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Plan cancer 2003-2007, pour coordonner les actions de lutte contre le cancer, l’INCa a joué un double rôle d’une part, le développement d’expertises dans le domaine des cancers et la programmation scientifique, et d’autre part, l’évaluation et le financement de projets. Placé sous la tutelle des ministères chargés de la santé et de la recherche, l’Institut rassemble l’ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer en France pour contribuer à diminuer la mortalité par cancer et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d’un cancer.

Son programme de travail actuel s’inscrit dans les axes du deuxième Plan cancer 2009-2013 dont la médecine personnalisée a été l’un des axes majeurs car les rédacteurs estimaient que la génétique somatique des cancers guiderait et personnaliserait les traitements ; il fallait donc s'organiser pour rendre accessible à tous les patients du territoire cette médecine personnalisée.

a. Le deuxième Plan cancer : le développement des plates-formes et des thérapies ciblées.

L’objectif affiché de ce plan est de favoriser l’accès aux thérapeutiques ciblées, développées dès les années 2000 avec l’arrivée de l’Imatinib, d’aider à une meilleure compréhension de l’oncogenèse des tumeurs, et de développer des marqueurs pronostiques ou prédictifs de certaines tumeurs. Les thérapies ciblées sont des médicaments synthétisés de novo par les industriels pour inhiber une cible thérapeutique bien précise dans la cellule tumorale ou dans son environnement.

Selon la présidente de l’INCa, le Pr Agnes Buzyn (1), ce plan a abouti à la création de plates-formes dédiées, financées pour partie par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la santé, par l’INCa, et parfois par une participation de l’industrie pharmaceutique. L'INCa en 2007 a identifié 28 centres ou laboratoires de génétique somatique, ceux qui réalisaient des analyses de génétique constitutionnelle. Avec des financements spécifiques, l’INCa a organisé pour tous les patients dont la tumeur pouvait bénéficier d'un traitement ciblé, l’envoi de leur prélèvement sur la plateforme de génétique moléculaire, par le laboratoire d'anatomopathologie où se situerait leur prélèvement. Que ces patients soient traités dans le secteur privé ou public, l'INCa finance les tests compagnons et l'envoi des prélèvements par les anatomopathologistes. Il les rétribue pour l'organisation que représente le transport des fragments de biopsie.

Les premiers types de plates-formes ont été consacrés à l’oncogénétique, avec des consultations d’oncogénétique associées, ciblant les facteurs de risque du cancer du sein et du cancer colorectal, afin de mieux identifier les familles à risque et donc les individus à haut risque de cancer. Le deuxième type de plates-formes a été dédié à la génétique somatique.

Actuellement on compte 28 plates-formes de génétique moléculaire labellisées INCa réparties sur l’ensemble du territoire (2), permettant de fournir la signature génétique de la tumeur de chaque patient. Il s’agit de rationaliser la prescription de médicaments coûteux sur la base de cette signature génétique, et d’améliorer l’accès aux thérapies ciblées. Actuellement, l’INCa dispose de 17 thérapies ciblées dans le cancer, et les tests compagnons nécessaires à ces thérapies ciblées sont effectués sur ces 28 plates-formes. D’après le Pr Agnès Buzyn, « le principe repose sur une égalité d’accès à ces tests sur tout le territoire. Tous les patients atteints de tumeur en France, qu’ils soient pris en charge dans le privé ou dans le public, ont accès à ces tests. Ils sont fiables, reposent sur un contrôle qualité, et ces plates-formes ont un objectif de réactivité, c'est-à-dire que les tests compagnons doivent être prêts dès qu’une nouvelle thérapeutique est sur le point d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans une indication donnée ».

Ces plates-formes de génétique moléculaire ont permis de structurer l'accès aux thérapeutiques ciblées, elles fonctionnent à un niveau accéléré car on dispose de 17 thérapeutiques ciblées ayant une autorisation de mise sur le marché pour certains cancers exprimant certaines anomalies moléculaires qui nécessitent un test compagnon. On constate une montée en charge continue sur ces plates-formes, avec plus de 60 000 patients ayant eu un test de génétique moléculaire de leur tumeur, et jusqu'à 155 000 patients testés chaque année si l’on considère le diagnostic et le suivi moléculaire de certaines hémopathies.

(1) Hématologue, présidente de l’INCa - Auditions publiques du 27 mars et du 25 juin 2013.

(2) Voir le site Internet de l’INCa.

Le Pr Agnes Buzyn (1), a rappelé que « la structuration française est unique au monde, puisque tous les patients du territoire, où qu'ils soient traités, ont leur tumeur testée pour la présence d’une éventuelle anomalie génétique. Cela concerne les cancers colorectaux, du poumon, les leucémies, les cancers du sein.

On prévoit, à l’évidence, une augmentation de ces tests dans les années à venir ».

