• Aucun résultat trouvé

3. Le tracés mélodiques

7.1 Résultats

Pour pouvoir répondre à la première question, l'étude analyse le corpus slovène et le compare avec les constatations de M&DB sur la structuration du français oral spontané à travers l'hypothèse suivante :

H1) En français et en slovène, les indices prosodiques délimitent le même type d'unité de base de l'oral, le paragraphe oral. La structure de cette unité de l'oral en français est différente de celle en slovène à cause de la diversité des deux systèmes linguistiques. R1) L'analyse du corpus a permis de constater que dans les deux langues observées, l'unité de base de structuration de l'oral peut être délimitée par des indices prosodiques, notamment par une chute conjointe de l'intensité et de F0. Pourtant, à cause des différences entre les deux systèmes accentuels, cette chute prosodique est observée à la fin d'un syntagme en français et sur la dernière syllabe accentuée d'une unité syntaxiquement et sémantiquement achevée en slovène. A causes des ressemblances mentionnées avec cette unité en français, la dénomination de cette unité est restée la même qu'en français : le paragraphe oral.

Une fois l'unité de base délimitée, nous avons procédé à l'analyse des constituants du paragraphe oral qui sont observables et interprétables selon les critères morphosyntaxiques et discursifs. L'analyse a démontré le poids extrêmement important du premier constituant du paragraphe oral, préambule, parce qu'il comporte le plus de caractéristiques qui différencient

38 La présente conclusion connaît la structure suivante : d’abord, on présente les trois questions principales auxquelles l’étude veut répondre (Q1, Q2 et Q3). Ces questions repésentent les bases pour les trois hypothèses (H1, H2 et H3) qui sont suivies, chacune à son tour, par les résultats de l’étude (R1, R2 et R3).

l'oral spontané de la langue écrite. Il reflète en effet tous les problèmes d'un locuteur lors de la formulation d'un énoncé, sa confiance en lui-même ainsi que son rapport envers l'interlocuteur et le sujet du discours.

L'observation la plus évidente est que dans toutes les productions du corpus, les cinq types d'éléments du préambule sont observables : le ligateur, le cadre, le point de vue, le modus et le support lexical disjoint. Même s'il arrive rarement que tous les éléments soient présents dans le cadre d'un seul préambule, l'analyse a montré que ils sont produits dans un ordre très fixe. Pourtant, cet ordre est parfois difficilement observable en slovène parce que les constituants du préambule sont syntaxiquement plus liés qu'en français. La conséquence de ces deux tendances est la plus perceptible dans la difficulté de déterminer certains constituants, notamment le support lexical disjoint. Ceci nous mène à la conclusion qu'à des moments donnés, l'identification de certains constituants discursifs du préambule est plus adéquate en français qu'en slovène.

Ensuite, l'analyse porte sur la structuration du rhème en slovène par rapport à sa structuration en français. Ce constituant du paragraphe oral est en quelque sorte privilégié parce qu'il n'est formulé qu'après que le locuteur surmonte toutes les difficultés de la formulation lors du préambule : c'est pourquoi il s'agit d'un constituant qui, par sa structure, semble être le plus proche des textes écrits.

L'analyse des rhèmes du corpus révèle aussi des différences par rapport à la structuration du rhème en français : en français, le rhème est un constituant plutôt court. De l'autre côté, le corpus a montré qu'en slovène, le rhème comporte souvent des éléments qu'on peut trouver aussi dans le préambule, le plus souvent le ligateur pa (par contre) avec la fonction de placer le rhème et la position du locuteur en contraste avec un contexte non explicite et le ligateur pač (simplement) avec la fonction d'exprimer la distance et l'indifférence du locuteur.

H2) La structuration intérieure de cette unité varie selon le profil socio-culturel des locuteurs et selon la situation de communication.

R2) En ce qui concerne l'influence des éléments contextuels sur la structuration de l'oral spontané, l'analyse a montré que le type du discours exerce un rôle crucial dans la construction des pragraphes oraux. En effet, l'analyse des genres discursifs différents a montré des différences importantes concernant la longueur des préambules, le nombre de combinaisons de constituants et la fréquence des constituants produits par les locuteurs. Ainsi,

une narration comporte des préambules courts avec des ligateurs discursifs, une confrontation d'opinions différentes se caractérise par des préambules très longs comportant beaucoup d'éléments modaux et de ligateurs énonciatifs tandis que dans une argumentation, la majorité de préambules sont de longueur moyenne et comportent surtout des ligateurs discursifs et fréquemment le support lexical disjoint.

