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D. Rôle des cellules iNKT dans les pathologies

1. Rôle antiviral des cellules iNKT

Bien que les virus n’expriment pas d’antigènes lipidiques, les cellules iNKT sont néanmoins impliquées dans la réponse antivirale. Dans des modèles murins, de nombreuses études montrent le rôle de ces cellules dans la réponse antivirale en contribuant à la réponse innée, en aidant à contrôler la charge virale et en participant à la régulation de la réponse adaptative (Diana and Lehuen, 2009). Moins de données sont disponibles chez l’homme mais le rôle de ces cellules émerge progressivement, principalement dans les contextes d’infections virales à Herpès virus et d’infection VIH.

a) Infections à Herpèsvirus

Chez l’homme, plusieurs arguments soutiennent le rôle des iNKT dans le contrôle des infections à Herpèsvirus. Les patients avec un déficit en cellules iNKT sont particulièrement

79 vulnérables aux infections par les virus de ce groupe. Ainsi, 2 enfants de 6 et 11 ans qui ont développé après vaccination une infection sévère par le VZV présentaient comme seul défaut immunologique identifié une diminution profonde des cellules iNKT. Cette diminution était associée à une diminution de l’expression de CD1d sur les cellules CPA dans le sang périphérique (Banovic et al., 2011; Levy et al., 2003).

Par ailleurs, les patients présentant XLP ont des mutations germinatives du gène SH2D1A codant pour la protéine adaptatrice SAP (mutation responsable de l’XLP de type 1) ou du gène BIRC4 qui code pour la protéine XIAP (X-linked inhibitor of apoptosis protein, mutation responsable de l’XLP de type 2), les patients XLP-1 présentent un défaut de développement des cellules iNKT alors que les patients XLP-2 présentent un défaut d’homéostasie périphérique de ces cellules (Nichols et al., 2005; Rigaud et al., 2006). En effet, le développement de ces cellules est dépendant de l’expression de la molécule adaptatrice SAP. Le défaut d’expression de SAP n’a pas d’effet sur le nombre des cellules NK et des lymphocytes T CD8 (Pasquier et al., 2005). Cependant, la cytotoxicité de ces cellules est profondément altérée vis-à-vis de lymphocytes B infectés par l’EBV (Dupre et al., 2005; Sharifi et al., 2004). Toutefois, le défaut en XIAP n’intervient pas dans le développement des cellules iNKT, mais confère à ces cellules une sensibilité plus importante à l’apoptose en périphérie (Gerart et al., 2013). A noter que chez les patients déficients en XIAP aucun défaut de cytotoxicité n’a été rapporté. Au total, l’absence de l’expression de SAP ou de XIAP conduit à des défauts fonctionnels et cellulaires bien distincts, à l’exception du déficit en cellules iNKT qui représente le seul défaut commun aux patients déficients pour SAP et pour XIAP. Ces patients sont incapables de contrôler les lymphocytes B infectés par l’EBV et développent des lymphoproliférations B sévères (Nichols et al., 2005; Rigaud et al., 2006). De plus, une étude in vitro montre que des lymphocytes B infectés par EBV induisent directement la production d’IFN- γ et l’activité cytotoxique de cellules iNKT, alors que la déplétion de ces cellules conduit à une augmentation de la charge virale d’EBV et du pourcentage de lymphocytes B infectés (Chung et al., 2013). Cette dernière étude confirme le rôle des cellules iNKT dans le contrôle de l’infection des lymphocytes B par EBV. Dans les modèles murins, les souris déficientes pour la molécule CD1d (CD1d-/-) ou dépourvues en cellules iNKT (Jα18-/-) sont également plus susceptibles à l’infection par le virus HSV-1 (Grubor-Bauk et al., 2008; Grubor-Bauk et al., 2003). Une autre étude montre que les réponses humorales spécifiques d’HSV-1 et la production d’IFN-γ sont significativement diminuées chez les souris Jα18-/- (Raftery et al., 2014). Enfin, dans un contexte d’infection vaginale par HSV-2 les souris CD1d-/- etJα18-/- sont 10 fois plus susceptibles au virus.

