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B. HHV-8 et échappement immunitaire

2. Échappement à la réponse immune innée

Une grande proportion du génome de HHV-8 est consacrée à l’échappement à la réponse immune innée de l’hôte. La majorité des fonctions de l’immunité innée est ciblée négativement par ces protéines virales avec la production d’IFN de type I, l’activation du complément, l’activation de l’inflammasome, l’activité des chémokines et l’activité des cellules NK.

a) Échappement à la reconnaissance par les PRR

Les TLR (toll like receptor) sont des PRR (pattern recognition receptor) qui reconnaissent les pathogènes. L’activation des TLR permet la production de cytokines et de chémokines antimicrobiennes à travers la signalisation de plusieurs facteurs de transcriptions incluant NFκB, IRF et TRAF. L’infection in vitro de cellules endothéliales par HHV-8 induit une diminution de l’expression de TLR 4 en partie par l’action de v-GPCR et de v-IRF1 avec pour conséquence la suppression de la production de TFN-α, IL1-β, IL6 et IFN-β (Lagos et al., 2008). Il a été démontré par ailleurs que l’activité ubiquitine ligase de la protéine virale RTA peut causer la dégradation de la molécule adaptatrice de signalisation TRIF dont le rôle est important pour la production d’IFN-β via l’activation des TLR 3 et TLR 4 (Ahmad et al., 2011). Enfin, les micro-ARNs, miR-K12-9 et miR-K12-5 ont pour cible IRAK1 et MYD88,

61 qui sont tous les 2 des composants essentiels de la voie de signalisation des TLR et du récepteur de l’IL1 (Abend et al., 2012).

En plus des TLR, les cellules hôtes expriment aussi des récepteurs cytosoliques : RIG-1, MDA 5 et la famille de protéines NLR. RIG-1 détecte l’ARN viral et devient ubiquitinilé par TRIM 25, ce qui lui permet d’interagir avec le complexe de signalisation MAVS/IPS-1 (Gack et al., 2007; Kawai et al., 2005). L’activation de ce complexe conduit à l’induction d’IFN de type I. HHV-8 code pour une de-ubiquitine, la protéine virale codée par le gène ORF64, qui est capable de de-ubiquitiniler RIG-1 et d’inhiber l’activation du promoteur de l’IFN-ß via RIG-1 (Inn et al., 2011). Les NLR détectent une variété de ligand microbiens, et leur activation résulte dans la formation du complexe de l’inflammasome, qui active la caspase 1 et permet de générer la forme mature de IL1-β et de IL18 (Martinon et al., 2002). La production de IL1-β et d’IL18 en réponse à une infection conduit à la pyroptose. La protéine virale codé par le gène ORF63 possède des homologies avec la protéine cellulaire NLRP1 qui est un composant de l’inflammasome, mais elle ne possède pas le domaine d’activation et de recrutement de la Caspase-1, important pour la formation et la fonction de l’inflammasome. La protéine virale codée par le gène ORF63 est donc capable d’interagir avec NLRP1 pour prévenir la formation de l’inflammasome (Gregory et al., 2011).

b) Modulation de la voie de signalisation des Interférons de type I

Le virus HHV-8 emploie de multiples mécanismes à la fois pour inhiber la production et la signalisation des Interférons de type I (IFNs I). HHV-8 code pour 4 homologues des IRF (interferon regulatory factors) cellulaires appelés v-IRF 1 à 4 (Jacobs and Damania, 2011).

Les IRF cellulaires sont une famille de facteurs de transcription qui entre autres conduisent à l’expression des IFNs I. Parmi ces 4 v-IRF, seuls v-IRF 1, 2 et 3 interfèrent avec la signalisation des IFNs I en interagissant avec les différents IRF cellulaires (Jacobs and Damania, 2011). De plus, v-IRF 1 et 2 sont capables de d’inhiber l’expression de l’IFN-ß qui suit l’activation du TLR3 (Jacobs et al., 2013).

Il existe plusieurs autres protéines virales qui peuvent réduire la réponse IFN de type I. Il a été démontré que la protéine codée par ORF45 du virus entre en compétition avec IRF7 pour sa phosphorylation par les kinases IKKε et TBK1, réduisant le niveau total de phosphorylation (Sathish et al., 2011)et son accumulation dans le noyau, et de fait la transcription de l’IFN de type I (Zhu et al., 2002). La protéine virale RTA peut aussi agir comme une ubiquitine ligase

62 E3 et induire l’ubiquitinylation et la dégradation de IRF7 avec pour conséquence la réduction de la transcription des gènes des IFN de type I (Yu et al., 2005).

Au total, HHV-8 utilise une variété de mécanismes pour échapper à l’activation de l’IFN, suggérant ainsi l’importance de l’échappement à ces réponses antivirales pour sa persistance dans les cellules hôtes.

c) Modulation de la voie de signalisation des chémokines et du complément

Le virus HHV-8 code pour 3 homologues des chémokines : v-CCL1 (v-CCL1, ou v-MIP 1), v-CCL2 (ou v-MIP 2) et v-CCL3 (ou v-MIP 3) (Guo et al., 1997). La protéine v-CCL1 est un ligand agoniste du récepteur de chémokine CCR- 8 (Endres et al., 1999), alors que v-CCL2 est un ligand qui bloque la signalisation à travers plusieurs récepteurs de chémokines (CCR-1, CCR-2, CCR-5, CCR-8, CXCR-1, CXCR-2, et CXCR-4) (Dairaghi et al., 1999). Enfin, v-CCL3 est un ligand agoniste de CCR-4 (Stine et al., 2000). Au total, l’interaction des chémokines virales avec leurs récepteurs cellulaires induit une polarisation de la réponse immune vers la voie Th2 moins favorable à la lyse des cellules infectées par HHV-8 (Stine et al., 2000; Weber et al., 2001).

