• Aucun résultat trouvé

Les résultats : le PSE contribue à une baisse significative de la récidive 128

Chapitre 2. Une évaluation des effets du placement sous surveillance électronique sur

4) Les résultats : le PSE contribue à une baisse significative de la récidive 128

La stratégie d‟identification présentée à la partie précédente repose donc sur l‟estimation simultanée de deux équations, la deuxième comportant deux variables instrumentales afin d‟éviter le problème du biais de sélection sur les caractéristiques inobservables. Comme nous venons de le montrer, l‟hypothèse d‟exclusion semble vérifiée dans notre cas puisque le choix des tribunaux de recourir ou non au PSE avant avril 2003 paraît exogène. Afin de présenter les résultats obtenus,

- 129 - nous commençons par les estimations naïves, où le coefficient d‟intérêt est encore endogène (a) avant de donner les estimations causales obtenues à partir de notre stratégie d‟identification instrumentale (b), puis d‟interpréter ces dernières (c).

a) Les estimations naïves : les placés récidivent bien moins que les détenus

Le tableau 2 présente tout d‟abord les estimations naïves de l‟équation (2) seulement par probit simple puis par modèle des moindres carrés, c‟est-à-dire sans corriger l‟éventuel biais de sélection sur des variables inobservables à l‟aide de l‟équation (3). Les coefficients obtenus servent d‟étalon pour la suite de l‟analyse.

Tableau 2 : Le bracelet électronique et la récidive – Estimations naïves

(1) (2) (3)

Modèle Probit (Y = Récidive)

PSE -0.1523** (0.0409) -0.1276** (0.0320) -0.0832** (0.0286) Pseudo R² 0.17 0.22 0.27 Modèle MCO PSE -0.1614** (0.0440) -0.1344** (0.0351) -0.0954** (0.0318) R² ajusté 0.21 0.26 0.31 Variables de contrôle Variables sociodémographiques X X Variables pénales X

Les coefficients du modèle probit sont des effets marginaux moyens. Les écarts-types entre parenthèses sont clusterisés au niveau des TGI. La variable dépendante correspond à la récidive cinq années après la libération. Toutes les régressions incluent les variables de stratification de l‟échantillon.

Les régressions incluent toujours les variables de pondération (nature de l‟infraction, genre, fait d‟être mineur et d‟avoir obtenu une libération conditionnelle) ; les variables de contrôle sociodémographiques correspondent à l‟âge (et l‟âge quadratique), les statuts professionnel et familial, la parentalité ; les variables de contrôle pénal comprennent deux indicatrices et deux variables continues qui indiquent si la personne a déjà été incarcérée (et combien de fois) et si elle a déjà été condamnée à d‟autres peines (et combien de fois), une indicatrice des précédents aménagements de peine et un terme linéaire correspondant à la date de libération.

N = 2 827. ** p< .01.

Sources : Bases « Libérés 2002 » et « Étude PSE » (DAP)

Les trois colonnes introduisent de plus en plus de variables de contrôle ; au fur et à mesure, la différence estimée de récidive entre les placés et les détenus diminue. En effet, l‟écart passe de 15 à 8 points de pourcentage lorsque les caractéristiques sociodémographiques et pénales

- 130 -

sont prises en compte dans le modèle. Il semble donc bien que les juges de l‟application des peines effectuent une opération de sélection sur des variables observables et choisissent d‟attribuer les PSE à des condamnés ayant une probabilité plus faible de récidive. Cependant, même après avoir pris en compte un large ensemble de variables de contrôle, l‟écart de récidive entre les détenus et les placés reste considérable et très significatif. Il importe désormais de savoir quelle part de cet écart peut être attribuée à des différences inobservables entre les condamnés bénéficiant d‟un PSE et ceux purgeant leur peine en prison, et quelle autre part est due à l‟effet du bracelet électronique en lui-même par rapport à une incarcération, toutes choses égales par ailleurs.

b) Les estimations causales : les placés récidivent moins que les détenus, toutes choses égales par ailleurs

Ces premières estimations naïves ne tiennent pas compte d‟une éventuelle sélection sur des variables inobservables de la part des JAP. Pour éviter ce biais, nous estimons donc dans le

tableau 3 le modèle à des équations (2) et (3) par maximum de vraisemblance. La première

colonne rappelle simplement le résultat obtenu précédemment sans introduire de variables instrumentales ; la deuxième utilise une seule de nos deux variables instrumentales, et la troisième prend en compte les deux.

