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Le CTMN : pourquoi la logique de « push technologique » prévaut sur la logique de « pull marché »

Constituer ces professionnels du réseau local en un réseau national (puis supra-national) de professionnels : telle peut être une tâche à la portée d’un “réseau des réseaux” tels que le

1.2.2. Le CTMN : pourquoi la logique de « push technologique » prévaut sur la logique de « pull marché »

a) La valorisation des transferts innovants plus que des transferts de diffusion

Quoique la palette de ses activités soit assez variée, depuis le lancement de projets innovants à la limite de la recherche jusqu’à la prestation de service ou le rôle d’atelier-pilote pour des entreprises (voir plus haut, page 17, la liste de ces activités), le CTMN valorise particulièrement ses activités de transfert amont. Il se distingue en tout cas de la plupart des centres de transfert (CTI, CRT et autres) par l’importance relative de cette activité amont.

Comme le dit son directeur, Michel Froelicher, « on ne fait pas du vrai transfert tous les jours : en 15 ans, j’ai 3 ou 4 exemples de vrai transfert réussis ». L’un des cas de réussite est celui du transfert de technologies de gravure sur silicium pour RADIALL. Dans ce cas, les deux composantes du vrai transfert, selon Michel Froelicher, se trouvèrent réunies : l’introduction d’une vraie rupture technologique ; la formation des hommes de l’entreprise à cette nouvelle technologie. Il n’est pas courant, bien sûr, que les problèmes posés dans le cadre d’activités de transfert conduisent à de véritables ruptures technologiques : le souvent, l’activité inventive du transfert (ne) se traduit (que) par l’amélioration de technologies existantes. On voit toutefois que cette vision du transfert est très exigeante et on comprend mieux que l’essentiel des contrats de « vrai » transfert du CTMN soient passés avec des industriels externes à la région.

Cette orientation « amont » n’est pas sans rapport, par ailleurs, avec des préoccupations d’équilibre financier. Le rayonnement national ou international permet en effet d’attirer des demandes à la fois intéressantes et souvent plus facilement monnayables, semble-t-il, que les demandes régionales. Ces contrats avec des entreprises privées externes à la région seraient, aujourd’hui, un élément déterminant du maintien de l’équilibre financier du CTMN.

b) Pourquoi la programmation d’axes de transfert à partir de la demande régionale est difficile

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Des contacts avec d’autres centres de transfert, et notamment l’ITSFC, l’IP et l’antenne locale du CETIM, auraient été souhaitables dans l’idéal ; ils n’étaient pas compatibles avec le temps limité assigné à cette investigation.

104 Qu’il soit clair que le CTMN est loin d’être le seul organisme de transfert de la région à être assez sévèrement

critiqué. Soulignons par ailleurs que, s’il est reproché au CTMN d’avoir un impact régional insuffisant, il semble qu’il ait toujours répondu à toute demande issue de la région lui ayant été adressée.

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Il résulte de ce positionnement, faisant du transfert un acteur créateur d’innovations et non pas simplement diffuseur d’innovations existantes, que la programmation des axes de travail ne peut guère procéder d’une approche collective, ni résulter de la synthèse de demandes industrielles diverses. Une programmation du transfert tirée par le marché serait impossible. « On ne peut pas faire de l’innovation pour plein d’entreprises », explique Michel Froelicher. « Les CTI, par leur mode de fonctionnement, ne sont pas innovants. Ils ont un inhibiteur : la démarche collective. Les industriels qui nous demandent des réalisations innovantes, même lorsque leur contribution financière est réduite à quelques milliers d’euros, nous demandent l’exclusivité des résultats. Pareillement, les industriels qui participent aux instances de pilotage du CTMN ne dévoilent pas leurs intentions ou interrogations autour de la table : personne ne se dévoile », de sorte qu’une programmation fondée sur un travail de réflexion collective serait quasi-impossible. Les entreprises se refuseraient à dévoiler les problématiques larges sur lesquelles elles travaillent. Pour ces raisons, d’ordre stratégique, et pour des raisons budgétaires, elles ne dévoilent leurs projets qu’au coup par coup. Quand elles se dévoilent, les projets sont souvent assez avancés dans leur esprit et elles veulent que les choses aillent vite : elles réalisent des tests marketing en même temps qu’elles lancent des tests technologiques avec le CTMN et souhaitent que ces derniers soient réalisés dans les mêmes délais, voire demandent que le CTMN embauche pour respecter ces délais. Le CTMN est donc soumis, du même coup, à des à-coups de la demande, des mouvements de stop & go.

Une voie alternative serait de travailler à partir de la demande non plus directement d’entreprises, mais de syndicats professionnels. A cet égard, hormis le cas du syndicat des composants horlogers, qui a invité le CTMN à discuter ensemble des orientations de travail de ce dernier, aucun syndicat professionnel ne s’est posé comme interlocuteur sur ce plan, malgré les appels en ce sens, semble-t-il, de Michel Froelicher.

