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2. Les lipoprotéines plasmatiques 1 Métabolisme des lipoprotéines

2.2 Rôle du cholestérol HDL dans les MC

Tel que mentionné dans la première partie, l'association entre les faibles concentrations plasmatiques de cholestérol HDL et un risque élevé de MCV est fermement établie grâce à de nombreuses études épidémiologiques (27, 28, 38, 39, 250-254). Cette association a été démontrée chez les hommes et les femmes, dans plusieurs complications

cardiométaboliques telles que la résistance à l’insuline, le DT2 et le syndrome métabolique, et également dans de nombreuses populations et groupes ethniques. En effet, cette solide base d’évidences a conduit à l'intégration des niveaux de cholestérol HDL dans les lignes directrices mondiales pour l’évaluation du risque coronarien. Cependant, il est important de noter que les faibles taux de cholestérol HDL sont fréquemment associés à un nombre élevé de particules de LDL ou à des niveaux élevés d’ApoB (255, 256). Au vu de ces résultats, le cholestérol HDL semblerait avoir un rôle non négligeable dans le développement des MCV.

2.2.1 Augmenter le cholestérol HDL

De nombreuses études se sont intéressées à l’augmentation des niveaux de cholestérol HDL associées aux modifications génétiques. Ces associations ont ensuite supporté le développement des agents pharmacologiques.

2.2.1.1 Génétique

Les estimations de l'héritabilité des niveaux de cholestérol HDL basées sur des études portant sur des jumeaux suggèrent que de 62 à 77% de la variance des niveaux de cholestérol HDL sont dûs à des facteurs génétiques (257, 258). Certains variants génétiques des gènes clés du métabolisme des HDL sont associés à une augmentation des niveaux de cholestérol HDL plasmatique.

Une déficience dans le gène de la CETP a été rapportée pour la première fois dans cinq familles japonaises (259). Les individus homozygotes pour les mutations dans le gène de la

CETP ont des niveaux de cholestérol HDL et d'ApoA1 élevés. Néanmoins, la relation entre

la CETP et l'athérosclérose reste vivement contestée. Les premières études suggéraient que la déficience en CETP chez l'humain était associée à la longévité et à la « résistance » à l'athérosclérose (260). Cependant, cette conclusion n'a pas été confirmée de façon constante dans des études ultérieures (261-264).

La lipase hépatique est codée par le gène LIPC. Les individus déficients pour cette dernière ont des niveaux plus élevés de cholestérol total, de triglycérides et de cholestérol HDL (265). Les personnes présentant un déficit en LIPC sont très rares, avec seulement 12 mutations rapportées pour ce gène, et ont généralement un risque accru de MCV malgré leur taux élevé de cholestérol HDL (266).

La lipase endothéliale est codée par le gène LIPG. Les porteurs de rares mutations de perte de fonction dans ce gène ont un cholestérol HDL élevé ainsi qu’un risque réduit de MCV (267). En revanche, une étude de randomisation mendélienne a rapporté que le variant de

LIPG (Asn396Ser), se produisant avec une fréquence allélique de 1% dans la population

générale, n'était pas associé à une diminution de l'infarctus du myocarde (31).

L’ApoC3 est un inhibiteur de la LPL. Les patients avec des mutations dans le gène APOC3 ont des niveaux réduits de triglycérides et de cholestérol LDL ainsi qu’un taux de cholestérol HDL augmenté (268). Deux études ont rapporté que les patients avec ces profils lipidiques athéroprotecteurs provoqués par des mutations dans APOC3 ont un risque plus faible de MCV (269, 270) et que les bénéfices de ces mutations sont dûs à une diminution des triglycérides.

Le gène SCARB1 code pour le récepteur SRB1, et très peu d’individus présentent un déficit dans SCARB1 associé à une élévation du cholestérol HDL (271, 272). Zanoni et al. (273) ont démontré que malgré l'élévation du cholestérol HDL, les porteurs du variant p.P376L dans le gène SCARB1 présentent un risque accru de MCV. La réduction de la fonction hépatique de SRB1 chez l’humain entraîne une altération du TIC.