Le profil des locuteurs semble avoir la plus grande influence sur le choix concret des ligateurs. Leur valeur communicative dépend souvent de leur forme prosodique et de leur position à l'intérieur d'un énoncé. Ainsi, le ligateur ne, par exemple, peut avoir quatre fonctions (et correspondants en français) possibles :

ne↑ à la fin du rhème : homogénéise ce qui vient d'être dit et facilite la compréhension (traduit par hein),

ne↑ au début du préambule : attire l'attention de l'interlocuteur afin qu'il puisse plus facilement suivre la continuation (traduit par tu vois), ne↓ à la fin du rhème : clôt une unité discursive (traduit par quoi),

ne↓ au début du préambule : relativise ce qui a été dit auparavant et reflète une attitude égocentrée (traduit par bon).

La plupart de rhèmes produits dans les quatre conversations étudiées sont des phrases verbales avec deux tendances générales : les propositions principales, nominales ou coordonnées sont utilisées quand les locuteurs exposent une suite d'événements ou décrivent une situation, ou qu'ils expriment leur opinion sans l'expliciter. En revanche, les locuteurs produisent des propositions subordonnées quand ils explicitent leur propre opinion ou expérience ou bien quand ils exposent l'opinion ou l'expérience de quelqu'un d'autre.

H3) La dernière étape analytique est construite autour de l'hypothèse suivante : dans des moments-clés de la conversation, certaines combinaisons de structures linguistiques sont plus efficaces que les autres. Cette caractéristique paraît être indépendante du genre disursif et du profil des locuteurs.

R3) Pour pouvoir confirmer cette hypothèse, on a examiné les stratégies communicatives suivantes : lutte pour la parole, appel à l'attention et demande de réaction. Pour chacune des stratégies mentionnées, on a effectué une analyse prosodique, morphosyntaxique et discursive

afin de pouvoir réconstruire la combinaison la plus efficace des moyens employés par un locuteur.

Le premier phénomène étudié, la lutte pour la parole, essaie de répondre à la question pourquoi, lorsque deux locuteurs parlent en même temps, l'un continue à parler tandis que l'autre abandonne la parole.

L'analyse a montré que les locuteurs qui gardent la parole produisent leurs énoncés avec une intensité très forte et font beaucoup de pauses pour annuler les opérations précédentes et mettre un accent sur ce qui suit. Au niveau morphosyntaxique, ces locuteurs se servent surtout de moyens d'habitude traités comme des »faiblesses« rhétoriques : l'analyse note la présence plus fréquente de répétitions et d'autocorrections auprès des locuteurs qui au bout d'un chevauchement de parole gardent la parole qu'auprès de ceux qui cèdent la parole. Au niveau discursif, les locuteurs qui produisent de nombreux constituants du préambule se révèlent plus efficaces que ceux qui en utilisent moins.

Le deuxième phénomène présent dans toutes les conversations est lié à la stratégie du locuteur d'attirer et de garder l'attention de celui qui l'écoute. On constate qu'il existe deux types d'appels à l'attention : l'appel à l'attention qui demande la non-interruption et l'appel à l'attention qui invite l'interlocuteur à réagir.

L'analyse du phénomène de la demande de l'attention et de la non-interruption a montré que les pics de hauteur mélodique, reconnus déjà par M&DB en tant que moyen d'appel à l'attention, sont souvent accompagnés d'une intensité très forte. Cet événement prosodique est réalisé sur les catégories grammaticales différentes (l'adverbe, le verbe, le nom et l'adjectif) figurant à des endroits discursifs assez hétérogènes du paragraphe oral. Ce type d'appel à l'attention a non seulement la fonction de structurer le discours en unités plus petites et plus faciles à suivre, mais également de montrer à l'interlocuteur qu'on veut continuer et lui interdire ainsi d'intervenir.

Le deuxième type de l'appel à l'attention est suivi par une réaction sonore de la part de l'interlocuteur (mhm, ja - oui). L'analyse a montré que cela n'arrive pas à des endroits aléatoires de l'échange oral. En fait, l'intervention de l'interlocuteur est produite après un pic de mélodie accompagné d'une intensité descendante et souvent par la présence d'une pause à la fin d'un rhème (indice d'invitation à intervenir). Cette combinaison de structures lingustiques montre que le locuteur demande auprès de celui qui l'écoute de confirmer s'il suit et approuve ses propos.

Le troisième phénomène étudié est la demande de réaction qu'exerce le locuteur auprès de celui qui l'écoute.

Comme constaté par M&DB, la chute de l'intensité est l'indice principal de demande de réaction. En combinaison avec la mélodie moyenne ou même basse et la présence de pauses, sa fonction est renforcée davantage : cela montre que le locuteur n'a pas d'ambition de garder l'attention de l'interlocuteur, mais veut tout simplement l'inciter à confirmer la compréhension et l'accord avec ses propos. La combinaison de chute d'intensité et de mélodie stable est donnée sur des endroits discursifs assez précis : sur un verbe ou un nom à la fin d'un rhème. Ce qui semble particulièrement intéressant, c'est que la manifestation sonore de l'interlocuteur apparaît presque toujours 40 à 45 cs après que le locuteur baisse l'intensité à la fin du rhème, ce qui correspond en psychologie à la notion de la mémoire à court terme.