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5. La famille des cotransporteurs cation-chlore

5.1. Découverte du premier cotransporteur cation-chlore et des autres membres de

5.9.7. Fonctions

5.9.7.2. Rétrocontrôle tubuloglomérulaire

Le taux de filtration glomérulaire (TFG) est finement régulé par les cellules formant la macula densa qui sont situées à l’extrémité de l’AAH juste avant le tubule contourné distal (190). Ce segment est contigu à l’appareil juxtaglomérulaire du glomérule, ce qui permet une signalisation paracrine. Les cellules épithéliales spécialisées de la macula densa détectent la quantité de Cl− dans le filtrat et en informent l’artériole afférente voisine. Si, par exemple, cette quantité est trop importante, le signal produit entraîne la vasoconstriction de l’artériole et de ce fait, diminue le TFG (215, 344). Ce mécanisme, nommé le rétrocontrôle tubuloglomérulaire (RTG) permet de limiter une perte de sels qui pourrait survenir lors d’un défaut de réabsorption tubulaire.

intervenir d’autres transporteurs comme ROMK et l’échangeur Na+/H+ (NHE) aussi exprimés dans la macula densa (17, 104, 284, 401). Pour ce qui est de NKCC2, ce sont les variants A et B qui joueraient le rôle le plus important. Grâce, en outre, à des souris inactivées pour NKCC2A ou NKCC2B, l’équipe d’Oppermann (284, 285) a observé que NKCC2A régule le RTG lorsque le débit du filtrat est supérieur à 7,5 nL/min et NKCC2B lorsque le débit est inférieur à 7,5 nL/min. D’autres chercheurs ont aussi montré que le RTG est aboli par l’administration de diurétiques de l’anse, c’est-à-dire, par des inhibiteurs de NKCC2 (401, 403).

Les messagers chimiques impliqués dans le TFG incluraient l’adénosine, l’AngII et l’ATP qui ont tous un effet vasoconstricteur (52, 212, 288, 342, 411) et le NO qui a un effet vasodilatateur (343, 385, 414). L’équipe de Liu R. (362, 405) a aussi montré que la sécrétion de NO par la macula densa était régulée par le cil primaire, cette excroissance plasmalemmale de forme cylindrique qui réagit à la variation du débit par des mécanorécepteurs (78, 438).

Enfin, il a été suggéré que la cascade de phosphorylation WNK-SPAK-NKCC1 dans les artérioles afférentes jouerait également un rôle dans la régulation du RTG puisque l’inhibition de NKCC1 par les diurétiques altère la contraction des cellules musculaires lisses et affecte le tonus myogénique des artérioles afférentes en conséquence (15, 203, 406). À noter qu’il existe un mécanisme de rétrocontrôle en provenance du tubule collecteur médié par le canal à Na+ épithélial (ENaC), mécanisme qui aussi pour effet de moduler le tonus de l’artériole afférente (322, 402, 403).

5.9.8. Régulation

Contrairement à d’autres CCC, NKCC2 possède une activité de transport en condition basale et il est phosphorylé à certains sites (T99 et T104 chez le lapin) sans qu’aucun stimulus particulier ne soit requis (127). Toutefois, la concentration intracellulaire de certains ions et le volume cellulaire modulent son activité probablement par l’entremise d’enzymes signalétiques ou de protéines du cytosquelette.

Il y a deux voies principales qui régulent NKCC2. La première est la voie WNK- SPAK/OSR1-NKCC2, illustrée à la figure 1.8. Elle est modulée, entre autres, par la [Cl−]i

et le stress hypertonique. La seconde voie est AMPc-PKA-NKCC2 et comprend donc tous les messagers qui agissent sur la production de l’AMPc.

Figure 1.8. Modèle d’activation de NKCC2. La diminution de la [Cl−]i, le stress hypertonique et d’autres agonistes engendrent l’autophosphorylation des kinases WNK, la phosphorylation de SPAK/OSR1 puis de NKCC2. Les ions s’accumulent par la suite dans la cellule et seront suivis d’un mouvement secondaire d’eau. Le rétablissement de la [Cl−]i normale ou de l’équilibre osmotique arrête la cascade menant à l’activation de NKCC2.

5.9.8.1. Cl− intracellulaire

L’effet d’un changement de la [Cl−]i sur l’activité des CCC est documenté depuis très longtemps. Cette régulation implique la voie WNK-SPAK/OSR1-CCC, mais les mécanismes ne sont pas encore élucidés en totalité. L’effet d’un changement la [Cl−]i a notamment été décrit pour NKCC1 et NKCC2.

