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Durant cette période, qui va de l’appel à projets PC (octobre 2004) à la labellisation du pôle (juillet 2005) puis à la première année d’existence du pôle microtechniques (juin 2006), les énergies vont être absorbées successivement par : la réponse à l’appel à projets (novembre 2004-février 2005) ; l’examen interne, pour validation et financement, des projets définis dans le cadre du pôle, d’abord lors de la réponse à l’appel à projets PC puis lors d’un second appel à projets R&D, interne au pôle (novembre 2005-avril 2006) ; la définition des statuts, de la gouvernance et de l’organisation opérationnelle du pôle, ainsi que le recrutement du nouveau Président du pôle et de son premier Directeur (septembre 2005-juin 2006).

Les résultats immédiats de cette période sont donc extrêmement riches et on pourrait dire que, au terme d’une histoire engagée dès la fin des années 80 (cf. parties I et II), les microtechniques, en tant qu’objet de développement économique territorial, se sont enfin dotées d’un cadre d’action collective, qui permet de donner place aux principaux acteurs concernés par ce développement.

Un second type de résultats directs réside aussi, bien sûr, dans les avancées effectuées au sein de chacun des projets validés par le pôle. Ces résultats sont toutefois moins tangibles pour l’instant, pour des raisons bien compréhensibles : outre que la vitesse de progression de ces projets apparaît d’ores et déjà extrêmement variable, ces projets n’ont pu démarrer qu’au cours des derniers mois, ce qui est bien compréhensible, vu la multitude des tâches, évoquées ci-dessus, engagées suite à la labellisation PC ; pour ces raisons et pour des questions de confidentialité parfois, nos investigations ne nous ont pas permis, jusqu’à présent, d’entrer dans le détail de ces projets.

Le troisième ensemble de résultats, après la constitution d’un cadre formel d’action collective (le PC) et l’avancement de certains projets dans ce cadre, porte sur les progrès effectués dans les conditions d’échange entre acteurs. Ces conditions de la coopération sont informelles mais décisives. De ce point de vue, trois progrès sensibles ont été effectués, même si chacun d’entre eux reste assez fragile :

1) Le premier progrès a consisté à faire dialoguer, dans le cadre des commissions montées pour répondre à l’appel à projets PC, des acteurs aux intérêts divergents et aux logiques jusque là éloignées et, pour cela, à mobiliser des PME traditionnelles, à les engager dans une dynamique de réflexion stratégique collective, en évitant notamment de leur présenter le pôle comme nécessairement réduit à la seule logique R&D.

2) A l’occasion de la réponse à l’appel à projets PC, des représentations partagées du tissu industriel microtechnique en Franche-Comté, de sa constitution historique et de ses enjeux actuels ont commencé à émerger.

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3) Le troisième progrès a consisté à proposer, à l’occasion de l’examen par le pôle de projets

pour validation, des critères à réunir pour obtenir la labellisation par le pôle. L’enjeu est de taille : définir ces critères est une manière de dire ce qu’est ou ce que n’est pas le Pôle. Deux débats sont alors apparus, non tranchés à ce jour, relatifs au périmètre du pôle : le premier oppose d’un côté les tenants d’une vision du pôle comme centré sur les microtechniques en propre, de l’autre les tenants d’une vision extensive, pour qui le pôle est certes au service des microtechniques mais, plus largement, au service du développement économique régional ; le second porte sur le fait de savoir si le pôle doit devenir L’Instance première d’examen et de sélection de tous les projets de recherche issus de la région, l’Etat semblant, pour certains, se décharger sur le Pôle de ses attributions en la matière.

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1. Octobre 2004 : L’appel à projets Pôle de Compétitivité et le problème de

la fédération des intérêts et des acteurs

Selon les acteurs concernés, l’appel à projets Pôles de compétitivité est interprété différemment. Pour la minorité des entreprises régionales hi-tech des microtechniques, l’idée de Pôle de Compétitivité s’inscrit en continuité directe avec leur logique de développement et vient la soutenir. Pour les laboratoires de recherche et aux centres de transfert, les financements à la recherche apportés par les projets de R&D des pôles d’une part, l’ambition de rapprochement recherche-innovation technologique-entreprises d’autre part, font que la question ne se pose pas : il faut y aller ! Quant au tissu des entreprises plus traditionnelles, le Pôle est vu comme une éventuelle opportunité pour elles sans qu’il leur soit facile de s’intégrer à cette forme d’action collective, a priori fortement tournée vers la R&D.

