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(A) Photos de la régénération de la phalange terminale du doigt, 4 semaines après amputation chez une

souris préalablement dénervée ou non. Photos de l’os (images du haut) et de l’ongle (images du bas)

(Johnston et coll., 2016). (B) Régénération de l’oreille chez la souris MRL/MpJ, 5 et 50 jours après

amputation, et dénervation préalable ou non (Buckley et coll., 2011).

Non dénervée Dénervée

5 jo ur s po st am pu tat io n 50 jo ur s po st am pu tat io n MRL/MpJ C57Bl/6

Non dénervée Dénervée

B

A

par les cellules épithéliales, et le FGF2, libéré, activerait la différenciation des cellules souches mésenchymateuses en cellules osseuses runx2+155.

Johnston et coll. en 2016, ont mis en lumière un rôle des précurseurs de cellules de Schwann associées aux nerfs dans la régénération de l’extrémité du doigt chez la souris156. Ils démontrent notamment, qu’après amputation, les précurseurs des cellules de Schwann immunopositifs pour Sox2sécrètent du PDGF-AA (Platelet-Derived Growth Factor-AA) et de l’oncostatine M (OSM) qui stimulent la prolifération des cellules souches mésenchymateuses formant le blastème. La dénervation chirurgicale ou l’élimination des précurseurs des cellules de Schwann à l’aide de souris transgéniques conduit au même résultat, à savoir l’absence de sécrétion de PDGF-AA et OSM par ces cellules et l’échec de la régénération de l’extrémité du doigt (Figure 19A). De manière intéressante, les auteurs suggèrent que la régénération ne soit finalement due qu’à la présence de cellules de Schwann autour des nerfs et à leur dédifférenciation.

Rappelons que ces mêmes cellules de Schwann sont à l’origine de la production i) de nAG, facteur indispensable à la régénération chez la salamandre58 et ii) des EAOS indispensables à la régénération de la nageoire caudale du poisson zèbre140. C’est pourquoi l’implication des cellules de Schwann dans un contexte de régénération chez le mammifère mériterait de plus amples investigations.

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La souris MRL

Seules deux études portant sur l’implication de l’innervation dans la régénération de l’oreille ont été menées chez la souris MRL à ce jour. Des travaux de 2012, basés sur des observations macroscopiques, montrent que la dénervation chirurgicale de l’oreille de la souris MRL empêche la formation d’une structure similaire à un blastème et inhibe la régénération89 (Figure 19B). Les auteurs de cette étude suggèrent que la densité neuronale pourrait être un facteur déterminant pour permettre la régénération de l’oreille, la souris C57BL/6 incapable de régénération spontanée présentant significativement moins de nerfs aux abords de la lésion que la souris MRL88. Néanmoins les auteurs de cette étude ne précisent pas les molécules potentiellement impliquées dans ces processus.

C

Le système nerveux contrôle la cicatrisation chez le mammifère adulte

Comme présenté dans le chapitre 1, la cicatrisation se met en place aux dépends de la régénération chez le mammifère adulte après lésion d’un tissu ou d’un organe, ou ablation d’un membre. Cette réparation tissulaire fait l’objet de nombreuses études, et certaines se sont intéressées en particulier à l’impact d’une dénervation sur le « wound healing », c’est-à-dire sur la cicatrisation de la peau. Les tissus cutanés sont richement innervés, d’une part, par des fibres autonomes qui régulent le tonus vasculaire et l’activité des muscles pauciers, des adipocytes et des glandes (cutanées par exemple), et

d’autre part, par des fibres sensorielles (toucher, pression, température, somesthésie), parmi lesquelles des nocicepteurs157,158.

Les premières observations permettant de mettre en lumière le rôle du SN au cours des processus de cicatrisation de la peau, font état d’un défaut de réparation cutanée chez des patients atteints de paraplégie ou quadriplégie après une compression de la moelle épinière159. L’implication potentielle des fibres sensorielles nociceptives a particulièrement attiré l’attention de quelques équipes de recherche. Les premières expériences réalisées par Kjartansson et coll. en 1987 montrent que l’injection locale de CGRP après une lésion de la peau du dos chez le rat, entraîne une accélération significative de la fermeture de la plaie160. Des résultats similaires ont été retrouvés en 1998 par l’équipe de d’Engin et coll. toujours chez le rat161. D’autres études rapportent que suite à une lésion cutanée, les fibres sensorielles activées engendrent la sécrétion de substance P et/ou de CGRP à l’origine d’une importante vasodilatation, qui pourrait prendre part aux processus de réparation post- lésionnel162,163. Allant dans ce sens, les travaux de Carr et coll. montrent que la destruction des nerfs sciatique et saphène (nerf purement sensoriel) induit un retard dans la cicatrisation de la plaie indirectement via une atténuation des processus vasodilatateurs et inflammatoires164. Il faut néanmoins attendre 2002 et les travaux de Peter G Smith et coll. pour apprécier les conséquences d’une destruction spécifique des fibres sensorielles nociceptives sur la réparation tissulaire. Cette dénervation sensorielle est réalisée à l’aide de la capsaïcine, molécule dérivée du piment et qui est un agoniste des canaux cationiques TRPV1présents sur la plupart des nocicepteurs (Figure 11). Utilisée à forte dose, elle entraine la mort des neurones TRPV1+ par excito-toxicité. Les auteurs montrent ainsi que la diminution significative du nombre de fibres CGRP+ entraine un retard de réépithélialisation et donc de la fermeture de la plaie165.

Plus récemment, une autre étude conduite avec un modèle assez similaire attribue le retard de fermeture de la plaie à une moindre sécrétion de substance P. L’administration de ce neuropeptide après dénervation permettant de restaurer une fermeture de la plaie semblable à celle observée chez des animaux non dénervés166,167.

Points à retenir :

Grâce aux nombreuses études chez les espèces non mammaliennes et aux quelques études menées chez les mammifères, nous pouvons retenir les points suivants :

- L’innervation est nécessaire à la régénération ; son absence entraine un retard ou une absence de régénération du tissu/organe/membre ou organisme lésé.

- Plusieurs facteurs moléculaires d’origine nerveuse semblent jouer un rôle fondamental au cours des processus de réparation tissulaire, incluant la cicatrisation et la régénération. Parmi ceux-ci, on note des facteurs de croissances (nAG, PDGF-AA, oncostatine, FGF), des neuropeptides (substance P et CGRP), des gènes homéobox ou encore des molécules de signalisation telles que Wnt et SHh.

- Les approches de dénervation chirurgicale majoritairement utilisées, ne permettent pas, le plus souvent, de distinguer l’implication des fibres nerveuses efférentes de celle des fibres afférentes dans la régénération. Le sous type de fibres impliqué semble dépendre de la nature du tissu lésé et nécessite de plus amples études.

- Les cellules nerveuses dites « de soutien », comme les cellules de Schwann, jouent probablement un rôle important au cours des processus de régénération.

À noter que les mécanismes cellulaires étudiés dans ces études s’intéressent majoritairement à l’impact du SN sur le remodelage cellulaire, c’est-à-dire aux phases tardives de la régénération.