• Aucun résultat trouvé

L’immunité joue un rôle majeur dans le contrôle de l’infection par HHV-8 comme l’en atteste la survenue du SK et de la MCM principalement chez des patients immunodéprimés (infectés par le VIH, transplantés, sujets âgés) (Boshoff and Weiss, 2002). Ceci suggère que la perte du contrôle immunitaire du virus peut conduire à une prolifération de cellules infectées par HHV-8 incontrôlée et au développement de pathologies associées à HHV-8. Inversement, chez les patients infectés par le VIH (Bihl et al., 2007a; Bourboulia et al., 2004) ou transplantés rénaux (Cattelan et al., 1999), des améliorations cliniques d’un SK peuvent être observées lorsque l’immunité est restaurée. Ainsi, le système immunitaire joue un rôle important dans le contrôle de l’infection par HHV-8, conduisant le virus à d’établir une infection latente persistante. L’établissement d’un tel équilibre avec le système immunitaire est une vraie caractéristique commune à tous les herpèsvirus.

1. Induction des réponses immunes innées

Les récepteurs TLR (Toll-like receptor) sont des récepteurs qui reconnaissent des motifs moléculaires présents uniquement chez les microorganismes pathogènes dénommés PAMP pour « pathogen-associated microbia pattern ». Cette reconnaissance induit l’activation de la voie de signalisation NFκB et la production d’IFN de type I et de cytokines pro-inflammatoires.

En primo-infection, HHV-8 est capable d’induire la stimulation de la voie de signalisation et l’augmentation de l’expression de TLR3 dans les monocytes et induit la production de cytokines spécifiques de cette voie dont l’IFN-β1 et CXCL10 (IP-10) (Gregory and Damania, 2009; West and Damania, 2008). Par contre, l’expression de TLR3 diminue lorsque la latence du virus est établie (Jacobs et al., 2013). Dans des modèles in vitro, les cellules qui présentent un déficit de l’expression de TLR4 sont plus susceptibles à l’infection (Lagos et al., 2008). Toujours, in vitro HHV-8 est capable d’activer les cellules dendritiques plasmacytoïdes et d’induire rapidement la production d’IFN-α via la voie de signalisation par le TLR9 (West et al., 2011). Ces données suggèrent, l’importance des réponses immunitaires induites par les

55 TLR dans un contexte de primo-infection par HHV-8 même si cette réponse est rapidement régulée négativement par le virus.

Par ailleurs, l’ADN double brin du virus HHV-8 active le récepteur intranucléaire IFI-16 (interferon gamma-inducible protein 16), membre de la famille des ALR (AIM2-like repectors), permettant ainsi la formation et l’activation de l’inflammasome et le déclenchement de la sécrétion d’IL1-ß (Kerur et al., 2011; Singh et al., 2013).

2. Réponses Natural Killer

Les cellules NK jouent un rôle majeur dans la défense immunitaire contre d’autre herpèsvirus comme par exemple HSV-2 dont les infections graves sont favorisées par un déficit en cellules NK circulantes (Dalloul et al., 2004) ou encore le CMV. La réponse cellulaire NK dirigée contre les cellules infectées par HHV-8 est favorisée par l’inhibition de l’expression des molécules du CMH de classe I par le virus lui-même (voir paragraphe III. B. 3.a).

Peu de données sont disponibles dans la littérature sur les réponses NK. Une première observation rapporte un cas de SK classique évolué associé à une diminution significative de l’activité des cellules NK mesurée par cytotoxicité au chrome contre des cibles cellulaires K562 ou des lignées de PEL. (Sirianni et al., 2002). Les auteurs observent une restauration de l’activité NK après régression de la maladie après un an sous traitement par l’IFN-α. Une seconde étude, rapporte une altération du répertoire des récepteurs activateurs/inhibiteurs des cellules NK chez les sujets séropositifs pour HHV-8 (Dupuy et al., 2012). De plus, les patients ayant un SK ont une diminution des récepteurs NK activateurs NKG2D associée à une diminution des fonctions des cellules NK. Ces anomalies disparaissent avec la résolution du SK sous Antirétroviraux (ARV). Enfin, les cellules NK circulantes de 2 patients atteints du PEL ont une très faible activité lytique dirigée contre les cellules cibles K562 comparativement à ceux de donneurs sains (Sirianni et al., 2005; Suscovich et al., 2004). L’ensemble de ces données suggère que les cellules NK pourraient avoir un rôle dans le contrôle de l’émergence de la maladie.