1.1. Le Pôle de Compétitivité, une opportunité évidente pour les PME hi-tech, un

impératif pour la recherche

Pour les PME « hi-tech », issues du monde universitaire ou réalisant des prestations d’études et conception, le lien au monde de la recherche et du transfert est quasi-quotidien. Avec son insistance sur la R&D, l’idée de pôles de compétitivité, ne bouleverse donc pas l’existant, elle se présente bien au contraire comme un soutien aux entreprises, un apport de ressources supplémentaires pour ouvrir l’espace des possibles, pour saisir d’autres opportunités encore que celles déjà saisies.

Il en va de même, dans une certaine mesure, pour les laboratoires de recherche régionaux, pour qui le Pôle de compétitivité se présente comme une aubaine possible en termes de nouveaux financements. Toutefois, au regard des principaux partenaires contractuels actuels de ces laboratoires, la question de se pose de savoir si on pourra labelliser « Pôle de Compétitivité Microtechniques » des recherches faites avec des moyens universitaires locaux mais intéressant des organismes nationaux (CEA, …) ou des grandes entreprises externes à la région (SNECMA, Thalès, etc.) ? Et sinon, et si le label pôle est de plus en plus requis pour obtenir un financement public, qu’elle qu’en soit la source, dans quelle mesure et à quel rythme l’intensification des liens contractuels avec les entreprises régionalement implantées permettra-t-elle de compenser les manques à gagner ? Quelles que soient les réponses à ces questions, l’impératif est clair : foncer ! – en s’engageant résolument dans la logique du Pôle.

Le second pilier des pôles de compétitivité, l’idée de favoriser les coopérations inter- entreprises, ne pose, bien au contraire, aucun problème aux entreprises hi-tech. Ces entreprises en petit nombre sont souvent au premier rang mondial dans leur niche, voire seules dans cette niche. Selon Gérard Fleury, PDG de l’une de ces PME hi-tech, ces entreprises, évoluant dans une logique de compétition par excellence et spécialisation hyper pointue, se centrent délibérément sur leurs seules activités distinctives, là où elles excellent ou veulent exceller, et font naturellement appel à d’autres sur des aspects moins stratégiques pour elles. Du fait de cette hyperspécialisation, les risques de compétition avec d’autres entreprises sont réduits et facilement identifiables, de sorte qu’elles s’engagent déjà très volontiers dans de multiples coopérations avec d’autres (tant pour la conception d’éléments complémentaires à leur cœur de métier que pour la fabrication de leurs pièces), à la différence des PME plus traditionnelles.

Cela dit, ces entreprises hi-tech, dirigées souvent par des hommes très attachés au territoire franc-comtois et à son avenir, savent aussi qu’un Pôle de compétitivité ne se montera pas pour elles seules, encore trop peu nombreuses et pesant trop peu en termes d’emplois. Il est donc impératif pour

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elles d’entraîner les entreprises plus traditionnelles dans la dynamique suscitée par l’appel à projets pôle de compétitivité.

1.2. Le Pôle de Compétitivité, une opportunité moins évidente pour les PME

traditionnelles

Pour le tissu des entreprises plus traditionnelles, le Pôle constitue certes une éventuelle opportunité mais il s’agit d’un instrument qui parie sur des fonctionnements d’entreprise en réalité éloignés des leurs et n’est donc pas fait, a priori, pour elles. Ces entreprises comtoises excellent en effet dans la fabrication de qualité, fondée sur des savoir-faire rares et peu transmissibles, et non dans des activités d’innovation liées à la recherche scientifique.

