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Nous avons vu que les tiers de bonne foi peuvent se fier aux apparences de droit résultant du registre foncier en vertu de l’art. 973 al. 1 CC. Le registre foncier produit un effet de foi publique217. Lorsque l’aliénateur n’est pas propriétaire du bien qu’il transfère ou lorsqu’il en est le propriétaire mais n’a pas le droit d’en disposer, la loi protège l’acquéreur de bonne foi en le maintenant dans son acquisition218. La bonne foi est présumée conformément à l’art. 3 al. 1 CC. Elle suppose toutefois l’ignorance de la part

210 PANNATIER KESSLER, Droit de suite, p. 157.

211 PANNATIER KESSLER, Droit de suite, p. 158.

212 Ibidem.

213 Ibidem.

214 PANNATIER KESSLER, Droit de suite, p. 159.

215 Ibidem.

216 Ibidem.

217 PEYROT, Le trust de common law, p. 96.

218 STEINAUER, N 411, 413, 415 ; TF, 5A_76/2017 du 20 juin 2017, c. 6. 1. 2.

du tiers acquéreur du « caractère indu de l’inscription »219 ainsi que « l’absence de raisons d’en douter »220. Autrement dit, sera considéré comme étant de bonne foi le tiers qui ne savait pas et ne pouvait pas savoir que l’immeuble faisait partie d’un trust même en faisant preuve de « l’attention commandée par les circonstances »221.

b) Dans la LP : impératif de protection des créanciers vs. foi publique du registre foncier

La LP fait référence à la bonne foi dans diverses dispositions. Il convient néanmoins d’analyser dans quelles situations et si la bonne foi constitue un critère de protection des créanciers.

En cas de faillite, il existe un besoin de protection des créanciers puisque ces derniers ne seront par définition pas tous désintéressés, il faut donc éviter de péjorer leur situation en permettant au débiteur de disposer de ses biens. Il s’ensuit que dès l’ouverture de la faillite, le débiteur n’est plus autorisé à disposer de ses biens conformément à l’art. 204 al. 1 LP222. Le dessaisissement du failli est opposable même aux tiers de bonne foi223. L’art. 176 LP protège les créanciers en imposant au juge la publication de la faillite dans les registres du commerce et foncier. Lorsque le débiteur dispose de ses biens en violation de l’art. 204 al. 1 LP, ces actes sont inopposables aux créanciers224, ce qui signifie que la masse peut simplement ignorer les actes effectués par le failli225. Ainsi, malgré l’acte de disposition, le bien continue à faire partie de la masse en faillite et pourra être réalisé au profit des créanciers. Lorsque le débiteur en transfère la possession à un tiers la masse pourra revendiquer le bien en mains du tiers acquéreur226. La loi prévoit toutefois deux exceptions à l’inopposabilité des actes de disposition effectués par le failli227. D’abord, celle prévue à l’art. 204 al. 2 LP qui réserve le cas où le failli paie à l’échéance en mains du créancier un billet ou une lettre de change. Dans ce cas, le paiement reste valable tant qu’il a été effectué entre le moment de l’ouverture de la faillite et celui de sa publication

219 STEINAUER, N 922.

220 PEYROT, Le trust de common law, p. 96.

221 GRISEL, p. 165 ; PEYROT, Les défis, p. 951.

222 STOFFEL/CHABLOZ, p. 319 ; GILLIÉRON, N 1658, 1667.

223 GILLIÉRON, N 1659 ; ATF 115 III 111, c. 4.

224 GILLIÉRON, N 1664, 1668 ; STOFFEL/CHABLOZ, p. 320.

225 STOFFEL/CHABLOZ, p. 320 ; GILLIÉRON, N 1668.

226 GILLIÉRON, N 1668.

227 GILLIÉRON, N 1671 ; STOFFEL/CHABLOZ, p. 321.

et à condition que le porteur n’ait pas eu connaissance de la faillite228. Ensuite, la jurisprudence a introduit une seconde exception au principe du dessaisissement en ce qui concerne les biens immobiliers. Lorsque le failli dispose d’un immeuble avant la publication de la faillite au registre foncier, l’acquéreur est maintenu dans son acquisition en vertu des art. 973 et 975 al. 2 CC229. Ainsi, tant que la mention de la faillite n’a pas été portée au registre foncier l’acquéreur de l’immeuble est protégé dans sa bonne foi. La foi publique l’emporte sur la protection des créanciers230.

