• Aucun résultat trouvé

6. ANALYSE CRITIQUE DE LA REVUE DE LITTÉRATURE

6.2. Analyse critique des articles

6.2.4. Résumé de l’article 4

Fisher, C. Hauck, Y. & Fenwick, J. (2006). How social context impacts on women's fears of childbirth: a Western Australian example. Social science & Medicine, 63(1), 64-75

6.2.4.1. Description de l’article

Le but de cette étude est d’explorer en détail l’expérience de la naissance chez des femmes présentant des peurs de l’accouchement et d’étudier l’impact du contexte social, en particulier celui de la médicalisation, sur ces peurs. Cette étude qualitative utilise un modèle exploratoire descriptif. 22 femmes identifiées comme ayant des peurs de l’accouchement ont participé a un entretien téléphonique. L’étude porte sur des femmes multipares et nullipares.

6.2.4.2. Présentation des résultats et discussion 1 :

Les résultats sont dégagés en regard du postulat suivant : L’accouchement prend place dans une contexte socioculturel et sociopolitique donné qui influence inévitablement la façon dont les femmes perçoivent l’accouchement, qu’elles soient primipares ou

1Cette étude présente les résultats et la discussion simultanément. Pour une meilleure compréhension, une synthèse de l’interprétation des résultats est présentée ici, en italique. Pour plus de détails, se référer aux annexes.

multipares. Ce contexte agit également sur les motifs des peurs de l’accouchement et sur leurs manifestations.

Ils sont classés en deux catégories principales : les peurs prospectives et les peurs rétrospectives, elles-mêmes déclinées en deux dimensions (dimension sociale et personnelle)

a. Les peurs prospectives Dimension sociale

- La peur de l’inconnu : thème récurrent dans les données. Les femmes ne possèdent pas le bagage culturel de savoirs médicaux les autorisant à poser des questions, ce qui renforce leur sentiment d’impuissance. Elles ressentent aussi une forme de pression sociale selon laquelle elles sont « faites pour accoucher ».

- Les « histoires horribles » : courantes, surtout chez les primipares. La privation des droits des femmes pendant leur accouchement permet aux histoires horribles de prendre de l’importance. Les femmes reçoivent trop d’informations sur l’accouchement et ce, de manière passive. Le contexte de médicalisation ne les pousse pas à chercher des alternatives ; cela peut affecter leur capacité à faire des choix.

- La peur globale pour la santé du bébé : la naissance, comme de plus en plus de domaines de la vie, devient médicalisée. Cependant, les efforts que font les femmes pendant la grossesse (régimes…) pour garantir une bonne santé au bébé affaiblissent les femmes et créent des peurs pour l’enfant à naître.

Dimension personnelle

- La peur de la douleur : elle est quasi universelle. Deux types de peurs sont décrits : peur de la douleur des contractions et peur de la douleur à l’expulsion. La douleur étant perçue comme un symptôme de maladie, la douleur de l’accouchement est souvent considérée comme un mal nécessitant de la technologie et des traitements. Deux concepts sont mis en opposition : Le paradigme du « soulagement de la douleur » et celui de « travailler avec la douleur ».

- La peur de perdre le contrôle et d’être impuissante : cette peur est récurrente chez les femmes dans cette étude. Les femmes ont peur de perdre le contrôle sur leur corps, de leurs émotions, et également, d’être impuissantes face aux interventions médicales et que leurs désirs ne soient pas respectés.

- Le caractère unique de chaque naissance : bien que certaines femmes aient vécu des expériences positives pour leur premier accouchement, elles ont toujours peur pour le suivant.

b. Les peurs rétrospectives (qui sont exclusivement personnelles) - Première naissance « horrible » : induit une peur pour l’accouchement suivant

- Vitesse de l’accouchement : les femmes, lorsqu’elles ont eu un premier accouchement trop long, ont peur que cela se reproduise et idem lorsqu’il fut rapide (peur d’accoucher dans un lieu inapproprié). Les auteurs notent que ce qui est défini comme un endroit sur et approprié pour accoucher est l’hôpital. Il n’est donc pas surprenant que les femmes aient peur d’accoucher en dehors.

c. Ressources

Deux facteurs centraux sont définis : les sages-femmes et l’entourage.