Tableau 3 : Estimations Probit des équations (2) et (3)

Probit Probit bivarié

1 IV 2 IV (1) (2) (3) Y1 = Récidive Surveillance électronique -0.0832** (0.0286) -0.0705* (0.0323) -0.0711* (0.0341) Y2 = Surveillance électronique

TGI utilise déjà PSE 0.1294**

(0.0078) 0.0956** (0.0145) Proportion de PSE 0.0582* (0.0254) ρ (coef. de corrélation) -0.121 (0.103) -0.126 (0.113) N 2 827 2 827 2 754

Les coefficients probit et bi-probit sont des effets marginaux moyens. Les écarts-types entre parenthèses sont clusterisés au niveau des TGI. Toutes les régressions incluent les variables de stratification de l‟échantillon ainsi que les variables sociodémographiques et pénales de contrôle décrites au tableau 2. IV = variable instrumentale. * p<0.05 ; ** p<0.01.

- 131 - Notons tout d‟abord que nos variables instrumentales fonctionnent comme nous l‟attendions : les coefficients indiquent que la probabilité d‟obtenir un bracelet électronique au sein d‟une juridiction donnée augmente fortement si d‟autres PSE ont déjà été octroyés par le passé. Les effets estimés sont très significatifs, ce qui confirme la puissance de nos instruments123. En ce qui concerne l‟effet du PSE sur la récidive, les deux estimations du coefficient sont inférieures à celles obtenues par les régressions naïves menées précédemment, ce qui est normal puisque nous cherchons à éliminer l‟effet du biais de sélection sur les variables inobservables. Cependant, le coefficient reste important et significatif : purger sa peine sous bracelet plutôt qu‟en détention conduirait à une réduction de la récidive cinq années après la libération de l‟ordre de 7 points de pourcentage, ce qui n‟est pas négligeable.

Nous estimons ensuite le même modèle par la méthode des moindres carrés en deux étapes dans le tableau 4. Les résultats présentés sont similaires ; ils indiquent également que les régressions naïves conduisent à surestimer l‟effet du bracelet électronique. Les coefficients estimés sont cependant un peu plus faibles que dans le modèle de probit bivarié (autour de 6 points de pourcentage, contre 7 auparavant)124.

Tableau 4 : Estimations MC2E des équations (2) et (3)

MCO MC2E 1 IV 2 IV (1) (2) (3) Y1 = Récidive Surveillance électronique -0.0954** (0.0318) -0.0553ǂ (0.0316) -0.0571ǂ (0.0343) Y2 = Surveillance électronique

TGI utilise déjà PSE 0.6365**

(0.0481)

0.3813** (0.1042)

Proportion de PSE 0.4986*

(0.1731) Test de Hansen d‟exogénéité

(p-value) 0.706

N 2 827 2 827 2 754

Les écarts-types entre parenthèses sont clusterisés au niveau des TGI. Toutes les régressions incluent les variables de stratification de l‟échantillon ainsi que toutes les variables sociodémographiques et pénales de contrôle décrites au tableau 2. MCO = moindres carrés ordinaires ; MC2E = moindres carrés en deux étapes ; IV = variable instrumentale. ǂ p< 0.1 ; * p<0.05 ; ** p<0.01.

Sources : Bases « Libérés 2002 » et « Étude PSE » (DAP)

123

Le coefficient de corrélation ρ est négatif, ce qui était également attendu dans notre cas de sélection sur inobservables.

124 Le test d‟Hansen ne montre pas de violation de l‟hypothèse d‟exclusion, ce qui renforce un peu plus la crédibilité de nos résultats.

