infectés et sont associées à une mauvaise SVR (Iwai et al., 2006; Yagi et al.,

2005). En particulier, Maillaird et al ont observé des taux très élevés de protéine Core et

d’anticorps anti-Core dans le sang périphérique. Dans ce cas, la protéine Core n’est entourée que de lipide sauf une région exposée (résidus 24 à 68) spécifique des anticorps anti-Core

(Maillard et al., 2001). A ce jour la présence de la protéine Core sans enveloppe dans le sang

reste débattue. Piver et al n’ont pu ni confirmer ni infirmer la possibilité que cette forme du virus existe (Piver et al., 2017). Néanmoins, plusieurs données montrent le rôle immunomodulatoire de cette protéine. En effet, l’équipe de Y. Hahn a montré par plusieurs études que la protéine Core est impliquée dans l’inhibition des fonctions antivirales des LT

CD8+ (Large et al., 1999). Surtout, les auteurs ont observé que ce mécanisme nécessite

l’interaction de la protéine Core avec le gC1qR. Ce dernier est un récepteur ubiquitaire qui interagit avec plusieurs molécules physiologiques mais avec également différents pathogènes. Des effets comparables sur la fonction LT sont observés avec le C1q, un des ligands naturels du gC1qR, et montrent que ce récepteur est primordial. En effet, l’inhibition des fonctions cytotoxiques et cytokiniques des LT peut être levée avec un Ac anti-gC1qR qui se fixe au niveau de la région d’interaction (Kittlesen et al., 2000). Cette interaction spécifique engendre l’inhibition du cycle cellulaire des LT (Yao et al., 2003), avec un effet plus important sur les LT CD8+ que les LT CD4+(Yao et al., 2004). Curieusement dans des expériences ex vivo, les auteurs ont observé que la fréquence de LT CD4+ exprimant le gC1qR augmente lors de l’infection (Cummings et al., 2009). Enfin, au niveau des DC, l’interaction Core/gC1qR inhibe la production d’IL-12 et active la voie STAT-3 inhibant ainsi la différenciation des LT Helper 1, producteur d’IFN-γ (Tacke et al., 2011; Waggoner et al., 2007). Des études par d’autres laboratoires montrent que l’expression de PD-1, marqueur d’exhaustion, à la surface des LT CD8+ est stimulée par la protéine Core (Frazier et al., 2010), et que le mécanisme Core/gC1qR touche également les macrophages pour produire des cytokines inflammatoires favorisant l’infection chronique (Song et al., 2016). Curieusement, Liu et al. ont montré que la protéine Core de génotype 1b n’a pas d’effet immunomodulateur sur les LT par rapport au génotype 1a utilisés dans les précédentes études (Liu et al., 2002).