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L’étude des processus de réparation tissulaire constitue, de nos jours, un axe majeur de recherche dans le domaine biomédical. En effet, la capacité d’un tissu à régénérer après une lésion a été progressivement perdue au cours de l’évolution, laissant place au développement d’un tissu fibrotique associé à une perte de fonction, aussi appelé cicatrisation. L’étude de la régénération chez les espèces encore dotées de cette capacité, comme chez l’hydre, le poisson zèbre ou encore la salamandre, a permis de mettre en évidence le rôle substantiel du système immunitaire et de l’innervation. En revanche, la nature du verrou mis en place au cours de l’évolution, empêchant la régénération d’avoir lieu chez le mammifère reste très peu documentée. Des résultats publiés précédemment par mon laboratoire montrent qu’il est possible de déclencher les processus de régénération chez une souris C57BL/6 qui n’en n’est pas capable spontanément, grâce à l’administration d’un antagoniste des récepteurs aux opioïdes, la Naloxone Méthiodide. Les opioïdes exogènes comme la Morphine, en plus des opioïdes sécrétés de façon endogène après une lésion, sont utilisés depuis très longtemps pour prendre en charge la douleur péri-opératoire. Par ailleurs, les opioïdes sont décrits comme étant i) de puissants immunosuppresseurs et ii) capables d’agir sur les fibres sensorielles à l’origine de la perception douloureuse, en inhibant l’activité de ces dernières. Lors de ma thèse nous avons donc proposé que les opioïdes puissent constituer un verrou au processus de régénération chez les mammifères en empêchant la mise en place d’une réponse inflammatoire adéquate et/ou l’activation efficace des fibres sensorielles suite à une lésion. D’une part, nos résultats montrent, i) que la signature cellulaire (neutrophiles, monocytes, macrophages) et moléculaire (cytokines, chémiokines et médiateurs lipidiques) des phases précoces de l’inflammation post-lésionnelle permet de prédire l’issue de la réparation tissulaire (i.e cicatrisation versus régénération), ii) que les neutrophiles sont la source cellulaire d’espèces actives de l’oxygène (EAOs) requises pour permettre la régénération et iii) que les macrophages dérivés de l’hématopoïèse endogène du tissu adipeux sous cutané permettent au tissu de régénérer grâce à leur haut potentiel d’élimination des neutrophiles (aussi appelé efférocytose), contrairement aux macrophages d’origine médullaire qui, eux, favorisent la mise en place d’une cicatrice. D’autre part, nous montrons grâce à l’utilisation i) du test comportemental Von Frey classiquement utilisé dans le domaine de la douleur et ii) d’un outil développé au laboratoire basé sur la mesure de la pupille, que la régénération induite après un traitement à la Naloxone Méthiodide est associée à une perception douloureuse significativement augmentée. La douleur pouvant être un reflet de l’activation des fibres sensorielles, nous avons donc spécifiquement détruit ces dernières. Cette dénervation des fibres sensorielles inhibe la régénération induite après un traitement à la

Naloxone Méthiodide. Enfin, les fibres sensorielles semblent être indispensables en raison de leur sécrétion locale du neuropeptide CGRP, qui contrôlerait i) la mise en place de la réponse inflammatoire requise à la régénération et ii) le remodelage tissulaire en activant la migration des cellules mésenchymateuses vers le site de lésion. L’ensemble de ces résultats nous permet aujourd’hui de proposer comme traitement péri-opératoire/post-lésionnel, la co-administration de Morphine et de CGRP, permettant ainsi à la régénération tissulaire d’avoir lieu tout en gérant la douleur, chez le mammifère adulte.

English version :

Inhibition of regeneration mechanisms and induction of tissue fibrosis are classic outcomes of tissue repair in adult mammals. Because fibrosis leads to loss of tissue function, studying the processes of tissue repair remains a major issue in regenerative medicine. Studying regeneration in species with this ability, such as hydra, planarian, zebrafish or salamander, has highlighted the substantial role of immune system and innervation during regeneration processes. The nature of the locks developed during the evolution that prevent regeneration in mammals remains poorly documented. Previously published results from my laboratory showed that administration of an opioid receptor antagonist, also called Naloxone Methiodide, can induce tissue regeneration in a non-regenerative strain of mice (C57Bl/6). Exogenous opioids such as morphine, in addition to those being endogenously secreted after injury, have been used for decades in the management of perioperative pain. Opioids are also described as i) potent immunosuppressors and ii) able to act on the sensory fibers to silence electrical activity of these fibers. During my thesis, we hypothesized that opioids could be a lock for regeneration processes by preventing an acute and intense inflammatory response and/or the activation of sensory fibers after injury. On one hand, our results demonstrate for the first time in mice, i) that the cellular (neutrophils, monocytes, macrophages) and molecular (cytokines, chemokines and lipid mediators) signature of the early phases of post-lesional inflammation can predict the outcome of tissue repair (i.e scar healing versus regeneration), ii) granulocytes are the cellular source of reactive oxygen species required for regeneration, and iii) that, unlike classical macrophages derived from medullar hematopoiesis which promote scar formation after injury, macrophages derived from endogenous hematopoiesis of subcutaneous adipose tissue allow tissue regeneration thanks to their high neutrophil clearance potential after Naloxone methiodide treatment. On the other hand, by using the behavioral Von Frey test and the measurement of pupil diameter in order to assess pain perception, we also show that the regeneration induced after Naloxone Methiodide treatment is strongly correlated with an increase in pain perception. As pain depend on harmful signals detection by sensory fibers, we specifically destroyed these peripheral neurons. This denervation leads to the inhibition of previously induced tissue regeneration. Moreover, these sensory fibers appear to act through their

peripheral secretion of the CGRP neuropeptide. This molecule could control the establishment of adequate inflammatory response and initiate efficient tissue remodeling by activating mesenchymal cells migration to the injured area. Altogether, our results allow us to propose co-administration of Morphine with CGRP as a perioperative/post-lesional treatment allowing tissue regeneration and pain management.