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C. LA DIVERSITÉ DES PATHOLOGIES CONCERNÉES PAR LA

3. Des évolutions à l’œuvre dans les maladies rares

Les maladies rares sont définies par leur prévalence. La définition retenue en France est celle d’une prévalence inférieure à 1/2000. Ce taux est différent dans d’autres pays (1/1000 aux États-Unis). Ainsi, en France, moins de 30 000 personnes sont concernées pour une maladie donnée mais elles affecteraient 3 millions de personnes en France ; au niveau européen, cela concernerait 30 millions de patients cependant ces estimations sont incertaines.

Les avancées technologiques ont suscité des progrès dans la connaissance de ces maladies. Il y a 25 ans, on connaissait environ 20 myopathies, actuellement on sait qu'il existe 250 formes différentes, autant de gènes en cause.

Selon Mme Laurence Thiennot-Herment (1), les maladies rares sont au nombre de 6 à 8 000. Elles sont à plus de 80 % d'origine génétique et ont donné lieu à des découvertes nombreuses. En 1986 on connaissait 6 gènes à l'origine de maladies rares, et aujourd'hui plus de 3 800. Des bases de données cliniques/génétiques, extrêmement importantes pour permettre des thérapies ciblées, commencent à se développer grâce au séquençage à grande échelle et à haut débit.

Certaines de ces maladies sont connues : drépanocytose, sclérose latérale amyotrophique, mucoviscidose ; d’autres, bien plus rares, comme la Progéria, sont caractérisée par un vieillissement très précoce et des troubles cardiovasculaires sévères. Le Pr Nicolas Levy (2), à Marseille, a isolé le gène responsable de la Progéria, le Pr Hélène Dolfus (3) a identifié un nouveau gène responsable du syndrome Bardet-Bied, caractérisé par une obésité précoce, une rétinopathie pigmentaire, une polydactylie, des troubles cognitifs. D’autres maladies rares qui atteignent le métabolisme sont étudiées et traitées notamment par le Pr Soumeya Bekri (4) à Caen. S’y ajoutent les cancers rares dont le Pr Thierry Frébourg (5) est l’un des spécialistes à Caen.

(1) Présidente de l’AFM-Téléthon (Association française contre les myopathies) - Audition publique du 25 juin 2013.

(2) Directeur du Laboratoire U910, service de génétique médicale de l'Institut Paoli Calmettes, visite des rapporteurs à Marseille le 8 octobre 2013.

(3) Professeur de génétique médicale, praticien hospitalier, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, service de génétique médicale - Pôle de biologie, audition des rapporteurs du 4 décembre 2013.

(4) Professeur des universités, praticien hospitalier, responsable du dépistage et du suivi des maladies métaboliques au CHU de Rouen, audition des rapporteurs du 4 décembre 2013.

(5) Directeur du département de génétique, Hôpital universitaire de Rouen, directeur de l’Inserm U1079, coordinateur de l’Institut de recherche biomédicale de Rouen, directeur adjoint de l'ITMO Génétique, Génomique et Bio-informatique (GGB), audition des rapporteurs du 4 décembre 2013.

a. D’importants enjeux de recherche

Les maladies rares soulèvent de multiples enjeux, en termes de recherche, de connaissance de diagnostic, et de santé publique, comme l’a relevé le Pr Odile Kremp (1).

Comme l’ont montré l’audition publique sur les maladies monogéniques organisée par l’OPECST (2), les auditions des rapporteurs mentionnées ci-dessus, en termes de recherche, ces maladies dites rares sont de plus en plus prises en compte. Un consortium international de recherche sur les maladies rares a été mis en place récemment, l’IRDiRC (International Rare Diseases Research Consortium), dont l’Agence nationale de la recherche (ANR) fait partie.

Ces pathologies peuvent servir de modèle pour des maladies plus fréquentes, que ce soit en termes de physiopathologie ou de développement de médicaments. Elles ont aussi une dimension européenne très importante pour l’organisation des soins et de la recherche. Elles représentent un enjeu scientifique important : 6 000 à 7 000 maladies rares sont identifiées à ce jour. On décrit de nouveaux syndromes chaque semaine dans la littérature internationale.

Environ 80 % sont d’origine génétique, et l’explosion actuelle des techniques diagnostiques permet une meilleure approche de leur origine et parfois de leur traitement. D’après les données de la base Orphanet, une grande partie des maladies rares est liée à des anomalies du développement (16,40 %), dont des anomalies morphologiques et des troubles intellectuels ; il y a des maladies oncologiques (10,87 %), neurologiques (10,78 %) et tous les grands champs pathologiques sont concernés.