3. Réponses cellulaires T anti-HHV-8

a) Réponses cellulaires T CD4 anti-HHV-8

Samantha et al ont développé un modèle in vitro d’infection de lymphocytes B primaires présentant les mêmes caractéristiques que les cellules infectées de la MCM (IgM++). Ces

56 cellules infectées expriment l’ARNm LANA sans modulation de l’expression du CMH de classe II et peuvent donc être une cible potentielle des lymphocytes T CD4 spécifiques de l’antigène LANA. Les lymphocytes B infectés ont été mis en culture en présence de 6 clones T différents spécifiques de LANA générés in vitro par l’équipe et la reconnaissance de l’antigène LANA a été évaluée par la sécrétion d’IFN-γ. Les résultats montrent que les clones T sont capables de reconnaître les lymphocytes B infectés de manière efficace (Nicol et al., 2016). Ces résultats suggèrent que l’antigène LANA est bien présenté pour une reconnaissance efficace par les lymphocytes T CD4. Une autre étude a montré que des cellules T CD4 oropharyngées activées pouvaient reconnaître de façon non restreinte par le CMH des ligands non identifiés à la surface de cellules B infectées par HHV-8 (Myoung and Ganem, 2011).

Peu de données ex vivo sont disponibles sur la réponse T CD4 anti-HHV-8. Dans une première étude, les réponses spécifiques d’antigènes de la phase de latence (LANA/ORF73) et de la phase lytique (ORF57) ont été caractérisées par marquage intracellulaire de cytokines dans les PBMCs de 11 patients VIH+ HHV-8+ asymptomatiques pour HHV-8. Seul deux patients testés sur les 11 présentaient une réponse T CD4 spécifique, mais qui restait très faible (Bihl et al., 2007b). Dans une étude plus récente utilisant des cellules mononucléées du sang périphérique de donneurs sains séropositif pour HHV-8, les auteurs mettent en évidence une faible réponse T CD4 anti-HHV-8 ex vivo dirigée contre des antigènes de latence LANA, v-FLIP, v-Cyclin et Kaposines (Sabbah et al., 2012).

Encore moins de données sont disponibles sur les réponses T CD4 anti-HHV-8 analysées chez les patients présentant une pathologie tumorale liée à ce virus. Cependant, dans un petit groupe de patients VIH+ ou VIH- atteints de KS, MCM ou PEL, des réponses T CD4 dirigées contre des antigènes de la phase lytique ont pu être détectées, mais une fois encore ces réponses restent faibles (Robey et al., 2009). Plusieurs équipent montrent par contre que la reconstitution du nombre de cellules T CD4 chez ces patients peut être associée à une régression tumorale (Bihl et al., 2007a) ou une infection asymptomatique (Guihot et al., 2006; Lambert et al., 2006; Wang et al., 2001). Ceci suggère un rôle de la réponse immune adaptative et en particulier les réponses T CD4, dans le contrôle de l’infection par HHV-8. Cependant, des données récentes rapportant une augmentation de l’incidence de la MCM liée à HHV-8 parmi les patients VIH avec une réplication virale contrôlée et un taux de cellules T CD4 normal (Powles et al., 2009) suggèrent que cette pathologie en particulier ne serait pas uniquement le résultat d’un déficit majeur en cellules CD4.

57

b) Réponses cellulaires T CD8 anti-HHV-8

La première évidence de la présence de CTL anti-HHV-8 chez des sujets séropositifs pour HHV-8 et asymptomatiques a été réalisé à l’aide de tests de cytotoxicité au chrome et a été publiée en 1999. Les cellules cibles exprimaient soit la protéine lytique K1, soit la protéine lytique K8.1, soit la protéine de latence K12 de HHV-8 après infection par des vaccines recombinantes pour ces protéines et des CTL spécifiques de ces 3 protéines ont été détectées après co-culture in vitro de plusieurs jours (Osman et al., 1999).

Contrairement à la primo-infection par EBV qui est responsable de la survenue de mononucléoses infectieuses chez le jeune adulte, la primo-infection par HHV-8 n’est pas spécifiquement associée à une symptomatologie particulière chez le sujet sain. La mise en place de la réponse T CD8+ au cours de la primo-infection a été étudiée par quelques auteurs. Au cours d’une étude longitudinale, sur 108 patients séronégatifs pour le VIH qui présentaient des risques d’infection par HHV-8, une séroconversion pour HHV-8 a été détectée chez 5 de ces patients (Wang et al., 2001). Les auteurs de l’étude ont dans un premier temps analysé le phénotype global des lymphocytes T autour de la période de séroconversion. Contrairement à ce qui est observé lors de la primo-infection par EBV (Callan et al., 1996; Lynne et al., 1998), aucune activation des cellules T CD8 ou CD4 n’est observée au moment de la primo-infection par HHV-8. De plus, aucune modification dans l’expression des marqueurs CD45RA, CD45RO et de co-stimulation CD28 n’est rapportée. Les auteurs ont tout de même détecté chez les 5 patients des réponses T CD8 anti-HHV-8 dirigées contre un large spectre de gènes (précoces immédiats, précoces et tardifs) sans aucune cible dominante. L’analyse des lymphocytes T CD8 anti-HHV-8, montre une augmentation de fréquence jusqu’à atteindre un maximum de 2 ans après la primo-infection, suivie d’une diminution de cette fréquence qui corrèle avec la diminution du titre d’anticorps, et qui est probablement due à la diminution de la réplication virale et de la présentation d’antigènes viraux. Une seconde étude s’est intéressée, entre autres, à deux patients greffés rénaux séronégatifs pour HHV8 dont le statut du donneur était séropositif pour HHV8. Les deux receveurs ont présenté une séroconversion pour HHV-8 mais n’ont pas présenté de charge virale HHV-8 détectable pendant 24 et 11 mois après la transplantation. Chez un des greffés rénal présentant le même HLA que le donneur, des lymphocytes T CD8 spécifiques d’antigènes de protéines des phases latente et lytique ont pu être détectées. Par ailleurs, cette étude a mis en évidence dans ce contexte une polarisation des cellules T CD8+ vers un phénotype fortement différencié CD45RA+ CCR7

