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CHAPITRE IV LES ENJEUX SOCIOPOLITIQUES DE L’AGROÉCOLOGIE AU

4.3 Matériel et méthodes

Afin de repérer les acteurs de l’agroécologie au Sénégal et leurs activités, nous avons eu recours au web comme terrain de collecte de données (Coutant et Domenget, 2014; Ertzscheid et al., 2016; Monnoyer-Smith, 2016). Un processus de sauvegarde de chaque site web visité nous a permis de maintenir le contenu disponible tout au long du processus d’analyse. La collecte de données a été réalisée du 29 février 2018 au 20 aout 2019. Pour identifier les acteurs, nous avons d’abord utilisé les mots-clés en français « agroécologie » et « Sénégal » sur le moteur de recherche Google. Nous avons ainsi pris connaissance des sites web des organisations engagées dans l’agroécologie au Sénégal. Ces sites web sont alors devenus une partie de notre corpus (Ertzscheid et al., 2016). Ils ont aussi été la porte d’entrée pour trouver d’autres acteurs et d’autres sources d’information (rapports, dépliants, etc.) faisant référence aux activités reliées à l’agroécologie réalisées par les acteurs identifiés. Les acteurs identifiés et leurs activités ont ainsi été caractérisés à travers la consultation de 807 documents (Annexe E). Le choix méthodologique d’utiliser des documents rendus public par les organisations nous permettait d’identifier ce que chaque organisation voulait mettre en valeur. Les limites de ce choix sont présentées dans la conclusion. L’ensemble de documents consultés a été organisé à l’aide du logiciel NVivo. L’utilisation d’Excel a également facilité le processus d’analyse. Pour faire partie de notre population, les acteurs retenus devaient mobiliser le concept d’agroécologie et mettre en œuvre des activités y étant reliées au Sénégal. Dans l’ensemble des acteurs identifiés, 72 répondaient à ces critères et 52 ont été écartés, car, bien qu’ayant des pratiques proches de l’agroécologie, ils ne mobilisaient pas ce concept14. Lorsqu’il s’agissait des

14 Afin de garantir la confidentialité des données et l’anonymat des organisations, nous ne

organisations qui œuvrent dans plusieurs pays, nous avons considéré uniquement les activités déployées au Sénégal. En outre, nous avons remarqué qu’une même activité s’affichait évidemment sur les documents de toutes les organisations impliquées, c’est pourquoi nous avons repéré seulement l’existence d’un type d’activité et non le nombre de fois que cette activité a été réalisée.

4.4 Cadre analytique

L’analyse de nos résultats s’est appuyée sur le cadre analytique des enjeux sociopolitiques de l’agroécologie. Ce cadre a été développé à partir d’une revue systématique de la littérature et bonifié par le travail décrit dans le présent article. L’élaboration de ce cadre est alors résultat de boucles de rétroaction entre l’analyse systématique de la littérature, présenté au Chapitre III, et l’objectivation des données trouvés sur les 807 documents analysés. Il est organisé autour de sept catégories d’analyse qui se divisent en 25 dimensions et 75 indicateurs15 (Chapitre III). Ces indicateurs, pour chacune des dimensions, permettent de dresser un tableau de l’agroécologie au Sénégal et de ses enjeux sociopolitiques. Les sept catégories incluent cinq types de souverainetés (alimentaire, technologique, énergétique, financière et démocratique), la question du genre et la construction sociohistorique. Nous présentons brièvement ces catégories dans ce qui suit. L’ensemble des dimensions et des indicateurs est présenté dans le tableau 6.12 (Annexe F).

Le concept de souveraineté alimentaire a évolué au fil des années et s’est lié au concept de droits à l’alimentation fondé sur des valeurs collectives pour principalement mettre

15 Pour une définition de la différence entre ces trois concepts (catégories, dimension et indicateurs),

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en valeur la paysannerie dans la satisfaction des besoins alimentaires des populations (Leventon et Laudan, 2017). Les six dimensions et les dix-sept indicateurs de cette catégorie s’appuient notamment sur les travaux de Binimelis et al. (2014); García- Sempere et al. (2019); Ortega-Cerdà et Rivera-Ferre (2010); Waldmueller et Avalos (2015).