Dans le double contexte menaçant d’évolution de la concurrence d’une part, d’inflexion de la demande des grands donneurs d’ordre d’autre part, ces PME peuvent toutefois se laisser tenter par l’idée de Pôle, sous réserve de pouvoir apporter des aménagements à une logique qui serait trop exclusivement orientée R&D.

La concurrence des pays à bas coûts et les menaces de désindustrialisation régionale, premier vecteur de mobilisation, malgré tout, de certaines PME traditionnelles dans la réponse à l’appel à projets PC, s’étaient manifestées de diverses façons au cours des années précédentes : concurrence de l’Asie et de la Chine notamment non seulement sur l’horlogerie mais sur la plupart des voies de diversification suivies en Franche-Comté à partir de la crise horlogère87 ; ouverture aux PECO en 2003 ; sentiment d’abandon de la part de l’Etat suite à la politique suivie de 1998 à 2003, plus tournée vers les services que vers l’industrie ; enfin, mise en concurrence explicite avec les pays à bas coûts par les grands donneurs d’ordre, qui exigeaient pour certains qu’une partie significative de la production de leurs sous-traitants franc-comtois soit, quoiqu’il advienne, délocalisée dans les 5 ans.

L’évolution de la demande des grands donneurs d’ordre était une seconde source de motivations pour se tourner vers le Pôle de compétitivité. A dire vrai, deux motivations différentes coexistaient. La première se rattachait à l’idée, largement diffusée, d’une désindustrialisation en marche : face à ce mouvement de fond, quel éclairage les réflexions liées Pôle apporteraient-elles, quels aides et soutiens le Pôle pourrait-il apporter ?

Le deuxième type de motivation s’ancrait dans une analyse presque opposée, alors portée par une petite minorité d’acteurs et notamment par Sylvain Compagnon. Si les donneurs d’ordre avaient effectivement surtout joué de l’argument coûts jusqu’ici, un renversement de tendance se préparait : la comparaison permise par quelques années de recours à des sous-traitants délocalisés serait largement favorable aux entreprises locales. En leur faveur : la qualité de fabrication et la réactivité (de plus en plus importante avec les courtes séries et le renouvellement rapide des produits). Mais aussi, toujours en leur faveur et de façon tout à fait décisive, la tendance croissante des donneurs d’ordre à l’achat de « fonctions » et non plus de simples pièces, ce qui suppose deux choses de la part des sous-traitants : coopération des fabricants des diverses pièces intervenant dans la réalisation de la fonction ; intégration de capacités d’études (conception) pour passer d’une logique de réalisation de pièces sur la base d’un cahier des charges technique précis, à une logique de conception de sous-ensemble sur la base d’un simple cahier des charges fonctionnel.

Dans le cadre de ce raisonnement, soulignant l’importance des regroupements d’entreprise et celle de la montée des capacités de conception (études), le Pôle de compétitivité, d’abord perçu comme éloigné des PME traditionnelles, se teintait soudain d’un intérêt potentiel beaucoup plus grand.

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L’étude de la CCI du Doubs sur les délocalisations, à la tonalité rassurante, n’avait guère atténué, semble-t-il, les inquiétudes des PME.

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Restait à savoir si, dans la réponse à l’appel à projets PC (appel tourné avant tout vers la R&D, et plus vers R que D d’ailleurs…) et sachant que cette réponse s’était vu immédiatement confiée par le SGAR (Préfecture) à un petit groupes d’entreprises hi-tech issues du monde de la recherche scientifique, les sources d’intérêt des PME traditionnelles pour le Pôle auraient ou non droit de cité.

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2. Octobre 2004-Février 2005 : Les effets significatifs produits par

l’organisation de réponse à l’appel à projets Pôles de Compétitivité

2.1. Les acteurs porteurs de la réponse à l’appel à projets

Quand tombe l’appel à projets Pôle de Compétitivité, en octobre 2004, le SGAR (Préfecture) mandate immédiatement le Comité des microtechniques, groupe de 8 entreprises se réunissant régulièrement pour réfléchir ensemble à l’avenir des microtechniques en Franche-Comté, et particulièrement aux axes de recherche et de transfert à promouvoir, pour conduire la réponse à l’appel à projets.