Pour l’instant, cette organisation permet de réaliser un, deux, trois tests par tumeur, des tests unitaires, alors que les tumeurs exigeront la recherche de dix ou vingt anomalies à terme, pour accéder aux futurs médicaments. L’INCa estime qu’il faudra être en capacité de séquencer le génome des tumeurs des patients qui en auront besoin. Pour cela il faudra un changement d'échelle stratégique. Le deuxième Plan cancer a anticipé le fait que les traitements allaient cibler des anomalies moléculaires spécifiques des tumeurs pour pratiquer en quelque sorte une médecine de précision, stratifiée, car des patients ayant des tumeurs présentant les mêmes types d'anomalies pouvaient être accessibles aux mêmes traitements.

Pour qu'ils puissent bénéficier de ces traitements ciblés, la mise en place des tests compagnons accessibles sur des plates-formes de qualité était nécessaire et a pu être réalisée grâce à ce plan.

b. Vers le 3ème Plan cancer

Selon le Pr Agnès Buzyn, l'INCa accompagnera l’évolution des plates-formes de génétique moléculaire en capacité de séquençage, afin d’absorber l'identification de nouvelles cibles d'anomalies moléculaires pour de nouveaux tests, et d’anticiper des traitements en développement, sur le point d’obtenir une autorisation de mise sur le marché. On estime qu’entre 90 ou 100 nouveaux médicaments ciblant des anomalies spécifiques seront disponibles dans les années à venir. « Jusqu'à présent les plates-formes étaient adaptées à une ou deux nouvelles molécules de chimiothérapie qui arrivaient sur le marché, et obligeaient à faire des essais de phase 3 randomisés sur des milliers de patients pour juger de l'efficacité d'un traitement. Si nous avons à absorber l'arrivée de 90 nouvelles molécules en cancérologie dans les cinq ans qui viennent ciblées sur de petites populations de patients, il va falloir repenser notre modèle d'essais cliniques et d'évaluation du médicament », estime le Pr Agnès Buzyn (2).

« Est-ce qu’il faut s’intéresser uniquement à la tumeur, au diagnostic ou suivre l’évolution des métastases qui peuvent présenter des évolutions clonales avec d’autres anomalies génétiques apparaissant au fur et à mesure de la « vie de la tumeur » s’interroge-t-elle (3).

D’autres questions se posent à l’INCa : celle du rythme de la mise en œuvre du séquençage à haut débit dans les plates-formes de génétique moléculaire et celle des possibilités techniques et en ressources humaines de bio-informatique de ces plates-formes.

(1) Hématologue, présidente de l’INCa, audition publique du 25 juin 2013.

(2) Hématologue, Présidente de l’INCa, audition publique du 27 mars 2013.

(3) Idem.

Selon l’INCa, le 3ème Plan cancer, devra tenir compte du tournant du séquençage à haut débit, voire à très haut débit, et adapter la façon de faire de la recherche clinique. La prise en charge individualisée du patient devra prendre en considération des facteurs de génétique constitutionnelle aussi bien pour la prévention, (addiction à certains toxiques comme le tabac ou l'alcool) que pour les traitements.

Dans son rapport sur le 3ème Plan cancer, le Pr Jean-Pierre Vernant (1) rejoint les préoccupations exprimées par l’INCa. Il propose une simplification et une amélioration de la lisibilité de l’organisation territoriale de la lutte contre le cancer en conservant à l’INCa toutes ses responsabilités nationales, en donnant aux cancéropôles de larges responsabilités interrégionales. Dans le domaine de la prévention, du dépistage comme du soin, il propose l’usage d’indicateurs autorisant la mesure et le contrôle de ces inégalités pour mener des actions correctrices. Selon les auteurs du rapport, « le cancer peut être le terrain privilégié de la mise en place d’une nouvelle conception du soin qui se réfère autant au

« prendre soin » qu’à l’action de « soigner »... Les attentes du patient comme de son entourage doivent être prises en compte dans l’organisation du parcours de soin. Le rôle des associations peut contribuer à la mise en place de cette nouvelle conception du soin. Ainsi peut-on espérer faire reculer l’exclusion sociale et les regards stigmatisants ».

Observant que dans le domaine de la cancérologie, une adaptation rapide à des innovations continues est impérative, le rapport suggère que soit mis en place un comité indépendant chargé de proposer des ajustements et de nouvelles recommandations au fur et à mesure que des problèmes surgissent à condition qu’une évaluation en temps réel de l’impact des actions inscrites dans le 3ème plan cancer soit effectuée. « Un plan cancer élaboré et corrigé de façon ininterrompue permettrait que soient exploités rapidement et au bénéfice de chacun toutes les innovations » (2).

Vos rapporteurs se félicitent des efforts de l’INCa, ils demandent que le 3ème Plan cancer prenne notamment en compte les inégalités d’accès sociales et territoriales et renforce les possibilités d’accès rapide aux innovations.

En effet, les avancées dans la connaissance du génome des tumeurs commencent à produire d’importantes évolutions dans la compréhension, l’analyse, la classification et le traitement des cancers

(1) Rapport au Président de la République sur le 3ème Plan cancer.

(2) Rapport au Président de la République sur le 3ème Plan cancer.