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b) Virus de l’immunodéficience Humaine

Les patients infectés par le VIH présentent une réduction significative de la fréquence des cellules iNKT et ce déficit persiste plus d’un an après contrôle de l’infection par des antirétroviraux (Motsinger et al., 2002; van der Vliet et al., 2006; van der Vliet et al., 2002). Une déplétion spécifique des cellules iNKT CD4+ est observée chez ces patients comparativement aux cellules iNKT CD4-. Ce qui correspond au tropisme de ce virus pour les cibles cellulaires exprimant la molécule CD4. L’observation d’une diminution de ces cellules dans cette infection est donc la conséquence de leur destruction par la réplication virale. Ces cellules présentent un phénotype d’exhaustion avec : une capacité de prolifération et de production de cytokines telles que l’IFN- γ, TNF et l’IL4 très réduite en réponse à la stimulation par l’α-GalCer et l’IL2 in vitro et une forte expression des marqueurs d’exhaustion tel que PD-1 (Vasan et al., 2007). De plus, il est rapporté des modifications de la répartition des sous-populations CD4+/CD8+/DN associées à la diminution des capacités fonctionnelles de ces cellules. Il est intéressant de noter que chez les patients infectés par le VIH ces anomalies ne sont pas réversibles après deux ans de traitements antirétroviraux (Moll et al., 2010) sauf si celui-ci est introduit très précocement en primo-infection (Vasan and Tsuji, 2010). Toutefois, les conséquences précises du déficit des cellules iNKT dans l’infection par le VIH sont encore à déterminer.

c) Modulation par les virus de la présentation par CD1d

Les virus sont connus pour échapper à leur reconnaissance par les CTL en régulant négativement l’expression en surface des molécules du CMH de classe I. Un argument indirect témoignant de l’importance des cellules iNKT dans la défense anti-virale est l’importance des stratégies d’échappement immunitaire mises en place par les virus qui consistent à altérer la présentation des antigènes par la molécule CD1d.

En particulier, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) échappe à la reconnaissance par les cellules iNKT en régulant négativement l’expression en surface de la molécule CD1d par le biais de trois protéines virales. L’incubation de cellules avec la protéine recombinante gp120 a pour conséquence une diminution de l’expression membranaire de la molécule CD1d (Hage et al., 2005). La protéine Nef accélère l’internalisation de la molécule CD1d de la membrane et la redirige vers le réseau trans-golgien. Enfin, la protéine virale Vpu inhibe le recyclage de CD1d du compartiment endosomal vers la surface de la cellule (Moll et al., 2010). Le Papillomavirus humain (HPV) interfère aussi avec la présentation des lipides par

81 la molécule CD1d. La protéine E5 interagit avec la calnexine et bloque la sortie des molécules CD1d du reticulum endoplasmique puis favorise sa dégradation par le protéasome (Miura et al., 2010). Dans l’infection liée au HHV-8, la molécule CD1d est également la cible d’une régulation négative par les protéines virales modulatrices K3 et K5 (ou respectivement MIR 1 et MIR 2) pendant la phase lytique de l’infection virale. Ces protéines virales augmentent l’endocytose du CD1d membranaire sans en augmenter la dégradation lysosomale. De plus, dans un modèle in vitro, l’expression de K5 dans la lignée cellulaire BJAB inhibe l’activation des cellules iNKT (Sanchez et al., 2005). Enfin, l’infection par HSV est associée à un recyclage défectif de la molécule CD1d qui reste piégée dans l’endosome tardif ce qui a pour résultat une diminution de son expression à la surface de la cellule (Yuan et al., 2006).

De façon un peu différente, l’infection par le virus de la vaccine (VV) ou le virus de la Stomatite vésiculaire (VSV) a pour conséquence une diminution de l’activation des cellules iNKT alors que l’expression de la molécule CD1d reste inchangée. Ces 2 virus agissent en modulant le trafic intracellulaire de CD1d dépendant des MAP-kinase et altèrent ainsi le répertoire des lipidiques présentés par CD1d (Renukaradhya et al., 2005).