Cette nomination n’a rien d’étonnant : ces entreprises réfléchissent depuis des mois à ces questions ; leurs représentants, très actifs, sont bien connus des acteurs du développement économique territorial ; leurs travaux ont fait l’objet, peu avant l’appel à projets, de présentations aux acteurs du transfert et de la recherche et établissaient des axes étayés précis de travail pour la recherche et le transfert. Ces entreprises étaient par ailleurs déjà liées aux questions de développement économique par le passé : deux d’entre elles avaient figuré parmi les très rares entreprises à soutenir le SPL et ces 8 entreprises étaient les seules qui, après quelques mois, avaient continué à se réunir, à l’invitation du CESR, pour réfléchir à l’avenir des microtechniques en Franche-Comté.

Quelques jours plus tard, le 18 octobre, le Comité des Microtechniques en concertation avec le président de l’UIMM, Etienne Boyer, nomme Sylvain Compagnon comme chef de projet de cette réponse à appel à projets. Sylvain Compagnon, de l’ADED, présentait un profil tout à fait intéressant. Il était connaisseur tant des microtechniques (par goût et par sa formation d’ingénieur ENSMM), que de l’industrie (où il avait travaillé 15 ans), du monde de la recherche (par ses parents) et des problématiques, dispositifs et acteurs locaux du développement économique territorial. Il avait déjà été actif par le passé dans le cadre du SPL. Enfin, il n’est pas exclu que son orientation en faveur du « développement économique régional » sous toutes ses formes (et non par la seule R&D) et sa connaissance des préoccupations des PME dites traditionnelles de la région, aient été l’un des facteurs de sa nomination. C’était là, en effet, le moyen de marquer la volonté que le Pôle des microtechniques - quoique marqué « R&D », tant par la politique générale des pôles de compétitivité en France que par la composition du Comité des microtechniques – soit un instrument de développement de la compétitivité de toutes les entreprises des microtechniques de la région, qu’elles soient petites ou grandes et orientées R&D ou non.

Dès novembre 2004, moins d’un mois après l’appel à projets Pôles de Compétivité, une organisation de réponse à appel à projets fut mise en place avec l’aide d’un consultant, Jean Michel, et qui s’appuyait d’une part sur l’expérience du petit groupe d’entreprises réunies dans le premier Comité des microtechniques (issu du rapport CESR sur l’avenir des microtechniques en FC) en matière de réflexion collective, d’autre part sur le travail de fédération des intérêts qui vient d’être décrit.

Cette organisation était portée par le nouveau Comité des microtechniques, accueilli au sein de l’UIMM, rassemblant certes les entreprises mobilisées dans le cadre du premier Comité mais se voulant aussi, désormais, représentatif de l’ensemble des entreprises du secteur des microtechniques. Ce Comité était présidé par Gérard Fleury, président du premier Comité, PDG d’Imasonic, entreprise hi-tech des microtechniques issue de la recherche88 et fondée dès 1989, et futur Président du Pôle (juillet 2005-juin 2006).

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Avant de co-créer cette entreprise, Gérard Fleury avait d’abord fait de la recherche médicale en contexte spatial sur les sondes échographiques , ce qui avait débouché sur la création d’une première entreprise.

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Nous décrirons brièvement ici cette organisation en soulignant ses aspects originaux, avant de présenter d’une part les projets qui en sont issus, de R&D mais également d’autre nature, d’autre part les résultats moins directs mais importants, en terme de dynamique collective, issus de cette phase de réponse à l’appel à projets PC.

2.2. Une organisation intéressante : « commissions », « groupes ressources » et « groupes

projets »

Pour formuler d’abord les idées de projets concrets qui viendraient donner corps au projet de Pôle de Compétitivité, le futur Pôle se dota d’un ensemble de « commissions » de réflexion. A l’image des microtechniques, rassemblant nous l’avons vu des technologies profondément différentes les unes des autres et destinées à des secteurs d’application eux-mêmes hétérogènes, ces commissions furent organisées par types de technologies et par types de marchés utilisateurs des composants microtechniques. Cette organisation apparaît dans le schéma page suivante89.

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