En Europe les recherches s’intensifient avec plus de 4 500 projets de recherche, près de 1800 essais cliniques ; les tests diagnostiques ainsi que les laboratoires experts dans différents pays sont répertoriés dans Orphanet. Dans certains pays européens, plus de 500 gènes peuvent être testés pour permettre de diagnostiquer de plus en plus de maladies (fin 2011 : 1 129 en France, 1 449 en Allemagne). Le consortium IRDiRC vise à ce que la plupart des maladies rares puissent être diagnostiquées et à ce que 200 nouveaux médicaments soient disponibles d’ici 2020 à l’échelle internationale.

b. Un enjeu de santé publique reconnu par les plans nationaux maladies rares

Les maladies rares sont graves, puisque le pronostic vital est en jeu dans la moitié des cas, et elles sont à l’origine d’un tiers de la mortalité infantile (35 % des décès avant l’âge d’1 an), 10 % de la mortalité entre 1 et 5 ans, 12 % entre

(1) Directrice d’Orphanet, portail d’information sur les maladies rares et les médicaments orphelins, audition publique du 27 mars 2013.

(2) Rapport d'information AN n° 4484 et Sénat n° 49 de MM. Claude Birraux et Jean-Louis Touraine, députés, mars 2012.

cinq et quinze ans. Nombre d’entre elles sont des maladies chroniques, avec des déficits sensoriels, intellectuels et moteurs associés. C’est pourquoi, elles exigent une prise en charge globale qui s’est organisée à partir de la prise en compte du médicament orphelin.

i. Un enjeu de santé publique

D’après le Pr Odile Kemp et les généticiens auditionnés, on constate une rareté de l’expertise des professionnels, un déficit de connaissance et d’information des professionnels de santé et des patients, à l’origine d’une errance diagnostique importante génératrice d’inégalités et de retards dommageables dans la prise en charge, le remboursements, et l’accès aux produits de santé. Ces malades sont mal repérés dans le système de soins Or pour pouvoir participer à la recherche et être traité, il faut que le malade soit diagnostiqué.

Orphanet a développé à l’INSERM, avec le soutien de la Direction générale de la santé (DGS), une plateforme d’information destinée aux professionnels, aux malades et aux institutions. La France a été leader dans la prise en charge des maladies rares, et elle le reste en Europe. C’est à partir d’une réflexion sur la recherche dans ce domaine commencée en 1995 autour des médicaments orphelins au ministère de la santé menée par Annie Wolf et grâce aux deux Plans nationaux maladies rares (2005-2008 et 2011-2014), que s’est construite la prise en charge des patients atteints de maladies rares.

ii. Les Plans nationaux maladies rares

Le premier Plan national maladies rares a mis en place un réseau de centres de référence et de compétences qui a permis aux patients d’avoir accès au diagnostic.

Le Plan national maladies rares 2011-2014 a mis aussi l’accent sur la recherche, avec la création de la Fondation maladies rares début 2012, présidée par le Pr Nicolas Lévy (1). Il a indiqué que les recherches sur les maladies rares pouvaient ouvrir des perspectives cliniques étendues. En témoigne l’intérêt que ses recherches sur la Progéria (maladie très rare provoquant un vieillissement prématuré), dont il a découvert le gène, suscitent un fort intérêt dans le cadre de l’étude des processus de vieillissement. Plusieurs appels à projet ont été lancés en recherche fondamentale pour des modèles thérapeutiques sur les souris. Un appel à projets a également été lancé en recherche en sciences sociales, car les données sur les maladies rares sont insuffisantes. L’amélioration de l’accès aux soins et l’accélération de la recherche est l’un des grands axes du plan maladie rare. Le soutien dû au développement des plates-formes de génétique moléculaire est affirmé ; les modalités de ce développement doivent être définies.

(1) Visite des rapporteurs à Marseille le 8 octobre 2013.

Cet effort doit être accompli pour combattre l’errance diagnostique qui est une souffrance pour les patients et leur proches a insisté le Pr Helène Dolfus (1).Il faut pouvoir intervenir très en amont dans le cas notamment des maladies métaboliques. Comme l’a souligné le Pr Soumeya Bekri (2), en diagnostiquant très rapidement les causes d’un coma inaugural, on inverse un pronostic des plus graves par un traitement, parfois un régime alimentaire ; ceci suppose un suivi des familles et un centre de référence.

