• Aucun résultat trouvé

3. PCSK9 : un biomarqueur du risque de MC

3.4 Hypercholestérolémie familiale et variants de PCSK

Il existe une relation entre la PCSK9 et les niveaux de cholestérol LDL circulants (515, 516). Cependant, les premières preuves de son rôle dans le métabolisme du cholestérol chez l'humain proviennent de l'identification de deux mutations gain de fonction (gain of function, GOF) dans

PCSK9. Les mutationsp. S127R et p.F216L ont été identifiées dans deux familles françaises

avec une proportion élevée de cas d’HFAD non liés aux mutations du LDLR ou de l’APOB (471). Par la suite, de nombreux travaux ont été menés afin d’identifier les mutations GOF responsables de l’hypercholestérolémie, mais aussi les mutations perte de fonction (loss of function, LOF) entrainant une hypocholestérolémie (517) (Figure 14).

Figure 14. Mutations de PCSK9 qui entraînent des niveaux plasmatiques de cholestérol LDL

élevés ou faibles. Figure tirée de Rhainds et al. (517).

La mutation GOF Anglo-Saxonne p.D374Y est la plus sévère, les concentrations plasmatiques de cholestérol total, de triglycérides et de cholestérol LDL sont significativement plus élevées que dans les cas d’hypercholestérolémie familiale hétérozygote (518). De plus, les porteurs de cette mutation développeraient des maladies coronariennes 10 ans plus tôt que les patients atteints

de familles supplémentaires et donc de mutations additionnelles de PCSK9 présentes chez environ 2% des patients atteints d'HFAD. Dans la population générale, les variants GOF de

PCSK9, comme p.E670G, sont associés à un risque accru d'AVC ischémique, comme le

suggère la Belgian Stroke Study (520). Ils sont également associés à la présence et la sévérité de l'athérosclérose chez les participants de l'étude Lipoprotein Coronary Atherosclerosis Study (521) et de l'étude PLIC (522).

Après la découverte de ces mutations responsables d’hypercholestérolémie, des travaux ont été entrepris pour identifier des mutations dans PCSK9 chez des individus ayant des concentrations de cholestérol LDL très faibles (<1,50 mmol/L) dans la cohorte Dallas Heart Study (523). Trois mutations LOF relativement fréquentes ont été identifiées. La mutation p.Y142X a été retrouvée chez 0,4% des Afro-Américains. Cette mutation cause l’instabilité puis la dégradation de l’ARNm et donc une absence de la synthèse de PCSK9. La mutation p.C679X a été retrouvée chez 1,4% des Afro-Américains, et très rarement chez les Américains d’origine européenne (< 0,1%). Cette mutation supprime les 14 derniers acides aminés de la protéine, et provoque un changement de conformation qui empêche la sortie de PCSK9 du réticulum endoplasmique (524). Cette mutation est associée à une réduction remarquable de 88% du risque de MCV chez les porteurs par rapport aux non-porteurs (525). Les individus portant une mutation non-sens auront des niveaux de cholestérol LDL significativement plus faibles de 28%, mais ils ne présentent pas nécessairement d’hypocholestérolémie (526). La mutation p.C679X a également été retrouvée dans des populations du Nigéria (527) et du Zimbabwe (3,7%) avec une diminution de 27% du niveau de cholestérol LDL (528). Un autre variant commun dans PCSK9 identifié dans la Dallas

Heart Study et associé à une réduction du niveau de cholestérol LDL est p.R46L chez les

Caucasiens (527). Actuellement, de nombreuses mutations de PCSK9 associées à de faibles concentrations de cholestérol LDL ont été identifiées (529) (Figure 14).

Les conséquences de ces mutations LOF sur les concentrations de cholestérol LDL ont ensuite suscité des questionnements sur leur impact sur les MCV. L’étude prospective ARIC a évalué l’incidence des MCV pendant 15 ans, en fonction de la présence ou non des mutations p.Y142X, p.C679X et p.R46L. L’étude a été menée chez 3363 Afro-Américains et 9523 Caucasiens âgés de 45 à 64 ans (530). Les mutations p.Y142X et p.C679X ont diminué la fréquence des MCV de 88%. Pour les Caucasiens avec un allèle R46L, il y avait une baisse de 44% de l’incidence des MCV par rapport aux individus non porteurs, et ce, même avec une réduction de seulement 15% du niveau de cholestérol LDL. Il a par ailleurs été démontré que ces mutations dans PCSK9 étaient également associées à un risque réduit d’athérosclérose, avec une légère diminution significative de l’épaisseur intima-média chez les porteurs des mutations par rapport aux non-

