• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Les forces motrices du développement du libre accès en France

III.1 Réticence de certains éditeurs à adopter les modèles économiques du libre accès

Quelques grands groupes d’édition se partagent la majorité des publications en Sciences, Techniques et Médecine (STM) au niveau mondial. Cinq groupes dominent et forment un oligopole. Le secteur de l’édition en SHS en France a échappé à cette concentration et reste bien particulier.

242 GODET Michel (2007). Manuel de la prospective stratégique : Tome 2, L’Art et la méthode. Paris : Dunod,

127

Ghislaine Chartron décrit la situation générale de ce secteur comme suit:

« Une étude récente pour la France a confirmé le caractère très (voire trop) atomisé de l’édition de recherche en SHS, en dénombrant 1,34 revue en SHS par unité de recherche (GFII-Adonis, vol.1, 2009, p.12)243. Une étude menée en 2005 pour le Ministère de la Recherche nous avait conduit également à mettre en évidence cette atomicité du secteur dans plusieurs pays (Minon, Chartron, 2005)244 : la très grande majorité des éditeurs de ces trois pays ne publient qu’une ou deux revues, la situation était extrême en Espagne, un peu plus nuancée en France où un noyau de maisons d’éditions cumulaient entre 3 et 9 titres. La répartition entre public et privé était également très différente selon ces pays. » (CHARTRON, 2010).

Le rapport « Open Access in France. A State of the Art » (COUPERIN, CNRS INIST, 2010)245 a référencé 168 revues scientifiques en libre accès en France. Parmi elles 11 sont éditées par un éditeur commercial dans le domaine des sciences, technologies et médecine, EDP Sciences. C’est le seul éditeur commercial en France à proposer quelques revues scientifiques en libre accès. Le modèle économique proposé repose sur le modèle de l'auteur- payeur.

86 autres revues en libre accès sont diffusées par l'intermédiaire de la plate-forme Revues.org qui est un portail dédié aux sciences humaines et sociales. Cette plate-forme héberge à la fois des revues scientifiques d'institutions publiques de recherche et de sociétés savantes. Revues.org est développé par le Centre pour l'Édition électronique Ouverte qui est un laboratoire associant différentes institutions de recherche publiques : le centre national de la recherche scientifique, l'université de Provence, l'école des hautes études en sciences sociales et l'université d'Avignon. Cette plate-forme est également soutenue par le programme de grands équipements qui en assure ainsi la pérennisation et l'archivage à long terme.

243

GFII-ADONIS (2009). L’édition scientifique française en sciences humaines et sociales. [ en ligne ], rapport de synthèse, 2 octobre 2009, [25/09/2012]. Accessible en ligne sur :

http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00440421/fr/

244 MINON Marc, CHARTRON Ghislaine (2005). État des lieux comparatif de l’offre de revues SHS : France –

Espagne – Italie. [ en ligne ], Rapport d’étude pour le Ministère de la recherche français, Juin 2005, [25/05/2012] . Accessible en ligne sur : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001561.html

245 COUPERIN, CNRS INIST (2010). Open Access in France. A State of the Art Report. [ en ligne ], April 2010,

40p, [24/09/2012]. Accessible en ligne :

128

Le modèle économique de Revues.org repose donc partiellement sur des subventions d'institutions publiques. Ce n'est cependant pas une particularité liée aux revues scientifiques en libre accès. De façon générale, les éditeurs scientifiques en SHS bénéficient de subventions publiques. Le rapport « L'édition scientifique française en sciences humaines et sociales » précise que « l'édition SHS repose déjà en partie sur un financement amont : les aides directes à l'édition de recherche s'élèvent à 8,5 millions d'euros toutes sources de subventions confondues » (GFII-ADONIS, 2009)246. Ce rapport souligne également les limites de l'accès payant: « le modèle de l'accès payant assure de moins en moins bien la fonction de diffusion des résultats de la recherche en SHS ».

Le succès de Revues.org est indéniable, mais un autre modèle coexiste dans le domaine des SHS : CAIRN.info. Cette plate-forme a été fondée en 2005 par 4 maisons d'édition : Belin, De Boeck, La Découverte et Erès. CAIRN.info symbolise le succès du financement aval en France : depuis 2005, le chiffre d'affaires « fait plus que doubler chaque année, l'équilibre économique est atteint dès la quatrième année (avec très peu d'aides publiques) [...] » (GFII- ADONIS, 2009)247. Cette plate-forme semble démontrer que les modèles économiques traditionnels reposant sur un financement aval, ont encore toute leur place dans le paysage de l'édition scientifique française. Le succès de CAIRN.info n'encourage pas les éditeurs à changer leur modèle économique, sans oublier que le passage d'un modèle lecteur-payeur à un modèle auteur-payeur n'est pas sans poser un certain nombre de difficultés pour les éditeurs.

Le groupe de travail du GFII sur le libre accès rappelle que les

« garanties suivantes sont nécessaires à l'adoption du modèle libre accès or : - la pérennité d'un financement qui reste à chiffrer [...];

- le maintien de l'indépendance intellectuelle des revues; - la répartition transparente des financements:

- la possibilité de supprimer, de faire évoluer ou de créer de nouvelles revues. » (GFII, 2010)248

246 GFII-ADONIS (2009). L’édition scientifique française en sciences humaines et sociales. [ en ligne ], rapport

de synthèse, 2 octobre 2009, [25/09/2012]. Accessible en ligne sur :

http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00440421/fr/

247

Idem.

248 GFII (2010). Synthèse des discussions du groupe de travail sur le libre accès. [en ligne], GFII, Janvier 2010,

129

Les contraintes et les restrictions budgétaires qui accompagnent la crise économique jouent et joueront également un rôle important dans les engagements de l'État. La mise en place d'un financement en amont généralisé nécessite un engagement fort de l'État qui semble difficile dans le contexte économique actuel.

Quant à l'auto-archivage, nous reviendrons sur l'importance des embargos et de leur respect au sein de la deuxième partie de la thèse.