Tout cela contribue à expliquer que la programmation des projets innovants de transfert ne relève pas d’un processus rationnel maîtrisé, partant de demandes exprimées et résultant d’un débat ouvert. A cela s’ajoute que les moyens du CTMN pour l’exploration ou la prospection de la demande industrielle et de ses potentialités (ce qui serait un moyen de dépasser les limites du comité de programmation où se retrouvent toujours les même industriels, en petit nombre) sont extrêmement réduits : il n’existe pas de chargé d’affaires ou de commerciaux, pas plus que de publicité.105

c) Comment susciter la demande à partir d’une logique de « push technologique »

Si la logique de « pull marché » est impossible, il faut alors une logique d’offre ou de « push technologique ». « Si l’on veut susciter de la demande, il faut d’abord montrer ce qu’on sait faire par des cartes de visite 3D, des réalisations visibles. Je l’ai vécu au CETEHOR, si on ne prend pas l’initiative, il ne se passe rien », avance M.Froelicher. L’importance de ces cartes de visite 3D peut être illustrée a contrario, par la négative. Ainsi, le CETEHOR avait publié dès 1989 un article sur les procédés de moulage par injection de poudres métalliques (MIM), sans susciter aucun écho en retour, pas même une simple demande d’information de la part d’un industriel. Près d’une dizaine d’années plus tard, un industriel en voyage d’affaires au Japon voit ce procédé, s’y intéresse, et, rentré en France, dit au directeur du CETEHOR : « vous ne faites pas votre travail, regardez ce que j’ai trouvé au Japon ». L’histoire, cocasse et suivie d’un dénouement heureux (le procédé MIM soulevait des

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Le CTMN a été recréé à 4 personnes en 2004, après liquidation pour problèmes financiers ; aujourd’hui, il compte 8 permanents et 8 stagiaires de longue durée (des ingénieurs en stage de 5/6 mois). Les industriels qui frappent à la porte du CTMN, souvent extérieurs à la région, viennent par le jeu d’effets de bord : qu’ils cherchent à réaliser des développements techniques qui les font penser, d’une certaine manière, aux techniques de l’horlogerie ; qu’ils viennent via le réseau de relations tissées par M.Froelicher avec des entreprises, notamment à l’occasion du salon Micronora ; ou qu’ils viennent par la renommée du CTMN, liée à telle ou telle réalisation. Par exemple, la réalisation de capsules intestinales a été pensée comme une « carte de visite 3D », qui attire des personnes intéressées non pas pour ces capsules mais pour le type de technologie et de savoir-faire qu’elles supposent de savoir mettre en œuvre.

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problèmes lors de sa mise en œuvre et leur analyse et résolution par le centre de transfert permit de dégager plusieurs applications intéressantes et de créer, sur cette base, une nouvelle entreprise, toujours vivante aujourd’hui), illustre l’importance des démonstrateurs, dans la capacité d’un centre de transfert à visibiliser ses compétences.

De cela, il résulte qu’il faut lancer et réaliser des projets innovants, même en l’absence de demande industrielle immédiate : ce serait le seul moyen de susciter cette demande de transfert amont. Par exemple, au départ, la microfabrication de pièces en polymères (et non en métal) a été lancée à l’initiative seule du CTMN, dans le cadre d’un projet ANVAR. C’est seulement dans un deuxième temps que le CTMN a obtenu des contrats industriels dans ce domaine. Cela conduit aujourd’hui le CTMN à lancer de plus en plus de sa propre initiative des projets via l’ANR, projets qui visent à croiser de façon originale des technologies déjà existantes sur le marché et pour lesquels le CTMN va simplement chercher l’aval de PME régionales, en rédigeant alors pour elles les termes du contrat et ne leur demandant que de faibles financements. C’est ce qu’il faut pour amorcer la pompe d’éventuelles demandes. Le CETIM se serait pareillement doté récemment d’une ligne budgétaire « programme libre », pour jouer un rôle en matière de transfert amont.

d) Rationaliser la programmation des axes de travail dans un contexte de push technologique : l’expertise et le réseau

Dans ces conditions, la programmation des projets innovants du CTMN relève pour l’essentiel, en dehors des rares demandes explicites formulées par des entreprises, d’un savoir-faire d’expert (le directeur du CTMN), d’anticipations sur ce qui pourrait potentiellement intéresser les entreprises, établies à partir de la connaissance de l’état de l’art et des liens noués d’un côté avec l’UFC, très proche duj CTMN, de l’autre avec les entreprises, approchées notamment à travers Micronora.

Le profil de l’actuel directeur est intéressant à cet égard : ayant un passé de recherche au CNRS, il est très proche de l’UFC. Côté entreprises, il entretient de nombreux liens scientifiques et techniques via Micronora notamment, dont il est vice-président et dont il organise notamment les « zooms » - autrement dit les thèmes bi-annuels à l’affiche de Micronora, sur lesquels le salon propose des approfondissements scientifico-techniques à travers conférences et ateliers (en 2002, le biomédical ; en 2004, microélectronique et micromécanique ; en 2006, les applications industrielles des nanotechnologies).

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