- 132 -

Ainsi, après avoir contrôlé le biais de sélection portant à la fois sur des variables observables (en introduisant un large ensemble de variables de contrôle) et inobservables (en utilisant une stratégie instrumentale), nous estimons la réduction de la probabilité de récidive causée par l‟utilisation du PSE (plutôt qu‟une incarcération) à environ 7 points de pourcentage. Le taux de récidive étant d‟environ 65 % chez les sortants de prison étudiés (d‟après nos statistiques descriptives), ces résultats suggèrent donc que le PSE permettrait d‟atteindre un taux de 58 ou 59 % pour les anciens placés toutes choses égales par ailleurs. La diminution du risque de récidive permise par cet outil est donc comprise entre 9 et 11 % pendant les cinq années suivant la libération.

c) Pourquoi le bracelet électronique est-il efficace ?

Les effets estimés ci-dessus sont certainement hétérogènes, et il convient à présent d‟étudier quelles caractéristiques conduisent des condamnés à être plus ou moins réceptifs à l‟utilisation du bracelet électronique. Pour cela, nous avons effectué quelques régressions des équations (2) et (3) sur des sous-échantillons bien définis, toujours à l‟aide d‟un probit bivarié. Pour chacune d‟entre elles, nous avons séparé en deux groupes les anciens placés à partir de caractéristiques potentiellement discriminantes, comme le montre le tableau 5.

Tableau 5 : Hétérogénéité des effets du PSE selon les caractéristiques sociodémographiques et la nature du suivi de la personne placée

Profil Oui Non Suivi Oui Non

A moins de 30 ans -0.0811* (0.0342) -0.0897* (0.0440) Visites de contrôle - 0.0926** (0.0229) -0.0218 (0.0371) A des enfants -0.1082* (0.0471) -0.0526ǂ

(0.0277) Durée du PSE > médiane

-0.0824ǂ (0.0440) -0.0543 (0.0378) A un emploi -0.0768ǂ (0.0393) -0.0944ǂ (0.0521) Obligation de travail -0.0816* (0.0332) -0.0043 (0.0591) A déjà été incarcéré -0.1181* (0.0511) -0.559ǂ

(0.0330) Incident pendant le PSE

-0.0259 (0.0403)

- 0.1077**

(0.0376) Les écarts-types entre parenthèses sont clusterisés au niveau des TGI. Toutes les régressions incluent les variables de contrôle qui servent à pondérer l‟échantillon, ainsi que l‟ensemble des variables sociodémographiques et pénales de contrôle décrites au tableau 2. PSE = Placement sous surveillance électronique.

ǂ p<0.1 ; * p<0.05 ; ** p<0.01.

- 133 - En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, il n‟y a pas beaucoup de différences entre les placés. En effet, les effets estimés du PSE ne semblent pas dépendre de l‟âge des bénéficiaires (par rapport à la médiane qui est de 30 ans dans l‟échantillon) ni du statut professionnel. En revanche, l‟effet du PSE paraît plus important pour les parents mais également pour ceux qui ont déjà fait l‟expérience de l‟incarcération (respectivement -11 et -12 points de pourcentage). Ce dernier résultat indique certainement que le bracelet électronique fonctionne plus efficacement pour les condamnés qui connaissent le monde carcéral, et qui voient l‟aménagement de peine comme une seconde chance plutôt que comme le signe d‟un certain laxisme judiciaire. En cela, la prison et le PSE peuvent être complémentaires et non substituables : le second marcherait mieux lorsqu‟il est associé avec la première.

