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CHAPITRE V LE RÉSEAU D’ACTEURS EN AGROÉCOLOGIE AU SÉNÉGAL

5.1 Résumé

Une panoplie d’acteurs proposent diverses stratégies pour faire face aux enjeux socioenvironementaux de l’agriculture sénégalaise. À cet égard, l’agroécologie est devenue un incontournable pour l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture durable au Sénégal et son déploiement est le résultat du travail d’un vaste réseau d’organisations. Afin de mieux comprendre les dynamiques de ce réseau, cet article propose une analyse afin de dégager la structure des collaborations et des échanges en son sein en examinant les relations établies par les 72 organisations engagées dans l’agroécologie au Sénégal. Ces relations ont été repérées dans la documentation disponible en ligne, soit 807 documents. Ces documents nous ont permis de distinguer deux réseaux : celui entre les 72 organisations et un autre entre ces organisations et 755 partenaires. Les relations analysées dans ces deux réseaux ont été classées selon un cadre analytique des enjeux sociopolitiques de l’agroécologie. Les principaux constats indiquent que l’agroécologie sénégalaise est fort dépendante des acteurs étrangers, notamment des organisations françaises qui sont le type d’acteur plus actif dans les deux réseaux. La faible participation de l’État dans le financement public contribue à ce statut des organisations françaises qu’elles possèdent dans ce domaine depuis la colonisation.

Mots-clés : analyse de réseau, agroécologie, Sénégal, agriculture durable, organisations étrangères.

5.2 Introduction

L’agroécologie fait désormais partie du débat mondial au sujet de l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture durable en tant qu’un ensemble de connaissances scientifiques, techniques et politiques (Loconto et Fouilleux, 2019b), et une panoplie d’organisations locales et étrangères œuvrent dans le domaine au Sénégal. Nous nous intéressons dans cet article au réseau d’organisations engagées dans l’agroécologie au Sénégal. Bien que les études sur le potentiel des pratiques agroécologiques pour affronter les défis sénégalais commencent à apparaitre (Boillat et Bottazzi, 2020; Chappell, M Jahi et al., 2018; De Bon et al., 2019; Debray et al., 2019), rien dans la documentation scientifique ne nous informe sur la structure et le comportement du réseau des organisations responsables de la mise en place de l’agroécologie au Sénégal.

Identifié ailleurs (Chapitre IV), ce réseau est composé de 72 organisations (acteurs), dont la moitié sont des organisations locales (organisations paysannes, organisations locales et régionales et institutions publiques nationales) et l’autre moitié des organisations étrangères (ONG internationales, organisations intergouvernementales et organisations françaises). Nous visons à répondre aux questions suivantes : Comment ce réseau est-il structuré ? Quels sont ses principaux acteurs ? Comment les relations sont-elles réparties entre les types d’organisations ? Les acteurs du réseau collaborent- ils entre eux ou plutôt avec des organisations partenaires extérieures ? Dans quels

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domaines se manifestent ces relations ? Y a-t-il des organisations spécialisées dans certains domaines et, le cas échéant, en quoi cela influence-t-il le fonctionnement du réseau ? Ces questions guideront notre analyse.

5.3 Matériel et méthodes

Les acteurs œuvrant en agroécologie au Sénégal ont été repérées sur internet en consultant tous les liens des dix premières pages premières pages rapportées par le moteur de recherche avec les descripteurs « agroécologie » et « Sénégal ». Cela nous a fourni une liste de 72 acteurs. Nous avons ensuite utilisé les descripteurs « nom de l’organisation » et « agroécologie » dans le moteur de recherche Google et navigué jusqu’à la dixième page afin de repérer les documents qui nous permettaient de caractériser les relations de ces organisations. Cette procédure nous a fourni un grand nombre de documents incluant des sites web, des pages de réseaux sociaux, des dépliants, des rapports annuels et d’autres documents disponibles en ligne. Ce corpus est composé de 807 documents sauvegardés hors ligne. Nous avons opté pour l’utilisation d’un logiciel d’aide à l’analyse de données qualitatives qui nous permettait de faire une analyse manuelle (Roy et Garon, 2013) de ces documents et retenu NVivo pour ce faire (Bazeley et Jackson, 2013; Bringer et al., 2004; Welsh, 2002; Woods et al., 2016). Nous avons codé l’information dans les documents de façon à indiquer avec qui les organisations avaient des relations et dans quel domaine elles se manifestaient22.

Les relations établies par ce groupe d’organisations dans la poursuite de leurs activités en agroécologie seront l’objet de notre analyse. Elles ont été regroupées en deux

réseaux, d’une part les relations entre les 72 acteurs et d’autre part, les relations de ces acteurs avec 755 organisations partenaires, c’est-à-dire des organisations avec lesquelles le groupe de 72 organisations a établi des relations pour la réalisation de ses activités en agroécologie. Les relations ont été codées selon le type d’activité réalisée dans le cadre de la relation. Cette codification a été faite à la lumière d’un cadre analytique des enjeux sociopolitiques de l’agroécologie (Chapitre III). Ce cadre nous a permis d’associer le thème de l’activité concernée à l’une des sept catégories analytiques (tableau 5.1). Ces catégories se divisent en différentes dimensions qui permettent de préciser les activités. En outre, nous avons classifié les relations non définies par les organisations, par exemple lorsque qu’un acteur affichait une liste de partenaires sans mentionner le type de partenariat, ces relations ont été codées comme indéfinies. Nous avons aussi codé les relations de membrariat existantes entre les acteurs.

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Tableau 5.1 Domaines des relations des acteurs Cadre analytique

Catégories Dimensions

Souveraineté alimentaire

Échelle locale de production, distribution, commerce et consommation

Participation dans l'élaboration des politiques Pouvoir sur les ressources productives (la terre, l‘eau et les semences)

Rôle de la paysannerie

Souveraineté technologique

Réseaux d'échanges de connaissances et technologies

Innovation technologique Diffusion des technologies Souveraineté financière Ressources financières

Renforcement des capacités commerciales

Souveraineté démocratique

Gouvernance démocratique

Éducation relative à l'environnement Plaidoirie

Équité et autonomisation

des femmes Leadeurship Construction

sociohistorique Contribution dans la fondation

Par la suite, nous avons exporté ces données vers le logiciel d’analyse des réseaux sociaux UCInet (Borgatti et al., 2012) et doté chaque organisation d’un code d’identification afin d’anonymiser les données. Les relations indéfinies et de membrariat ont été écartées dans l’analyse du réseau entre les acteurs en raison de leur faible valeur explicative, mais maintenues pour le réseau des acteurs avec les partenaires étant donné qu’elles constituent 25 % des relations. Seuls les types d’organisations et les codes d’identification ont ainsi été inclus dans les visualisations. Nous avons appliqué des mesures classiques d’analyse de réseaux (centralité de degré, intermédiarité, mesure E-I) afin de mieux comprendre les impacts potentiels de la

structure des relations de ces organisations (Mongeau, Saint-Charles : 2014). Pour plus de clarté, nous présentons ces mesures au fil des résultats.