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La fixation des opioïdes sur leurs récepteurs conduisant à l’inhibition de la voie AMPc/PKA (voie principale), elle modifie par conséquent la régulation (ouverture/fermeture) des canaux calciques et donc l’activité du nocicepteur. À terme, cela engendre une inhibition de l’ouverture de canaux

calciques voltage-dépendants et/ou une augmentation de l’ouverture de canaux potassiques GIRK (G protein-regulated Inward Rectifying K+ channels), conduisant dans les deux cas à l’hyperpolarisation de la cellule284. Pour le nocicepteur, cela se traduit par une diminution voire l’arrêt de la transmission de l’information douloureuse au niveau spinal et une inhibition du relargage de neuropeptides (substance P et/ou CGRP) au niveau des terminaisons neuronales périphériques285 (présenté dans le chapitre 2). Chez le chat par exemple, l’administration intraveineuse de morphine après stimulation des nerfs de la pulpe dentaire (au niveau du SNP), inhibe la libération de substance P par la terminaison nerveuse périphérique des nocicepteurs286. Par ailleurs, il a été proposé que l’inhibition du relargage du CGRP, soit liée à l’inhibition de la voie de la PGE2 (pro-inflammatoire) par la morphine, étant donné que le traitement de ganglions rachidiens dorsaux in vitro avec de la morphine, inhibe à la fois la voie de signalisation du récepteur à la PGE2 et le relargage de CGRP287.

Les cellules immunitaires, et notamment les macrophages288, peuvent elles aussi sécréter de la substance P et du CGRP. En effet, Ma et coll. montrent que le traitement in vitro des macrophages avec du LPS (Lipopolysaccharide), qui les oriente vers un profil pro-inflammatoire, stimule la sécrétion de CGRP288. Il a également été démontré que les cytokines pro-inflammatoires de manière générale (par exemple IL-1b, IL-6) peuvent induire la sécrétion de ces neuropeptides par les macrophages181. Ces derniers portant aussi des récepteurs aux opioïdes, ceux-ci peuvent donc moduler la sécrétion de neuropeptides par les macrophages de la même façon que sur les nocicepteurs.

Ainsi, après une lésion, l’administration d’opioïdes exogènes (morphine) doit modifier la quantité de neuropeptides libérés en périphérie par les nocicepteurs et/ou les cellules immunitaires.

Après cette revue succincte des différents opioïdes, de leurs récepteurs ainsi que de leurs modes d’actions, nous allons nous intéresser à leurs interactions avec le SI dans un contexte inflammatoire post-lésionnel.

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Effets des opioïdes sur la réponse inflammatoire

En 1979, Wybran et coll, font état, pour la première fois, d’un effet immunosuppresseur des opioïdes, en montrant que l’administration de morphine inhibe la formation de « rosettes immunes » (association entre des lymphocytes T humains et des globules rouges de moutons préalablement incubés avec des antigènes), reflétant l’incapacité des lymphocytes à produire des anticorps289,290. Cette inhibition disparait avec l’administration de Naloxone, un inhibiteur pharmacologique des récepteurs aux opioïdes. Depuis cette première étude, la liste des effets immunosuppresseurs des opioïdes s’est allongée, incluant des effets inhibiteurs sur le recrutement des cellules du SI inné, sur la

production d’EAOs, et une stimulation de la polarisation des macrophages vers un profil anti- inflammatoire291,292.

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Effet sur le recrutement de cellules immunitaires

L’une des actions principales des opioïdes sur la réponse inflammatoire consiste en l’inhibition du recrutement des cellules immunitaires au site de lésion. En effet, dans un modèle de lésion dorsale cutanée chez la souris, un traitement prolongé avec de la morphine inhibe le recrutement de neutrophiles et par conséquence entraîne une diminution du nombre de macrophages dérivés des monocytes circulants, au site de lésion 293. Plus précisément, certaines études révèlent que l’utilisation d’agonistes spécifiques des récepteurs aux opioïdes d et/ou µ, portés par les cellules immunitaires entraîne l’inhibition du recrutement des neutrophiles, monocytes et macrophages humains et murins, par une inhibition des voies de signalisation chimiotactique294,295. La morphine entraîne ainsi l’inhibition de l’expression de différents facteurs chémoattractants sécrétés par les cellules immunitaires résidentes aux abords du site de lésion, nécessaires au recrutement des neutrophiles et les monocytes296.

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Effet sur la production d’espèces actives de l’oxygène (EAOs)

Les neutrophiles, qui sont les producteurs majoritaires d’EAOs lors de l’inflammation, expriment les trois sous-types de récepteurs aux opioïdes, µ, d et k, chez l’homme comme chez la souris. Le traitement in vitro de neutrophiles humains avec des fragments d’E.Coli entraîne une forte production d’EAOs qui peut être inhibée par de la Morphine297. Même si les mécanismes moléculaires précis ne sont pas décrits, il est envisageable que la signalisation en aval du récepteur aux opioïdes puisse moduler directement l’adressage de la NOX à la membrane plasmique. En effet, des facteurs moléculaires sont communs aux voies de signalisation des récepteurs aux opioïdes et de la NOX (PKB, Akt/ERK). Nous pouvons donc imaginer que l’inhibition de la voie Akt/ERK induite par la fixation des opioïdes sur leurs récepteurs puisse être à l’origine de l’inhibition de l’adressage des sous unités de la NOX2 séquestrées dans le cytoplasme à l’état inactif (normalement adressées à la membrane notamment par cette voie Akt/ERK). Appliqué à un contexte de régénération, même si cela ne montre pas un effet direct des opioïdes sur les cellules immunitaires, nous avons été les premiers à montrer qu’un agoniste des récepteurs aux opioïdes, le Tramadol, est capable d’inhiber la production d’EAOs post-lésionnelle in vivo tandis que l’administration post-lésionnelle d’un antagoniste des récepteurs aux opioïdes, la Naloxone-Méthiodide, induit une production massive d’EAOs, et ceci chez la souris adulte224.

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Effet sur la phagocytose

Il a été montré, in vitro et in vivo, que les opioïdes (morphine, leu-enképhaline et met-enképhaline) peuvent inhiber l’activité de phagocytose des macrophages et que cet effet est réversé par la naltrexone, un antagoniste non spécifique des récepteurs aux opioïdes298–300. Plus précisément, des expériences réalisées in vitro, révèlent que la fixation de la morphine sur les récepteurs µ et g portés par les macrophages, bloque l’activité du récepteur Fcg qui est directement impliqué dans l’internalisation des pathogènes extracellulaire301. Une autre étude a confirmé l’implication du récepteur µ dans le contrôle des processus de phagocytose, puisque contrairement à des macrophages classiques, des macrophages invalidés pour le récepteur µ sont capables de phagocytose lorsqu’ils sont traités à la morphine in vitro300.