Le gonflement cellulaire provoque une dilution de la [Cl−]i ce qui active NKCC1 selon des études sur la glande rectale de requin (230). L’activité de transport de NKCC1 transfecté dans des cellules HEK293 est augmentée suite à une pré-incubation dans un milieu sans Cl− (427) et dans un milieu bas Cl− (126, 152). L’activation de NKCC1 par la diminution de la [Cl−]i a aussi été montrée chez les ovocytes (307).

Peu de temps après le clonage de NKCC2, il a été montré que la diminution de la [Cl−]i augmente son activité de transport (232). Plus tard, il a été mis en évidence que la

diminution de la [Cl−]i produite par KCC2 dans des ovocytes qui expriment également NKCC2 augmente l’incorporation de Na+ (311). L’activation est causée par l’augmentation de l’état de phosphorylation de NKCC2 aux sites T99, T104 chez le lapin (311) et S91, T100, T105 et S130 chez l’humain (324, 377).

La découverte de kinases WNK au début des années 2000 a permis de mettre en lumière leurs rôles dans la régulation des CCC (416, 423). Des études subséquentes ont permis de déterminer que ces kinases sont sensibles à un changement de la [Cl−]i (263, 306, 324). La régulation des kinases WNK par la modification de la [Cl−]i sera davantage détaillée à la section 6.3.1.

Les kinases SPAK/OSR1, jouant le rôle d’intermédiaires entre les kinases WNK et les CCC, complètent la cascade. En effet, plusieurs études ont montré l’implication de l’une ou l’autre de ces kinases dans la réponse des CCC à la diminution de la [Cl−]i (90, 263, 308).

5.9.8.2. Volume cellulaire

La régulation des CCC par le volume cellulaire est également connue depuis longtemps. Cette régulation semble faire intervenir des composants du cytosquelette de même que des mécanismes provoqués par le changement des concentrations de certains ions. Les mécanismes sont toutefois mal définis.

Une autre étude de Lytle (231) sur la glande rectale de requin montre que l’hypertonicité active NKCC1 en augmentant son niveau de phosphorylation. Cette activation a également été montrée chez les ovocytes (307).

Le cytosquelette d’actine est impliqué dans la réponse aux changements du volume cellulaire (159, 303). Dans le cas de NKCC1, un mécanisme du RVI faisant intervenir l’actine F achemine le cotransporteur à la surface cellulaire (73, 140, 224, 239). De plus, la PKC et la myosine light-chain kinase, qui interagissent avec l’actine, joueraient un rôle dans l’activation de NKCC1 suite au rétrécissement cellulaire (208, 224). Enfin, il est suggéré que l’état de phosphorylation de NKCC1 affecte sa régulation par l’actine F. Autrement, l’hypertonicité augmente la phosphorylation de NKCC2 de lapin aux résidus

T99 et T104 ce qui accroît son activité de transport (127). Toutefois, aucun de ces résidus n’est essentiel à l’activité de NKCC2 puisque la mutation de ces T en A diminue l’activité de seulement 50 %.

L’hypertonicité active également les kinases SPAK, OSR1 et WNK (16, 70, 220, 445). Les kinases WNK seraient sensibles au changement du volume cellulaire par un mécanisme qui reste à élucider. Néanmoins, il est suggéré que le réarrangement du cytosquelette suite au changement de volume cellulaire soit impliqué. En outre, certains isoformes WNK migrent d’un compartiment cellulaire à un autre en réponse à la diminution du volume cellulaire (70, 445).

L’hypotonicité provoque également l’activation des kinases SPAK, OSR1 et WNK (220, 263, 323, 324). Bien que la dilution de la [Cl−]i provoquée par le gonflement de la cellule soit probablement responsable en grande partie de cet effet, on ne peut exclure un rôle du cytosquelette dans la régulation de cette voie signalétique. Notamment, la migration cellulaire de WNK3 a aussi été observée en condition hypotonique (70).

5.9.8.3. Hormones

La régulation de l’activité de la PKA par l’AMPc est un mécanisme répandu qui provoque l’augmentation de la réabsorption du NaCl dans plusieurs parties du néphron dont l’AAH (25, 376). Plusieurs hormones impliquées dans la production de l’AMPc intracellulaire activent NKCC2 : les agonistes des récepteurs β-adrénergiques, l’AngII, la vasopressine, le glucagon, la calcitonine, les prostaglandines et la PTH (41, 91, 143, 167, 262, 271, 314, 319). À l’inverse, les hormones qui diminuent l’activité de NKCC2 agissent via l’augmentation du GMPc comme le NO, les prostaglandines, les agonistes α- adrénergiques, les peptides natriurétiques auriculaires et l’endothéline (18, 24, 79, 160, 276).

