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Le rôle et les attitudes infirmières

CHAPITRE 5 : DISCUSSION

5.1. Synthèse des résultats des articles

5.1.3. Le rôle et les attitudes infirmières

Dans sa revue de littérature, Stiles (2013) met en évidence certains thèmes qui influencent les attitudes des infirmiers en regard de l’hydratation et de la nutrition artificielles en fin de vie. Il s’agit des arguments pour ou contre l’hydratation et la nutrition artificielles, de l'influence des autres ainsi que des facteurs cliniques, éthiques et juridiques. Nous retrouvons dans les autres articles des éléments que l’on peut également regrouper dans ces différents thèmes. Enfin, la question du rôle infirmier sera aussi abordée.

Arguments et facteurs cliniques

Certains infirmiers sont favorables à l’apport d’une hydratation et d’une nutrition artificielle aux patients. Ceci en raison d’une conception sacrée de la vie, parce que cela constitue un soin de base et que l’hydratation et la nutrition artificielles sont un moyen fiable de fournir une alimentation, des apports hydriques et permettent d’avoir à disposition une voie d’abord pour l’administration de médicaments palliatifs (Bryon & al., 2008 ; Konishi & al., 2002 ; dans Stiles 2013). Cependant certains de ces arguments peuvent être réfutés sur la base de preuves scientifiques. Si nous prenons par exemple le caractère sacré de la vie mis en avant par certains infirmiers pour s’opposer à l’arrêt d’une nutrition et d’une hydratation artificielles, on constate que la littérature contient quantité d’évidences quant au fait qu’elles n’améliorent pas le pronostic de survie des patients déments

ou en phase terminale d’une maladie (Finucane & al., 1999 ; Gillick, 2000 ; Casarett & al., 2005 ; Cervo & al., 2006 ; Scott, 2004 ; dans Bryon & al., 2008).

Les arguments cliniques exposés par les infirmières, peuvent être à la fois en faveur ou contre l'hydratation artificielle. En effet, alors que certaines clament le fait que celle-ci provoque de la douleur et de l'inconfort associés aux œdèmes périphériques, pulmonaires ainsi qu’à l’ascite, qui se produisent suite à une surcharge hydrique, d'autres infirmières se rallient à la position contraire et souscrivent aux arguments en faveur d’une hydratation artificielle dans le but de fournir du confort au patient. (Konishi & al., 2002, Ke & al., 2008a ; dans Stiles, 2013 ; Bryon & al., 2008). Au vu de ce constat, nous voyons toute l’importance de l’observation clinique du patient, de l’évaluation de ses symptômes et de l’acquisition, en tant que soignant, des connaissances probantes à propos des avantages et inconvénients réels d’une hydratation artificielle.

L’influence des autres

Selon Stiles (2013), les infirmiers peuvent en effet être influencés par le patient, ses proches, les médecins ou les autres infirmiers de l’équipe. Généralement, c’est le patient qui influence majoritairement les attitudes des infirmiers face à l’administration de l’hydratation artificielle. Ceci est concordant avec le souhait de respecter l’autonomie des patients exprimé par

toutes les infirmiers dans les six études utilisées pour sa revue de littérature (Konishi & al., 2002 ; Bryon & al., 2008 ; Ke & al., 2008a, 2008b ; Miyashita & al.,2008 ; Van der Riet & al., 2008).

Bien que certains infirmiers ne pensent pas qu’il faut administrer une hydratation artificielle en se basant uniquement sur les souhaits de la famille (Konishi & al., 2002 ; Bryon & al., 2008 ; dans Stiles, 2013), le fait est qu’ils sont néanmoins capables de changer leurs attitudes en fonction des injonctions de la famille ou des ordres du médecin. Ceci traduit un certain conformisme dans la manière de penser et indique que le raisonnement éthique des infirmiers et leur pratique sont plus basés sur des facteurs conventionnels et contextuels que sur une réflexion critique en vue du bien-être du patient (Dierckx & al., 2004 ; Ham, 2004 ; dans Bryon & al., 2008).

Outre les personnes concernées, le type d’institution a également une influence sur les attitudes des soignants face à l’administration de l’hydratation artificielle. En effet, selon Raijmakers et al. (2011), dans les établissements de soins palliatifs, le diagnostic de mort fait partie intégrante des soins ; c’est pourquoi, dans ces structures, les statistiques démontrent que l’hydratation artificielle est généralement moins administrée qu’en hôpital, où le pronostic de mort est moins souvent posé. Les professionnels travaillant en soins palliatifs sont davantage préoccupés par les inconvénients qu’elle peut engendrer.