À ce jour, il existe 43 mutations dans le gène APOA1 qui causent de faibles niveaux de cholestérol HDL ou d'ApoA1 (274). Certaines mutations ont été associées à un risque accru de MCV (275). En revanche, les porteurs du variant ApoA1 Milano (porté par un petit nombre d’individus dans une région d’Italie), ont des niveaux de cholestérol HDL et d’ApoA1 faibles (276), mais ne présentent apparemment pas de risque accru de MCV, et ont même un historique de longévité plus important (277).

Il faut toutefois se rappeler que ces mutations sont très peu fréquentes dans la population. Ces mutations ont une forte pénétrance, car elles entraînent généralement une inactivation complète du produit génique et conduisent à des changements importants du cholestérol HDL.

Les études d'association pangénomique (GWAS) ont cependant permis d’identifier plusieurs variants communs et hautement associés aux niveaux de cholestérol HDL, mais ils n’expliquent, individuellement, qu’une faible portion de la variance de leur niveau plasmatique (278). Des études de randomisation mendélienne ont mis en évidence que les variants génétiques associés à des augmentations des niveaux de cholestérol HDL ne confèrent pas de réduction du risque de MCV (31, 279). Dans l’étude de Voight et al. (31), un score génétique a été établi pour le cholestérol HDL combinant les allèles associés à une augmentation des niveaux de cholestérol HDL dans 14 SNP (polymorphisme d'un seul nucléotide). Chaque SNP a reçu un score basé sur le degré de changement des niveaux de cholestérol LDL ou HDL tel qu'estimé chez environ 100 000 individus. L'association des scores génétiques pour les niveaux de cholestérol LDL et HDL a été testée séparément

pour l'association avec l'infarctus du myocarde dans l'étude CARDIoGRAM incluant 53 146 cas et les contrôles.

2.2.1.2 Médication

Les agents pharmacologiques qui augmentent le niveau de cholestérol HDL constituent un groupe diversifié de classes de médicaments. Ces agents varient non seulement dans leur capacité à cibler spécifiquement les niveaux de cholestérol HDL, mais également dans le degré auquel ils affectent le métabolisme et la fonction des particules de HDL (280). De plus, ces agents exercent fréquemment des effets importants sur les taux circulants et le métabolisme intravasculaire des lipoprotéines athérogènes (c'est-à-dire les VLDL, leurs résidus et les LDL), ce qui dilue leurs effets sur les HDL. Parmi ces médicaments, les statines et la niacine présentent une faible spécificité pour l'élévation du niveau de cholestérol HDL et affectent également les lipoprotéines athérogènes. Les statines induisent généralement des élévations mineures des niveaux de cholestérol HDL (<10%), comme rapporté dans l’étude VOYAGER (281) et dans les sections précédentes. Cependant, une méta-analyse réalisée à partir études d’imagerie par par ultrason intravasculaire (IVUS) a révélé qu’une élévation de 7,5% du niveau de cholestérol HDL médiée par les statines, en association avec un niveau de cholestérol LDL inférieur à 2,3 mmol/L, contribuerait substantiellement à la régression de la plaque d’athérosclérose (282). Les fibrates seraient plus efficaces pour cibler le cholestérol HDL, car ils étaient associés à des augmentations de 5 à 15% du niveau de cholestérol HDL et des particules HDL plus petites (283, 284). Au cours des 15 dernières années, des approches plus ciblées pour augmenter les niveaux de cholestérol HDL ont été poursuivies. Parmi elles, on trouve l'inhibition de la CETP, qui vise à retenir le cholestérol non athérogène dans les HDL. Plusieurs compagnies pharmaceutiques ont développé des inhibiteurs de la CETP (285). L’étude ILLUMINATE démontrait une augmentation de 72% du niveau de cholestérol HDL et une réduction de 25% du taux de cholestérol LDL chez les individus traités avec le torcétrapib (33). Cependant, les essais de phase III ont été arrêtés prématurément à cause de l’augmentation de la mortalité dans le groupe traité avec le torcetrapib (en raison d’une augmentation de la pression artérielle).

Le dalcetrapib est un inhibiteur moins puissant que le torcetrapib, car il induisait uniquement un changement de conformation de la CETP et pas une inhibition totale. Le dalcetrapib était sécuritaire et sans effets néfastes. Cependant, l’étude Dal-OUCOMES a également été arrêtée prématurément, en raison d’absence d’effets sur le risque cardiovasculaire (34).

