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Opioïdes endogènes et exogènes

Il existe 4 familles d’opioïdes endogènes : les endorphines, les enképhalines, les dynorphines et les nociceptines/orphanines242,257. Dans tous les cas, il s’agit de peptides plus ou moins longs, principalement synthétisés et libérés par des populations neuronales bien identifiées au niveau du SNC257. A côté de cette production neuronale, les cellules immunitaires, notamment dans un contexte inflammatoire, peuvent synthétiser des opioïdes et les libérer dans le milieu extracellulaire258. En effet, lors d’une inflammation, les neutrophiles qui arrivent les premiers sur le site de lésion constituent la première source d’opioïdes endogènes259. Par la suite, les monocytes, les macrophages et les lymphocytes T et B peuvent également sécréter des opioïdes259. Par leur fixation à des récepteurs présents sur les terminaisons périphériques des nocicepteurs, ces opioïdes endogènes exercent un effet analgésique dans un contexte inflammatoire260,259. La déplétion spécifique de la population de granulocytes ou de monocytes/macrophages dans un contexte d’inflammation260,259, entraîne une diminution significative de l’analgésie post-inflammatoire, alors que l’injection locale de ces cellules permet de restaurer l’effet analgésique261. Cette sécrétion d’opioïdes par les cellules immunitaires souligne leur caractère ambivalent car ce sont elles qui produisent les molécules de la soupe inflammatoire « pro-analgésique ».

Les opioïdes endogènes sont tous issus de pro-peptides, clivés par des enzymes spécifiques pour générer les 4 formes actives différentes d’opioïdes endogènes connus. Toutes ces molécules contiennent la séquence pentapeptidique opioïde Tyr-Gly-Gly-Phe-X en position N terminale responsable de leur activité analgésique.

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Les endorphines

Les endorphines sont générées à partir d’un grand précurseur peptidique de 267 acides aminés, la POMC (pro-opiomélanocortine). Le gène codant pour la POMC est exprimé par deux populations neuronales localisées dans le noyau arqué (hypothalamus) et dans le noyau du tractus solitaire (tronc cérébral), ainsi que par les cellules hypophysaires corticotropes et mélanotropes et certaines cellules du SI (parmi lesquelles les neutrophiles, les monocytes et les macrophages)259. La POMC est clivée en plusieurs peptides, dont la b-endorphine (1–31), l’α-endorphine (β-endorphine 1–16), et la γ- endorphine (β-endorphine 1–17). Ces peptides ont des séquences peptidiques très proches et contiennent tous la séquence pentapeptidique opioïde avec un résidu méthionine en position 5. La b-

endorphine est l’endorphine la plus stable et présente le plus fort pouvoir analgésique. Elle se fixe préférentiellement sur les récepteurs µ (aussi appelé MOR pour mu opioid receptor), et dans une moindre mesure aux récepteurs d (aussi appelé DOR pour delta opioid receptor) et κ (aussi appelé KOR pour kappa opioid receptor)262.

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Les enképhalines

Les enképhalines sont issues de la pro-enképhaline synthétisée dans plusieurs régions du SNC (comme l’hypothalamus, l’amygdale et la moelle épinière), mais également au niveau du SNP, (par exemple dans le tractus digestif), ou au niveau du système endocrinien, ou encore des cellules du SI (notamment par les neutrophiles, monocytes et macrophages)263,259. Le clivage de la pro-enképhaline génère différents peptides tous de petite taille (5 à 8 acides aminés) : la Met-enképhaline, la Leu- enképhaline, l’octapeptide et l’heptapeptide. Ces enképhalines exercent leurs effets principalement

via les récepteurs d et µ (avec un peu moins d’affinité) et ont une très faible affinité pour les récepteurs

k263. En plus de leurs effets analgésiques, ces enképhalines présentent de nombreuses autres propriétés. En effet, elles peuvent intervenir au cours des processus d’angiogenèse, de régulation de la pression artérielle, de l’appétit, de l’hypoxie, de l’inflammation ou encore de la réparation tissulaire264,224,265. Notons que la met-enképhaline (contenant 5 acides aminés) peut également jouer le rôle de facteur de croissance : on l’appelle alors OGF (Opioid Growth Factor)266.