Le système du complément fait partie de la réponse immune innée. Il intervient dans la destruction des agents infectieux et dans l’élimination des complexes immuns, mais aussi dans le contrôle des réponses inflammatoires et la modulation des réponses immunes spécifiques. Comme un grand nombre de virus, HHV-8 a développé des stratégies qui interfèrent avec le système du complément, en produisant des molécules qui bloquent différentes étapes de son activation. La protéine virale codée par le gène ORF4 du virus HHV-8 donne par épissage alternatif trois isoformes de la protéine lytique KCP (KSHV complement proteins) (Mark et al., 2004; Spiller et al., 2003b). Tous ces isoformes sont des protéines transmembranaires qui présentent 4 domaines caractéristiques des membres de la famille CCP (complement control protein), qui sont exprimées à la surface des cellules infectées et exercent une activité de régulation du complément portant à la fois sur la voie classique et sur la voie alterne.

Les protéines KCP sont exprimés durant la phase de latence de l’infection et sont détectés à la surface des cellules infectées de PEL (Spiller et al., 2003b) ou de cellules endothéliales infectées après induction de la réplication lytique du virus (Spiller et al., 2006). Les KCPs peuvent réguler le système du complément en neutralisant ou en accélérant la dégradation de

63 la C3 convertase qui a été activée par la voie classique du complément (Mark et al., 2004; Mark et al., 2008). La capacité d’interaction des KCPs avec de la voie alterne est modeste, indiquant que cette voie ne possède qu’un rôle limité dans la clearance du virus in vivo (Spiller et al., 2003a). Par ailleurs, les KPCs peuvent agir comme des cofacteurs pouvant inactiver les molécules opsonisantes C3b et C4b (Spiller et al., 2003a).

d) Échappement aux réponses des cellules Natural Killer

Les cellules Natural Killer (NK) font partie de la première ligne de défense de l’organisme. Elles sont capables de reconnaître et de lyser rapidement et sélectivement les cellules infectées par un virus tout en sécrétant des cytokines, telles que IFN-γ et le TNF-α, qui stimulent et orientent la réponse adaptative. L’activité des cellules NK est finement régulée par intégration de la somme des signaux activateurs et inhibiteurs transmis par leurs récepteurs inhibiteurs ou activateurs, lors de leur interaction avec une cellule cible. Les récepteurs inhibiteurs les plus étudiés reconnaissent les molécules du CMH de classe I du soi exprimées à la surface de quasiment toutes les cellules saines. En situation normale, les cellules NK « voient » le CMH de classe I sur les cellules saines et leur fonction est inhibée. Ce mécanisme garantit la préservation des cellules saines de la cytotoxicité des NK. Une baisse d’expression des molécules du CMH de classe I est perçue comme une modification de l’équilibre des signaux inhibiteurs/activateurs, et conduit à l’activation des fonctions effectrices NK par les récepteurs activateurs. Les récepteurs activateurs incluent les récepteurs de la famille NCR (Natural cytotoxicty receptor) (NKp30, NKp44, NKp46 et NKp80), le récepteur CD94/NKG2D, le récepteur 2B4/CD244 appartenant à la sous-famille CD2 et le récepteur CD16 qui reconnait préférentiellement les sous-classes d’immunoglobulines (Ig) IgG1 et IgG3. L’engagement de ces récepteurs activateurs a pour conséquence le déclenchement de la cytotoxicité naturelle et de l’ADCC par les cellules NK. L’engagement du récepteur NKG2D avec les molécules de stress MIC-A et MIC-B, et des molécules qui présentent des analogies de structures avec les CMH de classe I, joue un rôle important dans l’immunité innée.

Les protéines virales MIR 1 et MIR 2, codées respectivement par les gènes K3 et K5, provoquent une diminution de l’expression des molécules du CMH de classe I à la surface cellulaire (Ishido et al., 2000) (voir paragraphe III. B. 3. a). L’expression de MIR1 ou la co-expression de MIR 1/2 confère de plus aux cellules une résistance à la lyse exercée par les cellules NK. MIR 2 peut également diminuer l’expression membranaire des molécules de

co-64 stimulation B7.2 (CD86, ligand de CD28) et ICAM-1 (CD54, ligand de LFA-1) sur les lymphocytes B (Coscoy and Ganem, 2001). Cet effet résulte d’une accélération de l’endocytose de ces molécules à partir de la surface cellulaire. En diminuant l’expression membranaire de ICAM-1, HHV- 8 parvient à réduire la capacité des cellules NK à maintenir un contact stable avec la cellule cible, avec pour conséquence la diminution de la probabilité qu’un signal positif soit transmis aux cellules NK. En diminuant de l’expression membranaire des molécules CMH de classe I, B7.2 et ICAM-1, les MIR 1 et MIR 2, pourrait favoriser l’échappement des cellules infectées à la réponse cytotoxique NK. Par ailleurs, MIR 2 diminue l’expression de MICA et d’AICL (activation-indiced C-type lectin), deux ligands des récepteurs activateurs des cellules NK, NKG2D et NKp80 respectivement. Ainsi, MIR 2 supprime la capacité des cellules NK à lyser les cellules infectées en empêchant la transmission de signal activateur à ces cellules (Thomas et al., 2008). Enfin, MIR 1 et MIR2 peuvent inhiber l’effet de la sécrétion d’IFNγ par les cellules NK activées, en diminuant l’expression du récepteur à l’IFN-γ (IFN-γ-R1) (Li et al., 2007).