Le suivi mis en place pendant la mesure semble lui aussi jouer un rôle. En effet, le PSE apparaît plus efficace chez ceux qui ont reçu au moins une visite de contrôle de la part d‟un agent des services pénitentiaires d‟insertion et de probation (SPIP) à son domicile pour contrôler le respect des obligations (-9 points de pourcentage). Certes, on pourrait imaginer que cette variable est endogène puisque les personnes qui ont une probabilité de récidive plus importante sont certainement celles qui ont également le plus de chances de recevoir une telle visite ; néanmoins, si tel était le cas, ce biais devrait au contraire atténuer et non augmenter l‟écart en leur faveur125

. Ainsi, les visites de contrôle semblent constituer un outil de dissuasion très important, ce qui confirme les résultats d‟entretiens menés auprès d‟anciens condamnés au Royaume-Uni (Hucklesby 2009). Nos résultats indiquent également que le PSE est plus efficace lorsqu‟il dure suffisamment longtemps (plus de deux mois) et lorsqu‟il est associé à une obligation de travail. Comme on pouvait s‟y attendre, le tableau 5 montre enfin que le PSE contribue à une moindre baisse de la récidive pour les placés qui commettent des incidents pendant leur mesure (il s‟agit surtout de retards ou de non respects du couvre-feu).

Nous nous sommes également intéressés à la nature des nouvelles infractions commises après la libération. Celles-ci sont-elles plus graves chez les anciens placés que chez les sortants de prison ? Le tableau 6 apporte une réponse, puisque nous nous concentrons sur les nouvelles condamnations à de la prison ferme126.

125

De plus, la probabilité de recevoir une visite de contrôle varie plus entre les juridictions qu‟en leur sein. Par exemple, 97 % des placés relevant du TGI d‟Aix-en-Provence en ont reçue au moins une, alors qu‟ils n‟étaient que 10 % à Agen. Les visites de contrôle ne sont donc pas décidées au cas par cas mais reflètent des pratiques locales (comme le confirment Kensey et al. 2003, p. 90) ; à ce titre, on ne peut pas affirmer que cette variable est endogène.

126

Nous avons choisi de coder les peines alternatives à l‟incarcération (principalement les sursis simples ou avec mise à l‟épreuve) comme zéro année de prison, et les peines de réclusion criminelle à perpétuité comme trente années de prison, ce qui est le maximum rencontré dans notre échantillon. Nous utilisons un modèle de Tobit censuré en zéro pour tenir compte de ceux qui n‟ont jamais été recondamnés à de la prison ferme.

- 134 -

Tableau 6 : Caractéristiques des nouvelles infractions commises dans les 5 années suivant la libération

Nouvelle condamnation à de la prison ferme

Durée totale des nouvelles peines fermes prononcées

(1) (2) (1) (2) PSE -0.0823** (0.0320) -0.0973** (0.0291) -8.7884** (3.0985) -8.9771** (2.2792) Conditionnel à la récidive Non Oui Non Oui

N 2 768 1 583 2 827 1 635

Moyenne de l‟échantillon 45,7 % 73,5 % 19,46 mois 19,88 mois Effet estimé du PSE en % -18 -13 -45 -45

Les écarts-types robustes entre parenthèses sont clusterisés au niveau des TGI. Les coefficients qui concernent les nouvelles condamnations sont obtenus par un probit bivarié. Ceux qui concernent la durée totale des nouvelles peines sont obtenus en utilisant un modèle Tobit et Probit de manière jointe sur l‟échantillon des récidivistes. Toutes les régressions incluent l‟ensemble des variables de contrôle décrites au tableau 2 et corrigent l‟endogénéité du PSE en utilisant les mêmes variables instrumentales que précédemment.

** p<0.01.

Sources : Bases « Libérés 2002 » et « Étude PSE » (DAP)

Les coefficients estimés sont importants et significatifs : le PSE diminue de 8 points de pourcentage la probabilité de recevoir une nouvelle peine de prison ferme cinq année après la mesure. Cet effet se maintient si l‟on se focalise uniquement sur les récidivistes. De plus, les résultats sont similaires en ce qui concerne la longueur des peines d‟incarcération : purger sa peine à la maison plutôt qu‟en prison conduit à une diminution de moitié de cette durée. En effet, le PSE permet d‟enlever 9 mois aux 20 mois auxquels un sortant de prison est en moyenne recondamné après sa libération. De fait, les anciens placés semblent commettre des infractions moins graves que les sortants de prison, toutes choses égales par ailleurs, ce qui confirme ce que l‟on sait sur la prison comme « école du crime » (Abrams 2010, Ouss 2011)127

.