• Aucun résultat trouvé

Le point de vue de la triade patient-famille-médecin

CHAPITRE 5 : DISCUSSION

5.1. Synthèse des résultats des articles

5.1.1. Le point de vue de la triade patient-famille-médecin

Les chercheurs Malia et Bennett (2011) ont mis en évidence le fait qu’une hydratation artificielle est souhaitée, du moment qu’elle contribue à maintenir une qualité de vie optimale. En effet 6 des 17 patients interrogés dans leur études considèrent la quantité de vie importante également et l’expriment par des phrases comme « I would try owt (anything) to keep alive » ou encore « I see it (l’hydratation artificielle) like oxygen, which I need to keep me alive ». (Malia & Bennett, p.196, 2011). Ainsi pour ces personnes, la vie, indépendamment des circonstances, est préférable à la mort (Van der Riet & al., 2009). Au contraire, 6 autres patients mettent

l’accent sur la qualité de vie avant tout, même si cette dernière signifie un arrêt complet de l’hydratation, suppléé par d’autres pratiques. Comme l’indique une des personnes interrogées « I have a very dry mouth. The nurses have been giving me different types of fruits juice. […] It is important to keep having different flavors » (Malia & Bennett, p.198, 2011).

Ce que révèlent plusieurs études de manière uniforme, c’est que la discussion avec le personnel médical est important afin de prendre une décision éclairée par rapport à ce dilemme complexe (Malia & Bennett, 2011 ; Bükki & al., 2014). Les patients veulent donc être guidés et informés, mais sans, toutefois, que la décision soit prise à leur place, à moins qu’ils remettent expressément la responsabilité de la décision dans les mains du praticien.

Dans certaines situations, c'est aussi paradoxalement la prolongation de la vie qui est visée [malgré le constat d’un manque de preuves concernant le lien entre l’hydratation artificielle et la survie]. En effet, le patient est parfois dans l’attente d'un événement spécial, comme une naissance, et l'anticipation de l’événement à venir, le fait de s’en réjouir, pourra lui amener une certaine qualité de vie. Cette prolongation de la vie peut aussi avoir pour but de donner le temps au patient et/ou à sa famille d’intégrer et d’accepter la réalité de la situation (Malia & Bennett, 2011). Ainsi, les patients doivent être impliqués dans le processus de décision aussi

longtemps que c’est possible, avant de passer le relais à d’autres entités comme les proches, le tuteur ou encore le personnel soignant.

Par rapport au rôle de la famille, une étude allemande (Van der Riet, Brooks & Ashby, 2006 ; dans Bükki & al. 2014) a révélé que cette dernière a un poids important pour le patient dans la décision finale, même si un tiers des familles et des patients préfèrent ne pas se prononcer et laisser le choix à l’équipe médicale. Par conséquent, la décision de la pose ou du maintien d’une hydratation artificielle dépend de qui se prononce : lorsque la famille doit se décider pour le patient, elle opte pour une hydratation artificielle dans 52% des cas, alors que dans les circonstances où c’est le patient qui peut encore choisir, seuls 40% d’entre eux choisissent de conserver une hydratation artificielle.

La revue de littérature de Raijmakers et al. (2011) témoigne de l'attitude positive des familles envers l'hydratation artificielle, dans le sens où cette dernière est perçue comme faisant partie intégrante de la prise en charge standard de la fin de vie. De même, les symptômes que peut ressentir le patient en cas d'arrêt de l'hydratation sont souvent au cœur des préoccupations des familles, c’est pourquoi une hydratation artificielle est parfois administrée comme un geste de soutien (Ke & al., 2008a ; dans Stiles, 2013).

Parmi les facteurs mis en avant par les familles, l’âge avancé de la personne est souvent un élément déterminant dans la décision de renoncer à

une hydratation artificielle ; la religion en revanche, n’entre pas en ligne de compte (Bükki & al., 2014). De manière générale, les éléments influençant la décision du patient sont la compréhension qu'ils ont de l'hydratation artificielle, leur position philosophique par rapport aux soins et à la fin de vie ainsi que le processus de discussion et les personnes impliquées (Malia & Bennett, 2011).

Le médecin occupe une place prépondérante dans le processus de décision, car, autant le patient que le personnel soignant et la famille comptent sur lui pour donner des informations et prodiguer des conseils. Dans leur analyse du discours des médecins et des infirmiers par rapport à l’hydratation en fin de vie, Van der Riet, Higgins, Good & Sneesby (2009) mettent en évidence la notion de subjectivité de la réalité par rapport aux caractéristiques de la situation.

A titre d’illustration, rapportons les propos d’un des médecins interrogés, qui dit percevoir le fait de ne donner ni nutrition ni hydratation à un patient en état végétatif chronique comme une forme lente d’euthanasie. Au contraire, le même acte relié à un patient cancéreux et mourant n’a pas la même signification pour lui. De plus, il déclare avoir plus de difficulté à se prononcer face à la situation d’une personne jeune qu’à celle d’une personne âgée.

Une étude réalisée en Amérique Latine datant de 2012 (Torre-Vigil et al.) a constaté qu’une certaine approche traditionnelle des soins palliatifs, qui

considère que l’hydratation parentérale constitue un minimum standard de soins, conduit les praticiens adhérents à cette vision de la médecine palliative, à une surprescription de l’hypodermoclyse chez les patients en stade terminal. Les résultats de l’étude se veulent quand même rassurants dans le sens où seuls 3 médecins sur 238 (1.27 %) disent prescrire une hydratation parentérale à 100% de leurs patients, ce qui démontre dans la plupart des cas, et ce malgré la subjectivité inhérente au contexte, que la décision est individualisée à la situation clinique du patient ainsi qu’aux souhaits de la famille.