- Les sages-femmes : leur capacité a donner confiance et à respecter les femmes est un soutien important. La continuité des soins par les sages-femmes permet d’instaurer une relation de confiance et de créer un endroit sûr pour parler de la naissance. En échangeant autour des savoirs concernant la naissance, les femmes peuvent regagner une partie du « bagage culturel du savoir » qu’elles ont perdu. Cela les aide à relativiser leurs peurs.

- L’entourage : c’est un paramètre important pour gérer les peurs de l’accouchement.

L’importance de la présence du conjoint est relevée ; elle permettrait de partager le processus de la naissance et de créer une complicité lors de ce changement de statut de

« couple » à « famille » et contribuerait à améliorer l’expérience de l’accouchement.

6.2.4.3. Critique générale de l’article

Cet article traite d’un problème important - les peurs de l’accouchement - et cherche à comprendre quel impact a le contexte social sur ces peurs. La question n’est pas clairement formulée ; elle est présentée de façons différentes dans l’abstract et dans le paragraphe destiné aux buts de l’étude. Une approche qualitative paraît cependant justifiée pour étudier ce phénomène.

Les sujets ont été choisis à la suite d’une première étude mais l’échantillon semble varié et représentatif de l’échantillon de départ. La perspective du chercheur n’est pas décrite avec précision.

Les méthodes utilisées pour le recueil des données sont peu détaillées et cela manque pour se projeter dans le type d’échanges qu’ont constitué ces entretiens téléphoniques.

Les principes éthiques semblent avoir été respectés.

Une stratégie méthodique a été élaborée pour l’analyse des résultats. Il n’est cependant pas précisé si les résultats ont été analysés indépendamment par un autre chercheur.

Les résultats sont crédibles, mais ne sont pas détaillés et sont présentés simultanément avec la discussion, ce qui ne laisse que peu de place pour entrevoir réellement quelles étaient les données initiales. Certains résultats sont utilisables pour la pratique, comme l’importance des histoires « horribles », la peur pour la santé du bébé, la peur de la douleur ou bien la peur de perdre le contrôle…Ils sont présentés de manière claire, et regroupés dans un tableau.

Les citations qui y sont associées ne favorisent pas toujours la compréhension des résultats, elles ne justifient pas l’interprétation qui en est faite.

Ces interprétations sont souvent vraisemblables mais semblent parfois motivées par des convictions personnelles que ne justifient pas forcément les résultats présentés. Ces interprétations, malgré leur manque de nuance et qui sont visiblement très en défaveur de la médicalisation de la naissance, peuvent toutefois apporter des éléments de réponse intéressants sur l’influence du contexte actuel de médicalisation sur les peurs, notamment au travers des références à d’autre études antérieures. Les limites de l’étude ne sont pas présentées.

Les auteurs concluent que le phénomène de peur de l’accouchement est à la fois social et personnel, prospectif et rétrospectif. Ils soulignent l’importance de la qualité de la relation entre les sages-femmes et les femmes, puis entre les femmes et leur entourage. Ils suggèrent que la médicalisation de la naissance joue un rôle dans la création et le renforcement des peurs. Ces conclusions sont généralisables à d’autres contextes cliniques de pays développés occidentaux.

Cette étude semble comporter quelques lacunes, tant au niveau méthodologique qu’au niveau interprétatif. Elle est toutefois intéressante pour notre sujet car elle soulève la question (peu abordée par ailleurs) de l’impact du contexte social et en particulier de la médicalisation sur le phénomène des peurs de l’accouchement.