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L’éthique et le dilemme éthique

CHAPITRE 3 : CONCEPTS ET CHAMPS DISCIPLINAIRES INFIRMIERS

3.1. Définition des concepts retenus

3.1.4. L’éthique et le dilemme éthique

L’éthique

Tout d’abord il est essentiel de comprendre ce qu’est l’éthique. Paul Ricoeur (1990) utilise le terme « éthique » pour la visée d’une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes. L’éthique pourrait donc être définie comme un ensemble de principes moraux qui régissent la sagesse d’une action. Bien que les notions soient liées, il paraît important ici d’apporter la distinction entre la morale, qui dicte ce qui est bien ou mal de manière catégorique, et l’éthique, qui suggère ce qu’il est bon ou mauvais de faire en fonction des circonstances. Ainsi, on pourrait résumer la différence entre ces deux notions en disant que la morale commande, alors que l’éthique se contente de recommander (Svandra, 2009).

L’éthique de la santé signifie simplement qu’elle intervient dans des situations intrinsèques au domaine de la santé : soins directs, recherche, enseignement, gestion institutionnelle, etc. (St-Arnaud, 2009) et repose sur quatre principes qui sont l’autonomie, la bienveillance, la non-malfaisance et la justice.

 Le respect de l’autonomie signifie respecter les choix, les positions et les décisions d’autrui mais aussi prendre en compte les opinions et les

choix des personnes qui sont autonomes, pour autant qu’ils ne causent pas préjudice à un tiers.

 La bienfaisance, c’est le fait d’agir dans le but de se préoccuper du bien-être des autres.

 La non-malfaisance consiste en l’interdiction de faire du mal à autrui.

 La justice se définit comme le fait de traiter toutes les personnes de la même manière et ce, sans discrimination aucune, de quelque nature qu’elle soit (Hôpitaux Universitaires de Genève, 2008).

Comme vu précédemment dans la revue exploratoire de littérature, l’OMS et l’Association européenne pour les soins palliatifs (Schaerer, 1999) proposent de prendre en compte, entre autres, deux principes éthiques qui sont plus spécifiques à la fin de vie : Le principe de futilité : c’est le fait de considérer une thérapeutique comme étant futile, inutile, sans but, lorsqu’effectivement elle n’amène aucun avantage, aucun bénéfice pour le patient.

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l est alors aussi justifié de l’arrêter qu’il l’aurait été de ne pas l’entreprendre si l’état du patient avait été d’emblée ce qu’il est devenu. […] Son application est difficile en dehors d’une réflexion solide et lucide, personnelle et en équipe, et qui tient compte de la parole du patient. (p.3)

Le principe de proportion :

Une thérapeutique n’est justifiée que si sa mise en route et ses effets sont « proportionnés » au bien qu’en tirera le patient. En fin de vie, ce principe permet d’éviter les traitements disproportionnés avec l’état du malade et d’éviter ce qui serait ressenti comme un acharnement thérapeutique. (p.3)

Rappelons aussi que si le respect de ces principes est essentiel, il existe aussi des cas de figure où ces derniers entrent en conflit les uns avec les autres. C’est pourquoi, certaines situations impliquent parfois de les hiérarchiser en en privilégiant un au détriment des autres, parce que cela va dans le sens d’une meilleure qualité de soins pour la personne. De même, leur application sans réflexion préalable peut conduire parfois à des situations discutables. Si l’on prend l’exemple de la justice, agir de la même manière avec tout le monde engendre paradoxalement des iniquités, car tous les individus n’ont pas les mêmes besoins. Ainsi, plutôt que de loger toutes les personnes à la même enseigne, tenir compte des singularités de chacun et agir en conséquence serait plus juste éthiquement parlant (Svandra, 2009).

Le dilemme éthique

Le dilemme éthique est un problème qui présente plusieurs options possibles éthiquement acceptables. Ces dernières sont exclusives dans le sens où le choix de l’une d’entre elles exclut d’office les autres possibilités et il n’y a donc pas de consensus possible entre deux options. La difficulté du choix réside dans le fait qu’aucune intervention n’est plus éthique qu’une

autre et donc, qu’il s’agit de dégager celle qui sera, non pas la meilleure, mais la moins pire pour le patient (Saint-Arnaud, 2009).

Selon Svandra (2009), pour qu’un dilemme éthique soit considéré comme tel, il est essentiel de s’assurer que le problème en question concerne bien l’éthique. En effet, par définition, un questionnement auquel on peut répondre par la loi, la déontologie ou les règles institutionnelles inhérentes à un établissement de soin n’est pas un dilemme éthique.

Du dilemme éthique avéré, découle donc une démarche de résolution de problème éthique que l’on pourrait définir de la façon suivante :

Une démarche éthique vise, dans un processus continu, à nous permettre, comme soignant, de renforcer notre capacité éthique en acceptant de se laisser questionner et interpeller dans nos pratiques de soins au quotidien et en étant attentif au respect des valeurs humaines. (Comité d’éthique clinique de l’Institut Universitaire en Santé Mentale de Québec, p.2, 2009).

Précisons-le d’emblée, il n’existe pas de recette miracle pour la résolution de problème éthique. Cependant, il existe un certain nombre de cadres de références dans les soins infirmiers sur lesquels les professionnels de santé peuvent s’appuyer afin d’entrer dans une démarche de résolution de problèmes complexes. Parmi ces cadres de références, on trouve des modèles ou des théories de soins infirmiers, mais aussi des guidelines institutionnels ou encore de processus décisionnels édictés par des commissions éthiques (Fry, 1994). Parmi les modèles existant dans les sciences infirmières, citons notamment celui de Hamric et Reigle, qui se base

sur une méthode de résolution de problème, celui de Crowe et Durand et celui de Massé, qui sont des approches par clarification des valeurs, ou encore celui de Saint-Arnaud, qui comporte des références à des obligations morales.

De manière générale, toute démarche clinique commence par faire un résumé de la situation en dégageant le problème principal, les éléments cliniques et contextuels ainsi que les acteurs en jeu. Dans un deuxième temps, il s’agit d’identifier et de formuler le questionnement éthique en ressortant la volonté, les valeurs ainsi que les responsabilités de chacun des acteurs de la situation. Enfin, les personnes concernées listent les options possibles et en exposent les avantages et les risques de chacune d’entre elles. L’ultime et dernière étape consiste en le choix et en la mise en œuvre de l’une des options, justifiée par la formulation d’un objectif global commun (Comité d’éthique clinique de l’institut universitaire en santé mentale de Québec, 2009).

Le dilemme éthique concorde avec notre sujet, car l’hydratation et plus particulièrement l’arrêt de l’hydratation en fin de vie rentre exactement dans ce cadre-là. En effet, par le biais de notre revue de littérature, nous pouvons constater qu’il est légal d’arrêter une hydratation artificielle et que cette décision est éthiquement acceptable puisqu’elle peut être assimilable à l’arrêt d’un traitement. De même, on ne peut pas dire des options qui en découlent (pose d’une hydratation, arrêt d’une hydratation, maintien d’une

hydratation) que l’une est plus éthique que l’autre. Cela implique la mise en place d’un processus décisionnel par le biais des acteurs en jeu sur les valeurs inhérentes à la situation, les aspects cliniques et contextuels et la formulation d’un objectif commun afin de choisir la solution la moins mauvaise pour la personne.