L’art. 203 al. 2 LP fait également primer la foi publique sur la protection des créanciers en privant le vendeur de son droit de revendiquer le bien si la faillite n’a pas fait l’objet d’une publication.

La faillite provoque également l’incapacité du failli à recevoir des paiements231. En principe, le failli qui dispose de créances envers des tiers ne peut plus recevoir de paiements concernant ces créances. Dans ce cas, à moins que le débiteur du failli n’ait su ou pu savoir que le failli faisait l’objet d’une poursuite par voie de faillite, il est protégé faute de publication de la faillite. Cette dernière ne lui est pas opposable232. La bonne foi du débiteur qui paie en mains du failli, alors qu’il n’aurait pas dû, est protégée. Si le failli contrevient à l’art. 205 al. 1 LP et accepte le paiement de la part de son débiteur, la masse peut considérer que ce dernier n’est pas libéré et il peut être amené à payer une deuxième fois en mains de la masse en faillite233. Cette disposition n’accorde donc qu’une protection au débiteur du failli.

En cas de saisie, l’art. 96 al. 1 LP accorde une protection au créancier saisissant en interdisant au débiteur de disposer du bien faisant l’objet d’une saisie. Lorsque ce dernier contrevient à cette disposition l’acte est nul (art. 96 al. 2 LP). Il n’est toutefois pas nul de plein droit contrairement à la nullité de l’art. 204 al. 1 LP, mais uniquement dans la mesure où il lèse les droits des créanciers. Il s’agit toutefois d’une faible protection puisque l’art. 96 al. 2 LP en limite la portée en prévoyant que l’acte ne sera nul que si des tiers acquéreurs de bonne foi n’ont pas acquis de droit sur le bien. Cette disposition mentionne les tiers de bonne foi et lorsqu’on se réfère aux art. 933 à 936 CC auxquels la

228 Ibidem.

229 GILLIÉRON, N 1671 ; ATF 115 III 111, c. 3, 4.

230 STOFFEL/CHABLOZ, p. 321 ; ATF 115 III 111, c. 3, 4.

231 GILLIÉRON, N 1664, 1673.

232 GILLIÉRON, N 1676.

233 STOFFEL/CHABLOZ, p. 321.

disposition renvoie234, nous pouvons constater que ces dispositions visent uniquement les acquéreurs de bonne foi et non les créanciers. L’art. 96 al. 2 LP ne prévoit ainsi une protection à l’égard des titulaires d’un droit réel235. Contrairement à l’art. 204 al. 1 LP, l’art. 96 LP protège les acquéreurs de droits réels au détriment des créanciers236.

On constate que la bonne foi n’offre qu’une protection très limitée des créanciers dans la LP. L’art. 204 LP protège les créanciers de la masse contre les actes de disposition du débiteur lorsque la faillite à fait l’objet d’une mention dans le registre pertinent, mais cette protection ne repose pas sur leur bonne foi, elle découle uniquement du principe du dessaisissement du failli. Lorsque la faillite n’est pas portée à la connaissance des tiers, ces derniers sont maintenus dans leur acquisition, la foi publique l’emporte sur la protection des créanciers. Quant à l’art. 96 LP, ce dernier protège également les créanciers mais uniquement tant qu’un tiers acquéreur n’a pas acquis un droit réel sur le bien saisi. On peut donc conclure que la bonne foi des créanciers ne constitue pas un critère de protection.

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