porteurs et cela dans les deux populations (530). L'étude CARDIA a également suggéré que les variants génétiques de PCSK9 contribuaient à abaisser les niveaux de cholestérol LDL chez les Afro-Américains et les Caucasiens (531). L’étude populationnelle la plus complète sur les génotypes PCSK9 et le risque de MCV a été réalisée par des chercheurs danois à partir de trois larges études de cohortes (Copenhagen City Heart Study, Copenhagen General Population

Study and Copenhagen Ischemic Heart Disease Study) qui incluaient plus de 45 000 participants

d'études prospectives et cas-témoins (532). Dans les trois études combinées, les porteurs du polymorphisme p.R46L présentaient des niveaux de cholestérol LDL réduits de 13% et un risque inférieur de 30% de cardiopathie ischémique. Dans une méta-analyse subséquente comprenant sept études, la réduction moyenne des taux de cholestérol LDL associée au polymorphisme p.R46L était de 12% et la réduction du risque de cardiopathie ischémique était de 30%.

Dans l’étude prospective ÉPIC-Norfolk incluant 25 633 individus, nous avons caractérisé par spectroscopie par résonance magnétique nucléaire la taille et la composition des lipoprotéines chez 2373 participants (Annexe). En effet, la concentration de chaque sous- fraction de lipoprotéines, le nombre de particules par fraction ainsi que les concentrations de la CETP, la LCAT et la LPL ont été évalués. Le variant p.R46L de PCSK9 confère aux porteurs un profil lipidique anti-athérogène, caractérisé par des concentrations plus faibles de particules LDL, VLDL et un niveau plus faible de Lp(a).

La diminution du risque de MCV liée à ces mutations est bien plus conséquente que celle observée dans les essais cliniques avec des statines (533). Cependant, il faut prendre en considération que les individus porteurs d’une mutation LOF ont des niveaux de cholestérol LDL plus faibles pendant toute leur vie, alors que les traitements visant à réduire le niveau de cholestérol LDL entrainent des réductions considérables de ce dernier, mais sur un laps de temps beaucoup plus court, c’est-à-dire quelques années. Une étude a démontré qu'une exposition prolongée à un niveau de cholestérol LDL réduit dès le début de la vie est associée à une réduction trois fois plus importante du risque de maladie coronarienne par unité de cholestérol LDL diminuée par rapport à la réduction induite par le traitement avec une statine plus tard dans la vie (534).

Les statines demeurent le traitement le plus efficace pour prévenir les évènements cardiovasculaires. Cependant, chez certains patients présentant un risque élevé de MCV et qui reçoivent déjà la dose maximale de statines, il persiste un risque de MCV résiduel. Il est donc nécessaire de trouver des thérapies complémentaires pour réduire le niveau de cholestérol LDL en prévention des MCV. En effet, dans l’étude PROVE-IT (535), le groupe recevant un traitement

à hautes doses de statines conservait un risque résiduel substantiel d’environ 80% d'évènements cardiaques. De plus, pour certains patients à haut risque de MCV comme ceux atteints d'hypercholestérolémie familiale, les doses maximales de statines ne sont pas toujours suffisantes pour atteindre les valeurs cibles de cholestérol LDL (>50% des individus) (536). Par ailleurs, bien que les statines soient généralement bien tolérées, certains effets indésirables peuvent empêcher des patients de prendre des doses adéquates et certains patients seraient même intolérants aux statines (537). En effet, selon une grande étude réalisée par la National

Lipid Association aux États-Unis, environ 12% des patients ont arrêté leur traitement avec des

statines, dont 62% à cause des effets indésirables (537).

Compte tenu de ces problèmes associés au traitement par les statines et au risque résiduel de MCV qui subsiste, il est nécessaire de développer de nouvelles thérapies qui sont sécuritaires et efficaces dans le traitement des dyslipidémies afin de diminuer les évènements cardiovasculaires. Les effets positifs des mutations LOF de PCSK9 sur le risque de MCV chez l’humain a conduit à un intérêt pour PCSK9 comme une cible pour le traitement de l'hypercholestérolémie et pour la prévention des MCV (538).