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La prosodie et la valeur communicative du rhème

3. Le tracés mélodiques

5.0 Délimitation du paragraphe oral par la prosodie

5.2.3 La prosodie et la valeur communicative du rhème

Le chapitre Le paragraphe oral a démontré que le paragraphe oral est une unité prosodique stable délimitée par l'interaction des indices prosodiques qui révèlent la stratégie communicative du locuteur. M&DB font également l'observation qu'à l'intérieur du paragraphe oral, les constituants discursifs ne sont délimitables qu'à l'aide d'indices segmentaux, c'est-à-dire morphosyntaxiques et pragmatiques. Pourtant, on ne peut pas dire que le rhème n'a pas de forme prosodique reconnaissable :

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§9 Ni

mod lig sld rhm

mogoče recimo vesna ga b/ bl intimno pozna ke ti a veš ne

Malgré la forte dépendance syntaxique du sld avec le rhème, la fin du préambule (le sld dans le présent exemple) est donc marquée par une montée d'indices prosodiques, tandis que le début du rhème est prosodiquement moins intense.

Ce qui semble problématique dans un nombre restreint de rhèmes, c'est de délimiter par la prosodie le début du rhème, parce qu'il est souvent étroitement lié au préambule (surtout quand le préambule comporte des ligateurs discursifs) :

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§3 NaMon

poj pa en korak et puis un pas

pol me pa spet fino cukne {} puis il me secoue bien fort {} me pa na prtlažnik vrže na avto {}

et ça me fait tomber sur l’arrière de la voiture sur la voiture {}

Certes, l'exemple montre une certaine dépendance prosodique et syntaxique du début du rhème par rapport au préambule, mais dans ce type de paragraphe, il faut s'appuyer sur les indices syntaxiques et discursifs : le premier rhème est un rhème elliptique où la locutrice exprime par la structure nominale en korak (un pas) ce qui pourrait être dit par la structure il fait un pas, le deuxième rhème commence après le ligateur discursif pol (puis).

Malgré l'absence d'autonomie prosodique totale de certains rhèmes par rapport aux préambules, on a remarqué un trait commun des rhèmes prosodiquement indépendants et dépendants : le début de tous les rhèmes est toujours marqué par un niveau prosodique bas (même si parfois, la fin du préambule l'est aussi).

La deuxième régularité remarquée : la fin du rhème est normalement très bien marquée. Elle connaît soit une montée d'intensité et de mélodie sur la dernière syllabe accentuée (quand il est recatégorisé en préambule pour la suite) soit leur chute (quand le locuteur clôt le paragraphe oral) :

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§2 NaMon

ene tri korake tekla {}

j’ai fait à peu près trois pas

je on sp\ m ni spustu il a lâ\ m il n’a pas lâché ampak sam tok je\

on se je ustavu {} lui il s’est arête {}

Dans l'exemple, la locutrice réalise une forte montée de mélodie et d'intensité à la fin des deux premiers rhèmes ene tri korake tekla (j’ai fait à peu près trois pas) et ni spustu (il n’a pas lâché), et laisse le troisième rhème, ampak sam tok je\ (mais il a seulement\), inachevé, mais recatégorisé quand même en préambule par l’intense prosodie. La valeur du dernier rhème semble être celle de clore le paragraphe oral en communiquant que la locutrice n’est plus intéressée à garder la parole ni à attirer l’attention de l’interlocutrice.

5.2.4 Points communs

Comme démontré dans le chapitre précédent, le rhème est une unité sans autonomie prosodique totale, mais qui comporte certains traits prosodiques reconnaissables : un contour bas-haut ou bas-(haut)-bas, selon que le rhème est recatégorisé en préambule pour la suite ou représente la fin de l'unité de l'oral réalisée par un locuteur.

Contrairement au préambule, le rhème paraît être une unité syntaxiquement cohérente et structurée d'une manière assez condensée. La grande majorité de rhèmes produits dans les quatre conversations étudiées sont des phrases verbales (156 sur 180 soit 87%). Celles-ci peuvent être représentées par des propositions principales (101 sur 156 soit 65%) ou par des propositions subordonnées (55 sur 156 soit 35%). Les propositions comportent souvent le présentatif to je / to so (c'est / ce sont).

L'analyse des quatre conversations a montré deux tendances générales : les propositions principales, nominales ou coordonnées sont utilisées quand les locuteurs exposent une suite d'événements ou décrivent une situation, ou qu'ils expriment leur opinion sans l'expliciter. En revanche, les locuteurs produisent des propositions subordonnées quand ils explicitent leur propre opinion ou expérience ou bien quand ils exposent l'opinion ou l'expérience de quelqu'un d'autre.

Au niveau énonciatif, le rhème est une unité plutôt élémentaire qu'on ne saurait diviser davantage en sous constituants. Pourtant, certains rhèmes comportent aussi des éléments de préambule dont l'analyse a montré les fonctions suivantes :

- de placer le rhème et la position du locuteur en contraste avec un contexte non explicite (pa) - d'exprimer la distance, l'indifférence du locuteur (pač) :

- d'expliciter le sujet de l'action (sld pronominalisé). 5.2.5 Comparaison avec le français

La méthodologie de M&DB constate qu'en français, le rhème est un constituant plutôt court parce que, à cause d'une grande décondensation de l'oral, beaucoup d'éléments du paragraphe oral se trouvent déjà réalisés dans le préambule. Le rhème représente une unité syntaxiquement assez simple représentée par une phrase verbale composée de sujet pronominal + v + x ou introduite souvent par un présentatif c'est / c'était + x ou il y a + x.

L'analyse du corpus a montré une présence importante de présentatifs dans le rhème, mais le rhème en slovène ne comporte jamais de structure sujet pronominal + v + x. Cette différence réside dans la décision méthodologique de traiter, pour les raisons d'autonomie prosodique, les sujets pronominaux en tant que sld (même si celui-ci n'est pas dissocié syntaxiquement du rhème et repris ensuite par un pronom), voir section 5.1.4.1 Points problématiques :

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§2 Ur

sld rhm

jaz nimam nč proti temu ne v bistvu moi je n’ai rien contre ça quoi {} en fait

On constate également que le rhème en slovène n'est pas aussi court et condensé qu'en français. A part les différents types de subordonnées, on trouve également de nombreux exemples de

compléments circonstanciels à l'intérieur du rhème32 :

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§4 Na

lig lig rhm

veš {} tako da sem na zadn de:l prtlažnika na avto padla {} tu sais {} s’ensuit que je suis tombée sur l’arrière de la voiture {} lig rhm

ne padla tu vois tombée rhm

tok me je vrglo {}

tellement ça m’a bousculée

32 Dans cet exemple, le complément circonstanciel na zadn del prtljažnika (sur l’arrière de la voiture) est placé entre le verbe auxiliaire sem (je suis) et le participe passé padla (tombée).