Finalement, Valentini et al. (2014) relèvent également que les croyances religieuses sont d’une importance majeure dans les choix de fin de vie de la majorité des soignants. Cependant, ce serait davantage le cas pour les médecins que pour les infirmiers et il est nécessaire de préciser que l’étude s’est déroulée en Italie, pays étant connu pour être particulièrement imprégné par la religion catholique. Ainsi nous pouvons conclure qu’il est certes important de considérer la culture et les valeurs de la personne mais que le contexte l’est aussi. Preuve en est l’étude de Torres-Vigil et al., datant de 2012 et réalisée en Amérique latine, rapporte que ce sont plutôt les perceptions du praticien qui influencent la prescription par rapport à l’hydratation parentérale et non la religion.

Facteurs éthiques et juridiques

En administrant une hydratation artificielle, certains infirmiers ont ainsi l'impression d'être bienveillants et non malfaisants, de préserver une mort digne et d'éviter de surcroît des poursuites judiciaires. D’autres la considèrent au contraire comme une obstination thérapeutique, un traitement futile, provoquant et prolongeant la souffrance. Le fait de ne pas l’administrer soulignerait, selon ces dernières, une mort plus naturelle, le respect de la dignité de la personne ainsi qu’une considération plus importante de la qualité de vie que de la quantité de vie. (Bryon & al., 2008 ; Van der Riet & al., 2008 ; Stiles, 2013) « This concurs with the General Medical Council’s (2010) advice that there is no obligation to provide

treatment in palliative care if it is considered futile or burdensome. » (Stiles, p.40, 2013).

Selon Valentini et al. (2014), les opinions des infirmiers concernant l’hydratation artificielle semblent parfois être liées à des facteurs affectifs. Ces affects pourraient mener à un désaccord avec la décision prise par le médecin et entraîner des conflits ainsi qu’une mise à l’écart des infirmiers. En effet, des recherches antérieures ont montré que les médecins considèrent que les infirmiers qui montrent trop d’implication émotionnelle perdent leur objectivité et peuvent ainsi être exclus du processus de prise de décision. (Pasman & al., 2004 ; Lopez & al., 2010 ; dans Valentini & al., 2014)

Rôles des infirmiers

Les patients et leurs familles démontrent une attitude positive envers l’hydratation artificielle et la perçoivent comme une prise en charge standard utile à la fin de vie (Chiu & al., 2014 ; Mercadante & al., 2005; dans Raijmakers & al., 2011). Cette représentation les influence à opter pour une hydratation artificielle en dépit des preuves sur son efficacité. C’est pourquoi, les professionnels de santé devraient avoir une discussion avec eux au sujet des preuves limitées concernant les effets positifs d’une hydratation artificielle, tout en sachant que cela impliquera des défis éthiques (Raijmakers & al., 2011).

Selon Stiles (2013), les infirmiers doivent également utiliser leurs compétences en communication, afin d’apporter du soutien aux patients, aux proches, mais aussi leur consacrer du temps pour leur transmettre les connaissances et informations nécessaires et relatives à l’hydratation artificielle, dans le but de promouvoir une prise de décision éclairée. Pour ce faire, il est alors évident que les infirmiers ont besoin de pouvoir accéder à des connaissances à propos des avantages et inconvénients de l’hydratation artificielle (Stiles, 2013 ; Bükki & al., 2014). De plus, cette nécessité correspond effectivement au besoin d’information des patients puisque selon Malia et Bennett (2011), tous les patients interrogés dans le cadre de leur étude souhaitent obtenir des informations sur les bénéfices et inconvénients de l’hydratation artificielle de la part des professionnels.

Puisque l’hydratation artificielle ne soulage probablement pas la sensation de soif des patients en phase terminale d’un cancer, introduire des soins de bouche intensifs est donc d’une importance majeure (Morita & al., 2007). S’il est décidé d’arrêter une hydratation artificielle, ils doivent d’ailleurs également être instaurés afin de garantir un maximum de confort et donc de qualité de vie au patient (Finucane & al., 1999 ; Gillick, 2000 ; Casarett & al., 2005 ; Cervo, & al., 2006 ; dans Bryon & al., 2008).

Les conclusions de l’étude de Bryon et al. (2008) démontrent que les infirmiers devraient pouvoir s’appuyer en priorité sur les évidences cliniques les plus récentes afin de se positionner dans le processus de décision, et non

sur des présuppositions qui ne reposent actuellement sur aucune base scientifique fiable. Pour cela, les auteurs soulignent le besoin de communiquer clairement les dernières données cliniques ainsi que les principaux résultats du débat éthique en cours à propos de l'alimentation et de l’hydratation artificielles.

Il reste cependant essentiel que les soignants tiennent compte de chaque patient individuellement, de ses valeurs ainsi que de sa famille (Nakajima & al., 2014). De plus, dans la prise de décision quant à l’hydratation artificielle, il est important de prendre en considération la dimension éthique, sur la base de la culture de la personne, ainsi que les aspects juridiques (Kwak & Haley, 2005 ; Blackhall & al., 1995 ; dans Raijmakers & al., 2011).