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IV. Caractère générique de la gélification sous cisaillement

IV.4 Rôle du gradient de composition

Le quatrième paramètre dont nous avons étudié l’influence est le gradient de composition existant entre le bloc central de PS pur et les blocs de PLMA aux extrémités. Nous avons donc synthétisé au laboratoire un copolymère sans gradient (PLMA-PS-PLMA*, chapitre 1). Nous avons préparé une solution de ce copolymère de concentration C = 0.10 g/g en utilisant la méthode du co-solvant. Nous avons volontairement préparé une solution de concentration relativement faible car la masse molaire du PLMA-PS-PLMA* est plus grande que celle du PLMA-PS-PLMA, et donc nous supposons qu’une même concentration correspond à une fraction volumique plus élevée et susceptible de gélifier. Nous nous sommes intéressés aux propriétés non linéaires de cette solution.

Sur la figure 20 est représentée à gauche l’évolution des modules quand une déformation oscillatoire de 1000 % est appliquée à une fréquence de 6.28 rad/s. Comme pour le PLMA- PS-PLMA le module élastique augmente rapidement au cours du temps jusqu’à atteindre puis

dépasser G’’. Une solution de ce copolymère sans gradient peut donc gélifier sous cisaillement ; le gradient n’est pas responsable de la gélification sous cisaillement.

Figure 20 : à gauche : Evolution des modules d’une solution de PLMA-PS-PLMA sans gradient (C = 0.10 g/g) dans l’huile quand une déformation de 1000 % est appliquée à une fréquence de 6.28 rad/s ; à droite : Relaxation des modules après la gélification (γ = 1 %, ω = 0.628 rad/s).

Nous avons aussi étudié la relaxation du gel formé en appliquant une déformation faible (1 %) à une fréquence de 0.628 rad/s. Les courbes de relaxation des modules sont représentées sur la figure 20, à droite. Au bout de 60000 s, soit presque 17 h, G’ est toujours supérieur à G’’ et, même si les modules ont diminué, ils sont encore loin de leurs valeurs initiales (G’≈1 Pa et G’’≈3 Pa), surtout en ce qui concerne G’. La relaxation du gel est donc ici aussi assez lente, même si le temps exact que mettrait la solution pour revenir dans son état initial n’est pas connu. Le gradient de composition ne semble donc pas non plus jouer un rôle crucial sur le retour dans l’état initial après gélification.

Il est aussi intéressant de noter que le protocole de recuit mis en place pour le polymère avec gradient fonctionne très bien avec ce polymère sans gradient : un recuit à 100 °C, permet

de revenir en une heure environ à l’état de départ (contrairement au cas où le bloc central est du PMA).

En conclusion, le gradient de composition ne semble pas avoir de rôle particulier sur la gélification et les cinétiques de relaxation. Mais ceci n’a été vérifié que pour ce copolymère, pour lequel le gradient n’est pas très étendu mais plutôt localisé à l’interface entre les deux blocs (chapitre 1). Il est donc impossible de conclure sur l’impact du gradient de composition dans un polymère tel que le PLMA-PMA-PLMA car d’une part le gradient y est plus étendu, et d’autre part, le bloc central est beaucoup plus incompatible avec le solvant, ce qui pourrait accentuer l’effet du gradient.

V. Mécanisme

V.1 Revue bibliographique

Avant de proposer un mécanisme pour expliquer le phénomène de gélification sous cisaillement dans les solutions de copolymères que nous étudions, nous avons effectué une revue de la littérature sur le sujet afin de déterminer si notre problème se rapproche d’une situation connue.

V.1.1. Dispersions de particules colloïdales

Les premiers systèmes pour lesquels du rhéo-épaississement a été observé dès les années 1990, sont les suspensions relativement concentrées de sphères dures [3] [5]. Un exemple typique est celui présenté sur la figure 21 (issue de [6]) où des sphères de silice de 446 nm de diamètre sont dispersées dans de l’éthylène glycol, à une concentration de l’ordre de 0.40 g/g.

Figure 21 : Images TEM d’une dispersion de particules de silice de diamètre 446 nm dans l’éthylène glycol à une concentration de 0.40 g/g.

Pour ces suspensions, lorsqu’un certain taux de cisaillement est atteint, la viscosité augmente brutalement comme schématisé sur la figure 22 [7]. Cette figure montre aussi que le taux de cisaillement auquel la viscosité diverge dépend de la fraction volumique de la suspension. En réalité, lorsque le taux de cisaillement augmente, dans un premier temps, la viscosité diminue avec le taux de cisaillement (la solution rhéo-fluidifie) car les particules s’alignent et les lignes formées glissent facilement les unes sur les autres. Lorsque le taux de cisaillement augmente au-delà d’une certaine valeur, en revanche, il se forme des « hydro- clusters » à cause des forces de lubrification importantes entre les particules de la suspension. Les forces de lubrification sont des forces qui augmentent de plus en plus jusqu’à diverger lorsque deux particules rigides sont contraintes par une force extérieure à se rapprocher, ce qui implique que le liquide entre les deux particules doit être expulsé. Un « hydro-cluster » est représenté schématiquement en bleu sur la figure 22. Il s’agit donc d’un agrégat transitoire de particules et lorsqu’il y en a suffisamment dans la suspension, celle-ci percole, et la viscosité de la solution augmente fortement. Les tests présentés sur la figure 22 ont été effectués en rotation, mais Wagner et al ont montré que des contraintes dynamiques pouvaient aussi faire rhéo-épaissir ce type de suspension [8]. En revanche, dès que le cisaillement continu ou oscillatoire est arrêté, le système relaxe instantanément dans son état de départ et toutes les courbes de rhéo-épaississement sont réversibles.

Figure 22 : En haut : Evolution de la viscosité lorsque le taux de cisaillement augmente pour une dispersion des sphères de silice dans de l’éthylène glycol pour deux fractions volumiques 0.57 et 0.62. En bas : Représentation schématique de la répartition des sphères dures en solution pour différents taux de cisaillement. Cette figure a été tirée de [7]

Wagner et al ont montré [5] que pour les suspensions non chargées, ce sont les forces de lubrification hydrodynamiques qui gouvernent le rhéo-épaississement et ils en ont déduit l’existence d’une contrainte critique, équilibre entre les forces hydrodynamiques et l’agitation brownienne. Notons également que pour des systèmes de particules colloïdales stabilisées par des polymères, le rhéo-épaississement est généralement atténué voire même supprimé [10].