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CHAPITRE V LE RÉSEAU D’ACTEURS EN AGROÉCOLOGIE AU SÉNÉGAL

5.4 Résultats

5.4.2 Réseau des 72 acteurs et des organisations partenaires

Outre les relations entre eux, nous avons pu identifier 755 partenaires avec lesquels les 72 acteurs en agroécologie ont établi des relations en agroécologie. Ces partenaires sont des organisations de tout type, de bailleurs de fonds à ministères gouvernementaux en passant par des organisations de soutien à l’agroécologie œuvrant ailleurs qu’au Sénégal. Les relations établies entre les 72 organisations et leurs partenaires constituent notre deuxième réseau. Comme pour le réseau intra-acteurs, nous avons classé ces relations selon les catégories du cadre analytique présenté plus haut (Chapitre III) dans lesquels elles se manifestaient.

5.4.2.1 Densité

Pour le deuxième réseau étudié, les 72 acteurs du réseau agroécologique présentent un total de 1049 relations avec des organisations partenaires selon les quinze dimensions définies (Tableau 5.1). La densité de ce réseau est faible (2 %). En effet, bien que l’ensemble des différents types d’acteurs aient des relations avec des partenaires, on note que quatre organisations n’ont aucune relation au sein de ce réseau. De plus, il semble que les acteurs soient majoritairement chacun en relation avec un nombre restreint de différents partenaires, et que ces liens soient spécialisés selon le don ou la collaboration (figure 5.2).

Figure 5.2 Total des relations des acteurs du réseau agroécologique avec les partenaires

Légende de la figure 5.2 Type d’acteurs

• Cercle jaune – ONG internationales

• Carré violet – Organisations intergouvernementales • Triangle orange – Organisations françaises

• Boîte verte – Organisations paysannes

• Triangle inversé bleu - Organisations publiques nationales • Cercle encadré rose – Organisations locales et régionales • Losange rouge - parenaires

Type de relations

• Don - ligne bleue

• Collaboration – ligne noire.

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5.4.2.2 Centralisation et centralité

Ce deuxième réseau est faiblement centralisé, soit 5 % pour le total de liens, 6 % pour les relations de don et 4 % pour les relations de collaboration. Notre intention avec ce deuxième réseau est surtout de voir dans quelle catégorie les acteurs de notre population établissent des relations avec d’autres organisations n’œuvrant pas en agroécologie au Sénégal. Premier constat : on observe une forte spécialisation des types de relations (tableau 5.2). Une grande partie des relations de ce deuxième réseau (43 %, n = 456) concerne des activités liées à la dimension des ressources financières (4.1) qui, sans surprise, sont majoritairement (42 %) des relations de don des partenaires vers les acteurs du corpus de données. Les relations de collaboration se rencontrent majoritairement (12 %) dans la catégorie de la souveraineté technologique (n = 124), qui, rappelons-le, comprend trois dimensions : réseaux d’échanges de connaissances et technologies, innovation technologique et diffusion de technologies. Finalement, une part des relations (16 %, n = 167) n’ont pu être définies avec les informations dont nous disposions. Les organisations françaises continuent d’être les plus actives au sein de ce réseau, notamment les organisations C0234, C0268, C0664, C0207, C1037, C0208, C0209. Nous avons aussi repéré des organisations locales et régionales (F0306, F0330, F0323, F0341), deux organisations paysannes (D1362, D0115), deux ONG internationales (A0931, A0448) et une organisation intergouvernementale (B1443) ayant une forte activité dans ce deuxième réseau.

Tableau 5.2 Nombre de relations par types de lien Dimensions Collab or ation Don ce p tion T otal

1.1 Échelle locale de production, distribution,

commerce et consommation 0 3 2 5

1.2 Participation dans l'élaboration des politiques 39 0 0 39 1.3 Pouvoir sur les ressources productives (la

terre, l‘eau et les semences) 0 3 8 11

1.6 Rôle de la paysannerie 0 0 4 4

2.1 Réseaux d'échanges de connaissances et

technologies 70 34 18 122

2.2 Innovation technologique 35 0 1 36

2.3 Diffusion des technologies 24 7 26 57

4.1 Ressources financières 10 5 441 456

4.3 Renforcement des capacités commerciales 1 2 14 17

5.2 Gouvernance démocratique 0 3 6 9

5.3 Plaidoirie 5 0 2 7

6.2 Leadeurship 0 2 5 7

7.3 Contribution dans la fondation 0 7 8 15

Indéfinie 0 0 0 167

Membrariat 0 83 14 97

Total général 184 149 549 1049

Les organisations françaises entretiennent 45 % (n = 81) du total des relations de collaboration (n = 184). Nous avons vu que le plus grand nombre des relations de collaboration sont liées à la catégorie de la souveraineté technologique et la moitié de ces relations impliquent les organisations françaises, deux (C0234, C1037) se démarquant dans l’ensemble, notamment C1037 responsable de 83 % de toutes les relations de collaboration dans la dimension de l’innovation technologique. Par

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ailleurs, une organisation paysanne (D0115) et une organisation locale et régionale (F0330) sont responsables de 95 % de toutes les relations de collaboration dans la dimension de la participation à l’élaboration des politiques.

Même si la plupart des relations de dons concernent le membrariat, notamment à travers trois acteurs (deux organisations françaises (C0664, C0268) et une ONG internationale (A0644)), nous retrouvons un grand nombre de relations de dons dans la dimension des réseaux de connaissances et technologies avec une organisation française (C0208) et une organisation locale et régionale (F0306).