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Les dynorphines

Les dynorphines sont issues du clivage de la pro-dynorphine synthétisée quasi-exclusivement dans le cerveau. On distingue la dynorphine-A, la dynorphine-B et l’a-néoendorphine qui diffèrent des endorphines et de la [Met]-enképhaline par un résidu leucine en position 5 de la séquence pentapeptidique opioïde. Les dynorphines se lieront préférentiellement aux récepteurs k267.

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La nociceptine

La nociceptine, aussi appelée orphanine FQ, est dérivée de la pré-pro-nociceptine synthétisée par les neurones du SNC, mais aussi par les cellules du SI (au moins par les neutrophiles)268,269. Ce peptide a été identifié en 1995, comme étant le ligand endogène du dernier récepteur aux opioïdes découvert, le récepteur ORL1 (pour opioid receptor like 1). Ce dernier est présent dans différentes régions du cerveau et de la moelle épinière, ainsi qu’au niveau des cellules musculaires lisses et des cellules immunitaires (parmi lesquels, les neutrophiles, les monocytes et les macrophages)270. La séquence pentapeptidique N-terminale de la nociceptine est la même que celle des autres opioïdes mais contient un résidu thréonine en position 5. Notons que si la nociceptine est très affine pour le récepteur

ORL1271, elle peut aussi se fixer sur les récepteurs µ, d et k avec, néanmoins, une affinité plus faible que les autres opioïdes endogènes.

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Les opioïdes exogènes

L’opioïde exogène le plus connu, la morphine, a été isolé pour la première fois en 1805 par Serturner272. La morphine est un alcaloïde dérivé de l’opium, utilisé depuis des décennies dans le cadre de la prise en charge de douleurs aigües, chroniques et péri-opératoires. L’action de la morphine est complexe ; cette molécule agit à la fois sur les terminaisons nerveuses des nocicepteurs au niveau du SNP ainsi que dans le SNC au niveau de la moelle épinière, du tronc cérébral et du cerveau. Son action principale passe par les récepteurs µ, bien qu’elle soit également capable de se fixer aussi sur les récepteurs d et k. Alors que son administration est quasi systématique pour la prise en charge de la douleur chez l’homme, la morphine présente une liste conséquente d’effets secondaires. En effet, elle peut entrainer des dépressions respiratoires, des troubles digestifs (nausées, constipation), ou encore de l’hypotension273,241. De plus, il est rapporté une forte désensibilisation à cette molécule qui conduit à la diminution de son effet analgésique pour une même dose donnée, et donc à la nécessité d’augmenter les doses administrées274. Au-delà de tous ces effets, l’effet secondaire majeur lié à la prise de morphine, est la dépendance. Celle-ci nécessite la mise en place d’un sevrage bien encadré afin d’éviter l’apparition de troubles physiques et psychiques associés à l’arrêt de l’administration de morphine. Enfin, la morphine peut agir sur les cellules immunitaires dotées de récepteurs aux opioïdes (c’est-à-dire quasiment toutes les cellules immunitaires) et avoir un effet immunosuppresseur275.

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Récepteurs aux opioïdes et signalisation intracellulaire

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Historique et présentation des récepteurs aux opioïdes

Alors que la présence de récepteurs aux opioïdes a été suspectée dès les années 1950, seules des expériences de liaison de ligands radioactifs sur des homogénats de cerveaux de rongeurs réalisées par Snyder et coll en 1973 ont véritablement démontré leur existence276. Les récepteurs aux opioïdes appartiennent tous à la super famille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires, aussi appelés récepteurs couplés à une protéine G (RCPG). Il en existe 4 isoformes codées par des gènes localisés sur des chromosomes différents : le récepteur µ codé par le gène Oprm1, le récepteur d codé par le gène

Oprd1, le récepteur κ codé par le gène Oprk1 et le récepteur ORL1 codé par le gène Oprl1. Ces

récepteurs restent très conservés au cours de l’évolution277. La similarité structurale entre les récepteurs µ, d et k est significativement plus importante chez les invertébrés que chez les vertébrés, suggérant que ces récepteurs sont devenus plus sélectifs d’un ligand donné au cours de l’évolution.