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6. ANALYSE CRITIQUE DE LA REVUE DE LITTÉRATURE

6.2. Analyse critique des articles

6.2.6. Résumé de l’article 6

Salomonsson, B., Wijma, K. & Alehagen, S., (2010). Swedish midwives' perceptions of fear of childbirth. Midwifery, 26(3), 327-337

6.2.6.1. Description de l’article

Il s’agit d’une étude qualitative, utilisant l’approche phénoménologique, dont l’objectif est de décrire l'expérience des sages-femmes et leur perception des femmes qui présentent une peur de l'accouchement. Les données ont été recueillies au moyen d'entrevues en groupes de discussion. Le recrutement des sages-femmes s’est fait à travers quatre types d'hôpitaux différents du sud de la Suède. Au total, 21 sages-femmes expérimentées ont été inclues dans l’étude et réparties dans quatre groupes de discussion. L’étude s’est étalée sur une période de 18 mois allant de 2004 à 2006. Quatre thèmes principaux ont émergés des entretiens, à savoir les représentations de la peur de l'accouchement, les origines de la peur de l'accouchement, les conséquences de la peur de l'accouchement et la peur de l'accouchement en regard de l’accompagnement des sages-femmes et des soins obstétricaux.

6.2.6.2. Présentation des résultats

Les auteurs mettent en évidence quatre thématiques principales ressortant des entretiens en groupes de discussion.

a. Les représentations de la peur de l’accouchement

Pour les sages-femmes, la peur est perçue comme « un continuum », de la peur normale, à la peur irrationnelle qui devient le centre des préoccupations de la femme pendant la grossesse. Il existe cependant une peur normale liée à la peur de l’inconnu. Les manifestations des peurs de l’accouchement sont diverses et variées. Le déni de la grossesse, les nombreux symptômes de la grossesse, la peur de la douleur, la phobie des injections ou la phobie des hôpitaux peuvent parfois masquer une peur réelle de l’accouchement. Certaines sages-femmes soutiennent la présence d’une augmentation du nombre de femmes qui présentent des peurs de l’accouchement. Ce phénomène correspondrait à la génération actuelle. D’autres sages-femmes pensent au contraire que la

prévalence est constante. L’augmentation serait en lien avec le fait que les jeunes femmes ont peut-être davantage le courage d'exprimer leurs craintes ; les sages-femmes ont une attitude plus ouverte ; la quantité accrue d'informations disponibles sur Internet entraînerait une surcharge de connaissances imposant des exigences irréalistes.

b. Les origines de la peur de l’accouchement

Dans certains cas, il est parfois impossible d'identifier clairement l’origine des peurs. Les sages-femmes mettent en lien certains phénomènes comme pouvant être à l’origine de la peur : Les histoires « horribles » racontées par les autres femmes, la notion de perte de contrôle, la douleur ainsi que les déchirures de la filière génitale.

c. Les conséquences des peurs de l’accouchement

Les sages-femmes soutiennent qu’elles ont une influence négative sur la grossesse (déni de la grossesse, difficulté à vivre de manière sereine le moment présent de la grossesse), sur le déroulement du travail ainsi que sur l’accouchement. Le travail et l’accouchement des femmes qui présentent une peur de l’accouchement entraîneraient plus de complications (césariennes, ventouses, plus de péridurales). Les coûts de la santé seraient aussi augmentés car les issues de l’accouchement nécessiteraient davantage d’interventions (césariennes, péridurales, augmentation du temps et de la fréquence des consultations, recours à un médecin spécialiste). La peur de l’accouchement et par la suite, l’accouchement compliqué aurait aussi des répercussions négatives sur le processus d’attachement mère/bébé ainsi que sur l’allaitement. Le risque de développer une dépression serait également plus important.

La prise en charge de ces femmes est un challenge émotionnellement difficile pour les sages-femmes. Elles racontent que certaines femmes canalisent énormément leur peur et qu’elles présentent alors un comportement compensatoire excessif et incompréhensible pour les sages-femmes (provocation, agressivité). Le plan de naissance souvent très détaillé peut engendrer un certain stress chez la sage-femme car il peut sembler irréalisable. Il est également difficile de s’occuper d’autres femmes en même temps tant la prise en charge est exigeante.

d. La peur d’accoucher et les soins mis en place par les sages-femmes

Le dépistage se fait en général pendant la grossesse. Cependant, étant donné la complexité du phénomène, la peur se découvre parfois pendant le travail, l’accouchement, ou durant la période du post-partum. Les pleurs, la panique et la nécessité d’une présence constante

auprès de la femme peuvent être des signes révélateurs. Les femmes qui présentent des peurs de l’accouchement devraient bénéficier de plus de consultations. De plus, une sage-femme devrait être joignable par téléphone à tout moment. Un suivi continu par les mêmes sages-femmes serait à favoriser pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum.

Les cours de préparation à la naissance et à la parentalité sont importants ; penser au bébé est décrit comme une des stratégies proposées par les sages-femmes. La présence du conjoint peut avoir un impact positif sur les peurs mais peut aussi être un obstacle si celui-ci présente (lui même) des peurs. Un débriefing dans le post-partum est essentiel.

6.2.6.3. Critique générale de l’article

L’importance du sujet de cette étude est bien démontrée et l’approche qualitative choisie est tout à fait pertinente en regard du phénomène des peurs de l’accouchement. Les objectifs et l’originalité de l’article sont bien définis. Le contexte de l’étude et l’échantillon sont clairement et suffisamment décrits, les participants ayant été soumis à des critères d’inclusion. Les perspectives des chercheurs sont également bien décrites ainsi que la méthode de recueil de données qui est minutieusement explicitée. Les principes éthiques ont été pris en compte et respectés. L’analyse des résultats est également scrupuleusement étayée et l’on comprend bien le déroulement de la démarche qui est suffisamment poussée.

Les résultats sont tout à fait pertinents et paraissent fiables. Ils sont importants pour la pratique car le phénomène des peurs de l’accouchement semble avoir des répercussions à plusieurs niveaux (le vécu de la grossesse, le travail et l’accouchement, l’allaitement, la santé mentale des femmes, la prise en charge plus difficile, l’augmentation des interventions, les coûts de la santé, etc.). Les résultats mis en lien avec d’autres études sont intéressants et appuient encore davantage l’importance de la problématique. Les conclusions sont pertinentes et reprennent bien les différentes variables identifiées à travers l’étude. Les peurs de l’accouchement sont définies comme un continuum, allant de la peur légitime à la peur irrationnelle, et pouvant aller jusqu’à une peur sévère. Les origines de ces peurs sont multiples et sont plus moins difficiles à identifier. Elles ont des conséquences sur le vécu de la grossesse, le travail et la parentalité. Les sages-femmes relèvent la difficulté émotionnelle d’accompagner les femmes qui souffrent de la peur d’accoucher, ainsi que l’importance de prendre le temps. Un dépistage précoce, des soins individualisés, une préparation à la naissance et à la parentalité, la présence du conjoint pendant le travail, et le suivi post-partum, sont autant de facteurs favorisants une bonne prise en charge. L’intérêt porté aux perceptions et à l’expérience des sages-femmes permet

d’avoir une vision plus précise de la prise en charge actuelle et des changements qu’il faudrait apporter afin d’être au plus proche des besoins des femmes.