En termes de traitement, il reste de nombreuses lacunes. Au niveau de la Haute autorité de santé (HAS), seuls 50 protocoles nationaux de diagnostic et de soins ont été mis en place pour 6 000 maladies rares, on est loin du compte.

c. Des pathologies difficiles à traiter exigeant une mobilisation internationale et générant un nouveau modèle de R&D

Même si la connaissance génétique des maladies rares se développe, ce qui permet de mieux les caractériser, de comprendre leur physiopathologie et de chercher de nouvelles thérapeutiques, le défi reste celui du faible nombre de traitements disponibles. Pour de nombreuses maladies rares, on ne dispose d’aucun traitement. Le marché européen en 2012 comptait 68 médicaments orphelins, dont 9 avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) cette année-là, et 75 médicaments ayant une indication pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares.

i. La prise en compte européenne

Elle est extrêmement importante ; elle se manifeste par des recommandations pour disposer de stratégies sur les maladies rares dans différents pays par la constitution de réseaux européens d’experts de référence répertoriés pour que les malades pris en charge participent à l’ensemble des essais. Des tentatives pour répartir les recherches sur différentes pathologies sont en cours.

ii. Le rôle des associations de patients

Les associations de patients jouent un rôle majeur dans les maladies rares, notamment l’Association française contre les myopathies (AFM), mais aussi l’Alliance maladies rares, qui fédère plus de 200 associations de malades en France, et Eurordis, qui fédère plus de 560 associations membres, dont plusieurs Alliances nationales maladies rares dans 51 pays. Elles participent aux essais thérapeutiques et aux réflexions en cours sur les maladies rares.

(1) Professeur de génétique médicale, praticien hospitalier, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, service de génétique médicale, Pôle de biologie, audition des rapporteurs du 4 décembre 2013.

(2) Professeur des universités, praticien hospitalier, responsable du dépistage et du suivi des maladies métaboliques au CHU de Rouen, audition des rapporteurs du 4 décembre 2013.

iii. L’importance du modèle maladie rare

Selon Mme Christine Pezel (1), « les maladies rares donnent naissance, avec ces premières thérapies ciblées, à de vraies innovations de rupture, à partir de thérapies géniques, de l'ARN, cellulaires. Á chaque fois, on le constate, ces innovations de rupture, bien sûr sont efficaces pour des petites populations dans des maladies rares, mais peuvent également s’appliquer à différentes maladies rares, et aussi être des innovations pour des maladies fréquentes ». Ce constat est partagé par la plupart des experts.

Dans le cas de la mucoviscidose, maladie génétique provoquée par un dysfonctionnement de la protéine CFTR, le génotype du malade permet de prévoir ce que sera le dysfonctionnement de la cellule, un registre national de la mucoviscidose existe depuis vingt ans et recense 95 % des patients atteints de cette maladie, c’est un atout majeur pour une thérapie ciblée. Certaines formes de mucoviscidose nécessitent une surveillance cardiaque particulière, et il faut connaître le gène très exactement en cause pour le mettre en œuvre. Le diagnostic est donc crucial.

Pour bénéficier des thérapies ciblées, il faut non seulement connaître le type de maladie est en cause, mais aussi le type de mutation ou de délétion dans cette maladie ; or même dans une maladie rare il existe des sous-groupes de maladies. Ceci exige une organisation de soins spécifiques ; aussi des évolutions des structures de soins seront-elles nécessaires.

Dans ce contexte, la médecine personnalisée modifiera la différence entre les maladies rares et les maladies dites fréquentes en faisant de ces dernières une myriade de maladies rares pour les traitements. Aussi faudra-t-il repenser la manière dont on recherchera les traitements adaptés.

(1) Secrétaire générale de l’association « Vaincre la mucoviscidose », audition publique du 25 juin 2013.

II. UN BOULEVERSEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE DU SECTEUR DE LA SANTÉ

L’impact considérable des technologies et l’augmentation des savoirs à l’œuvre dans les nouvelles conceptions de la médecine obligent à une rénovation de la formation des personnels de santé, à une diversification des parcours et des métiers. Les enseignements doivent s’adapter à ces nouvelles approches qui exigent et une grande spécialisation et une forte transdisciplinarité

A. UNE ÉVOLUTION DE LA RELATION MÉDECIN-MALADE IMPLIQUANT