Il y a des récepteurs de l’angiotensine le long de l’AAH. Chez des souris perfusées de manière chronique d’AngII, l’expression de NKCC2B est augmentée et celle de NKCC2A est diminuée (340). Un patron d’expression des variants de NKCC2 similaire est observé chez des souris soumises à une diète pauvre en NaCl (340). De plus, la vasopressine, aussi nommée hormone antidiurétique, augmente l’ARNm, l’expression, la

phosphorylation (sur T96, T101 et S126 de souris) et le trafic à la membrane de NKCC2 (42, 94, 129, 271, 325). Le mécanisme moléculaire n’est toutefois pas bien défini.

5.9.8.4. Kinases

Comme mentionné en introduction de cette section, NKCC2 est phosphorylé et actif en condition basale, mais l’augmentation du niveau de phosphorylation est corrélée avec une activité accrue (127, 129, 324). Le résidu Ser126 (nomenclature de rat et souris) est ciblé par la PKA et l’AMP-activated protein kinase (67, 105), et une diète faible en sodium augmente son niveau de phosphorylation (340). Il est suggéré que ce résidu joue un rôle dans la capacité de transport dépendamment de l’osmolalité de l’environnement. En effet, l’activité de transport diminue de 70 % en condition isotonique lorsque la S126 est inactivée, un effet qui n’est pas observé en condition hypertonique (105). Pour terminer, la cascade WNK-SPAK/OSR1 engendre la phosphorylation des résidus T95, T100 et T105, et possiblement S91 de NKCC2 transfecté dans les cellules HEK293 (324).

5.9.9. Trafic du transporteur

Seulement 5 % de la quantité totale de NKCC2 se retrouve à la surface cellulaire, le reste étant localisé dans des vésicules près de la surface (287). L’expression de surface de NKCC2 est régulée de manière constitutive par des évènements d’exocytose, d’endocytose et de stabilisation à la membrane (42, 129, 287). L’AMPc augmente l’expression de NKCC2 en le stabilisant à la membrane alors que le GMPc produit l’effet contraire (18, 42, 287). De plus, l’endocytose de NKCC2 dans l’AAH s’effectue via des voies dépendantes et indépendantes des clathrines (21).

Il a été mentionné que la vasopressine est impliquée dans la phosphorylation et la translocation à la membrane de NKCC2. En effet, elle favorise l’insertion de NKCC2 dans les radeaux lipidiques (77, 412). L’uromoduline, aussi nommée Tamm-Horsfall

protein (THP), serait impliquée dans la réponse de NKCC2 à la vasopressine. THP

colocalise avec NKCC2 et favorise son insertion dans les radeaux lipidiques, sa phosphorylation et son activité in vivo (272). De plus, le niveau de phosphorylation de NKCC2 n’est pas augmenté chez des souris dépourvues d’uromoduline (THP/) lorsque le récepteur à la vasopressine est activé (272).

5.9.10. Apport hydrique

De manière intéressante, la restriction hydrique augmente l’expression de l’ARNm codant pour NKCC2 et la surcharge hydrique produit l’effet inverse (340, 379). Cette relation est indépendante de la vasopressine alors qu’il est connu que la restriction en eau augmente l’expression de cette hormone (26). Brunet et al. (40) ont aussi montré qu’une surcharge hydrique diminue surtout l’expression de NKCC2F.

5.10. Physiopathologies

5.10.1. Syndrome de Bartter

Des mutations perte de fonction dans le gène de NKCC2 engendrent le syndrome de Bartter de type I, une maladie autosomale récessive grave qui est normalement diagnostiquée à la naissance ou peu avant en raison d’un polyhydramnios chez la mère, d’une hypokaliémie, d’une natriurie excessive, d’une alcalose métabolique et d’une hypercalciurie. Plusieurs patients développent aussi une néphrocalcinose (313, 356, 363). Il existe d’autres types de syndrome de Bartter, mais qui sont engendrés par des mutations dans le gène de ROMK (type II), CLC-Kβ (type III) et sa sous unité chaperonne Barttin (type IV) (102). Le gène melanoma-associated antigen D2 a aussi été associé à une nouvelle classe de Bartter (classe V) plus récemment (204, 211). La dysfonction de chacune de ces protéines affecte l’activité de NKCC2 secondairement, si bien que les phénotypes engendrés se ressemblent.