Bien que ces deux agents aient augmenté le cholestérol des particules HDL, leurs effets sur le nombre de particules HDL étaient différents. Le torcetrapib n'a eu aucun effet et le dalcetrapib a augmenté le nombre de particules HDL de 9% (286).

Un autre inhibiteur de la CETP, l’evacetrapib, a été arrêté en cours de phase III malgré une diminution de 31% des niveaux de cholestérol LDL et une augmentation de 133% du niveau de cholestérol HDL. En effet, l’étude ACCELERATE qui incluait plus de 12 000 patients à haut risque de MCV, n’a pas démontré d’effets positifs sur la réduction des évènements cardiovasculaires (287). L’étude REVEAL avec l’anacetrapib incluait plus de 30 000 patients avec une maladie vasculaire athérosclérotique établie et traités par une statine (288). Le groupe traité avec l’anacetrapib avait une augmentation de 104% du niveau de cholestérol HDL et une diminution de 41% du cholestérol LDL. Après un suivi de 4 ans, l’étude démontrait une diminution du risque relatif de 9% (réduction du risque absolu de 1%) des évènements coronariens majeurs dans le groupe traité par rapport au groupe placebo. Il semble que la réduction observée grâce à l’anacetrapib était due à la réduction du niveau de cholestérol non-HDL. Cependant, certains effets secondaires étaient rapportés dans le groupe traité, comme une légère augmentation de la pression artérielle, une altération du débit de filtration glomérulaire et une accumulation du composé dans le tissu adipeux. Ce sont peut-être les raisons pour lesquelles l’anacetrapib ne sera pas commercialisé.

Par la suite, d’autres agents ont été développés pour augmenter le niveau de cholestérol HDL et plus directement le nombre de particules HDL, ce qui améliorerait potentiellement le TIC. Ceux-ci comprennent des HDL recombinantes, de la LCAT recombinante (289), des peptides mimétiques de l’ApoA1 et des agonistes du LXR (237).

Le CSL-112 est une HDL reconstituée à partir d’ApoA1 humaine purifiée et combinée à des phospholipides. L’injection sous-cutanée de CSL-112 était bien tolérée chez les patients présentant une MCV stable (290). De plus, le CSL-112 a immédiatement augmenté les niveaux d'ApoA1. Aucune étude n’a encore été publiée concernant les effets du CSL-112 sur le risque de MCV.

Sur le même modèle, le CER-001 a été développé par une autre compagnie ; il s’agit ici d’une HDL mimétique composée d’ApoA1 recombinante et de phospholipides. Il a été démontré qu'il mobilisait rapidement de grandes quantités de cholestérol dans la fraction de HDL après son administration. L’étude CHI-SQUARE a démontré que les perfusions de CER-001 n'ont pas réduit l'athérosclérose coronarienne mesurée par IVUS

Le RVX-208 est un activateur de la transcription du gène de l’ApoA1 (292). Cet agent a été testé dans plusieurs études cliniques de phase II démontrant des effets prometteurs sur les niveaux de cholestérol HDL et d’ApoA1 ainsi que sur le volume d’athérome (292). Une étude de phase III est en cours afin d’évaluer ses effets sur le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs chez des patients à haut risque (NCT02586155).

Le MDCO-216 est un composé synthétique issu de l'ApoA1 Milano et complexé à des phospholipides. Le MDCO-216 a entrainé une augmentation du niveau de cholestérol HDL et particulièrement des préb-HDL (293, 294). En revanche, aucune étude de phase III n’est mentionnée pour cet agent.

L’ensemble de ces résultats a mis en doute « l’hypothèse des HDL » selon laquelle une augmentation des concentrations plasmatiques de cholestérol HDL entraînerait une protection contre les MCV. Ainsi, en dépit de leur utilisation systématique en clinique, dans quelle mesure les niveaux de cholestérol HDL circulants représentent un marqueur de risque parmi une mosaïque de facteurs de risque athérogènes ou une véritable cible thérapeutique demeure une question importante aux implications cliniques considérables.