Pour les relations de don reçu, comme nous l’avons vu, ces relations sont en grande majorité dans la dimension de ressources financières, nos acteurs semblant se concentrer sur l’établissement de relations afin de soutenir financièrement leurs activités. Pour chaque type d’organisation, certaines organisations ressortent comme plus centrales. Des 85 relations établies par les ONG internationales, 61 ne concernent que deux organisations (A0931, A0448) et des 175 relations établies par les 21 organisations françaises, 112 concernent les quatre mêmes organisations (C0234, C0207, C0208, C0268). Des 78 relations maintenues par les organisations locales et régionales, trois organisations (F0323, F0306, F0341) sont responsables de 63 %. Finalement, bien que la distribution soit plus égale pour les organisations paysannes, deux organisations (D1333, D0111) ont 36 % des relations de ce type.

La souveraineté technologique fortement déployée dans les relations de collaboration des organisations françaises, commence à apporter ses fruits au Sénégal (DuguéKettela, et al., 2017). De même, les acteurs locaux concentrent leurs efforts pour collaborer avec d’autres acteurs afin de faire avancer les politiques publiques qui

contribuent au développement de l’agroécologie, comme l’illustre la publication du document de l’alliance connu sous le nom de « Dynamique pour une Transition AgroEcologique au Sénégal » (DyTAES) (DyTAES, 2020).

5.4.2.3 Intermédiarité

Deux acteurs locaux, une organisation paysanne (D1362) et une organisation locale et régionale (F0330), apparaissent comme les intermédiaires les plus importants dans ce réseau. Ceci confirme l’importance de ces deux acteurs sur le terrain, étant également des collaborateurs et des intermédiaires importants au sein du réseau des acteurs. Par ailleurs, un ensemble d’acteurs joue aussi un rôle d’intermédiaire dans ce réseau, notamment trois organisations françaises (C0268, C0664, C1037), deux organisations paysannes (D0115, D0111), deux organisations locales et régionales (F0322, F0306), une ONG internationale (A0931) et une organisation intergouvernementale (B1236). Ces acteurs ont un pouvoir sur le réseau dans la mesure où ils peuvent faciliter ou limiter l’accès à autres acteurs (Higgins et Ribeiro, 2018).

5.5 Conclusion

Dans ces pages, nous avons analysé la structure du réseau d’organisations engagé dans le déploiement de l’agroécologie au Sénégal. Ce travail nous donne un aperçu de ce réseau et permet de mieux comprendre ses caractéristiques à travers les mesures classiques d’analyse de réseaux. C’est ainsi que nous avons pu diagnostiquer un réseau qui semble être dépendant de certains acteurs, notamment les organisations françaises. Celles-ci sont le type d’acteurs le plus actif dans les deux réseaux et, au-delà de leur fort rôle de bailleurs de fonds, jouent un rôle de relais par leur position d’intermédiaires

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et leurs collaborations actives dans la dimension de réseau d’échanges et de connaissances. Nous avons pu aussi vérifier que le financement de l’agroécologie sénégalaise est fortement dépendant des acteurs étrangers (organisations intergouvernementales, organisations françaises et ONG internationales), ce qui révèle la faible participation de l’État dans le financement de l’agroécologie. En outre, la plupart des organisations ont tendance à établir des relations avec des acteurs d’autres types, sauf les organisations paysannes et les organisations françaises qui montrent un comportement plutôt corporatif. Cela amène certaines organisations de ces groupes à avoir un rôle d’intermédiaire, ce qui peut nuire à l’autonomie du réseau qui devient alors dépendant de ces organisations. À noter aussi l’attention que les organisations paysannes portent à la collaboration afin d’accroitre la participation dans l’élaboration des politiques. L’existence de politiques dans le domaine, à l’exemple de l’Amérique latine (Giraldo, Omar Felipe et McCune, 2019), amoindrirait l’importance de l’aide internationale dans le développement de l’agroécologie au Sénégal.

En outre, nous avons pu noter des différences dans le comportement des deux réseaux. Ce ne sont pas toutes les organisations centrales dans le réseau des 72 acteurs qui le sont dans le réseau formé par les 827 acteurs. Soulignons particulièrement deux cas : une organisation locale et régionale (F0341) et une organisation paysanne (D0115). Ayant une importante centralité dans le premier réseau, ces organisations n’établissent pas autant de relations à l’extérieur de ce réseau, ce qui pourrait signifier qu’une grande partie des ressources nécessaires est disponibilisée par le propre réseau. À l’inverse, des organisations centrales dans le réseau externe ne le sont pas dans le réseau interne. Prenons les cas de deux organisations : une ONG internationale (A0931) et une organisation locale et régionale (F0306). Ces deux organisations sont fortement en relation avec des organisations à l’extérieur du réseau sénégalais d’agroécologie. Même si ces organisations ne sont pas centrales dans le premier réseau, leur centralité

dans le deuxième réseau montre leur capacité d’être en relation avec plusieurs acteurs externes pouvant ainsi revitaliser ce réseau par les ressources acquises ailleurs. En ce qui concerne les domaines qui ont mené les acteurs à se mettre en relation, nous notons qu’ils ont majoritairement été dans les mêmes domaines dans les deux réseaux, sauf la gouvernance démocratique qui est apparue seulement dans le réseau entre les acteurs.

Quoique cette étude ait analysé un grand volume de documents, les données utilisées étaient celles qui étaient disponibles sous le web et cela représente une limitation. Cet article a néanmoins mis en exergue avec qui les organisations engagées en agroécologie au Sénégal entretiennent des relations. Nos résultats ouvrent la voie pour les analyses de réseaux dans le domaine de l’agroécologie. Comprendre dans quels domaines les organisations établissent des relations pourra, dans l’avenir, aider à décortiquer les flux d’informations et de ressources qui circulent dans ce type de réseau, ainsi que les acteurs concernés.