Le terme souveraineté technologique provient du domaine du cyberespace (Fang, 2018) et apparait dans la littérature agroécologique à travers les travaux de Altieri (2009a, 2009b, 2012); Altieri et Funes-Monzote (2012); Altieri et al. (2012); Altieri et Nicholls (2008); Altieri et Toledo (2011); Koohafkan et al. (2012). Cette catégorie s’adresse au développement des techniques de gestion des agroécosystèmes qui augmentent l’autonomie personnelle et communautaire. Elle comporte trois dimensions : l’innovation, l’échange et la diffusion des technologies de gestion des agroécosystèmes (Chapitre III). Ces trois dimensions sont composées par treize indicateurs.

La catégorie souveraineté énergétique découle du débat sur la transition énergétique (Avila-Calero, 2017; Broto et al., 2018; Howe, 2015) et, dans notre cadre analytique, elle n’a qu’une seule dimension – stratégies d’approvisionnement. Cette catégorie documente les sources énergétiques disponibles, les connaissances acquises pour exploiter ces sources et les infrastructures collectives ou publiques d’exploitation énergétique (Broto, 2017; Broto et al., 2018). Puisque les systèmes agroécologiques sont conçus de sorte à avoir des sources énergétiques internes, cette catégorie met en évidence les atouts énergétiques des systèmes agroécologiques (Altieri, 2005; Bellon Maurel et Huyghe, 2017; Biel, 2014).

Étant donné que les stratégies et mécanismes de financement sont clés dans le déploiement de l’agroécologie (Nicholls et Altieri, 2018; Wezel, A et al., 2018), notre cadre analytique intègre le concept de souveraineté financière dans le domaine de l’agroécologie. Les trois dimensions de cette catégorie, constituées par douze indicateurs, permettent de décortiquer les différentes sources de financement qui rendent viables économiquement les initiatives agroécologiques. L’accès et l’utilisation des différentes sources de financement dévoilent aussi les stratégies et les mécanismes sociaux mis en œuvre par les organisations.

Notre cadre analytique introduit également un nouveau type de souveraineté pour le domaine agroécologique, il s’agit de la souveraineté démocratique. Celle-ci met en exergue les mécanismes de gouvernance des organisations impliquées dans l’agroécologie (Starr et al., 2011). Les six indicateurs issus de trois dimensions nous permettent d’analyser les mécanismes de gestion, d’éducation et de plaidoirie utilisés par les organisations impliquées dans l’agroécologie (Pimbert, 2018b).

La prise en considération de l’équité et de l’autonomisation des femmes dans l’agriculture permet de dévoiler les continuités et ruptures des inégalités dans les relations hommes - femmes dans le secteur (Guétat-Bernard, 2015). L’importance de ce thème dans notre cadre analytique ressort de récentes évidences sur les inégalités de genre dans le système agroalimentaire (Bezner Kerr, Rachel et al., 2019; Patel, 2012; Razavi, 2009) et de la nécessité d’une telle analyse dans le domaine agroécologique (Larrauri et al., 2016). Le cadre analytique priorise dix indicateurs issus de trois dimensions afin d’évaluer l’attention portée par les organisations aux questions comme l’accès et le contrôle des ressources par les femmes, le leadeurship féminin et le rayonnement des femmes.

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En dernier lieu, le cadre analytique propose l’utilisation d’une catégorie qui permet d’ancrer les acteurs dans le temps et l’espace (Soulet, 2009). La construction sociohistorique devient ainsi une catégorie clé pour analyser les origines et l’évolution des activités en agroécologie (Sevilla Guzmán, E., 2015). Cette catégorie comprend six dimensions appuyées par quatorze indicateurs permettant de caractériser les organisations (voir tableau 6.12, Annexe F pour plus de détails).