-58 ou CD45RA+ CD27- avec une expression de la perforine indiquant un caractère effecteur de ces cellules et leur capacité à contrôler l’infection par HHV-8 (Lambert et al., 2006).

L’ensemble de ces données, montrent que la réponse T CD8 en primo-infection contre le virus HHV-8 est à large spectre antigénique, sans immunodominance mise en évidence, corrélée à la réplication virale, et beaucoup plus faible que celle observée au cours de la primo-infection par l’EBV.

Au cours de l’infection chronique asymptomatique, les réponses T CD8 anti-HHV-8 sont détectées avec répertoire antigénique large et des fréquences qui restent plus faibles que celles observées lors de l’infection asymptomatique par EBV en phase chronique (Barozzi et al., 2008; Guihot et al., 2006; Lambert et al., 2006). Très peu de données sont disponibles sur le caractère fonctionnel de cette réponse T CD8 spécifique. Une étude, rapporte à la fois des réponses T CD8 anti-HHV-8 mono- et polyfonctionnelles (sécrétions d’au moins deux protéines effectrices, IFN-γ, IL2, TNF-α , MIP1-ß, ou CD107a), dirigées contre un nombre important d’épitopes (Lepone et al., 2010). Enfin, Bihl et al. montrent chez des patients infectés par le VIH et HHV-8 mais asymptomatiques que les cellules T CD8 dirigées contre des antigènes lytiques et latents de HHV-8 ont un profil polyfonctionnel et de différenciation mémoire similaires à celui observé lors d’une infection chronique par l’EBV suggérant leur caractère protecteur (Bihl et al., 2007b).

Chez les patients présentant un SK, les réponses T CD8 anti-HHV-8 sont détectées avec une fréquence plus faible et avec une diversité plus limitée de leur répertoire antigénique comparativement aux patients en infection asymptomatique (Barozzi et al., 2008; Guihot et al., 2006; Lambert et al., 2006). De plus, une étude utilisant un marquage par tétramère des cellules T CD8 spécifiques pour HHV-8 a pu confirmer ces observations et rapporte également une diminution de la capacité des cellules CD8 spécifiques à sécréter de la perforine (Lambert et al., 2006). Au cours de la guérison du SK dans un contexte de co-infection par le VIH, après traitement par chimiothérapie et antirétroviraux ou antirétroviraux seuls, on observe à l’aide de tests Elispot IFN-γ, une amélioration des réponses T CD8 spécifiques, même si ces réponses restent faibles (Bihl et al., 2007a). Ces résultats tendent à être confirmés chez les patients greffés rénaux, où la détection des cellules T CD8 spécifiques correspond aux épisodes de rémission clinique du SK.

Une seule étude a analysé la présence de réponses T CD8 spécifiques chez des patients MCM. Cette étude montre la présence chez la moitié des patients inclus dans l’étude la présence de cellules T CD8 anti-HHV-8 polyfonctionnelles dirigées contre des peptides de protéines lytiques et latentes (Guihot et al., 2008). Par conséquent, la MCM ne semble pas associée à un

59 défaut de la réponse des cellules T CD8 spécifiques. Cependant, ces réponses polyfonctionnelles sont très faibles surtout dans le contexte de réplication forte de HHV-8 associée à la MCM et sont incapables de contrôler l’apparition d’une MCM ce qui pourrait suggérer l’existence de dérégulation immunes plus fines.

Ces données suggèrent un rôle protecteur de l’immunité cellulaire T CD8 spécifique du virus dans le contrôle clinique de l’émergence du SK associé à l’infection par HHV-8, mais ces réponses ne semblent pas être aussi protectrices dans le développement de la MCM.