Certaines mutations pathogéniques dans le gène NKCC2 ont été davantage caractérisées. Il en est ainsi de la mutation Y998X dans la queue C-terminal, une mutation qui raccourcit le transporteur de 101 acides aminés par l’introduction d’un codon stop (363, 388). Cette protéine tronquée n’a plus la capacité d’être glycosylée et ne se retrouve donc pas à la surface cellulaire (442). Une mutation hétérozygote affectant seulement le variant NKCC2B (G224D) a aussi été identifiée chez un patient présentant un phénotype moins sévère (388).

L’équipe de Smithies (374) a créé un modèle murin de syndrome de Bartter de type I. Les souriceaux homozygotes dépourvus de NKCC2 (NKCC2/) présentent en effet le

phénotype du syndrome, mais ne survivent pas au-delà du sevrage. Les souris hétérozygotes, elles, ne présentent aucun phénotype et, bien que l’ARNm soit diminué de 50 %, le transporteur est exprimé au même niveau que chez les souris de type sauvage (373).

5.10.2. Hypertension artérielle

Au moins trois Canadiens sur dix seront atteints d’hypertension artérielle au cours de leur vie. En plus, cette condition ne cesse d’augmenter en prévalence depuis les dernières années. Elle constitue un facteur de risque majeur pour le développement de l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde notamment.

Encore à ce jour, la cause de 90 % des cas d’hypertension n’est pas connue, mais elle est multifactorielle. L’hérédité, l’âge et les habitudes de vie comme un apport calorique trop élevé (obésité), la sédentarité, le tabagisme et la consommation d’alcool et de sel en excès joueraient tous un rôle important dans le développement de ce problème. Par exemple, la moitié des hypertendus sont dits sensibles au sel ce qui signifie que leur pression artérielle fluctue en fonction de l’ingestion de sodium. Des anomalies du transport rénal de sodium prédisposent donc fort probablement à la sensibilité au sel dans ce contexte.

Les études d’association pangénomique n’ont pas permis d’identifier des mutations gain de fonction dans le gène de NKCC2 chez les individus hypertendus. Il semble plutôt que des différences génétiques entre les individus sensibles et non sensibles au sel s’expliquent par des polymorphismes qui affectent les régulateurs de NKCC2 et qui affectent donc l’expression ou l’activité de ce transporteur. Des modèles animaux hypertendus et/ou sensibles au sel ont été développés pour élucider les mécanismes moléculaires en jeu.

Parmi ces modèles, mentionnons les rats spontanément hypertendus chez qui une prise en charge défectueuse du sel dans l’AAH et une augmentation de l’expression de NKCC2 ont été notées (360, 361). Mentionnons aussi le rat sensible au sel nommé Dahl chez qui une augmentation de l’expression membranaire de NKCC2 a été observée de concert avec une augmentation de la phosphorylation des résidus T96 et T101 de NKCC2 et de

la phosphorylation de SPAK/OSR1 (13, 20, 162). Ces données indiquent que l’augmentation de la réabsorption du Cl− dans l’AAH contribue au développement de l’hypertension (13, 153, 162, 178, 332), d’autant plus que plusieurs autres voies de régulation de NKCC2 sont dérégulées dans le modèle Dahl (118, 256, 295, 440).

De rares mutations dans NKCC2 ont été associées à une plus faible pression artérielle chez l’humain sans qu’il soit question d’un désordre de type Bartter (182, 275). Certaines ont été reproduites dans NKCC2A et étudiées dans les ovocytes de X. laevis et les cellules HEK293 (258). Entre autres, les mutations T235M (équivalente à T230M chez le lapin), R302W, L505V et P569H engendrent une diminution de l’activité de transport. De manière intéressante, la mutation T231M chez le rat (l’équivalent de T230M chez le lapin) diminue l’activité du transporteur et le rend moins sensible à l’activation par WNK3 (3).

5.11. Inhibition

Les diurétiques sont des molécules qui inhibent la réabsorption tubulaire rénale des sels et qui sont utilisés pour traiter l’œdème pulmonaire, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’hyperkaliémie entre autres conditions. Deux de ces inhibiteurs, le furosémide et le bumétanide agissent en empêchant NKCC2 de transporter les ions et ce faisant, entraînent une perte des ions par les urines. Le furosémide est également un inhibiteur de l’enzyme anhydrase carbonique ayant pour effet de diminuer la réabsorption de HCO3− par le tubule proximal (315).

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