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La récidive est une notion récurrente dans le débat public : les hommes politiques comme les magistrats s‟accordent à dire qu‟il faut la combattre et de nombreuses lois sont votées en mentionnant explicitement cet objectif dans leur intitulé, comme le montre l‟encadré 1.

Cette problématique n‟est pas nouvelle et trouve sa source au XIXe siècle, où elle se construit comme une « obsession créatrice » (Schnapper 1983), c‟est-à-dire une dimension essentielle du débat public. Il convient toutefois de se garder de « l‟illusion rétrospective qui donne l‟impression d‟une catégorie immuable et éternelle » (Soula 2016, p. 1) : le concept de récidive, qui semble aujourd‟hui aller de soi et fait figure de catégorie pénale naturelle, possède en réalité une genèse marquée par des luttes de sens et des usages divers. Ainsi, après un détour par la dangerosité au tournant du XXe siècle, le débat public revient sur la récidive, qui apparaît

- 37 - désormais comme un « risque » mesurable et traitable25 (a). À cette fin, il est nécessaire de s‟accorder sur ce que l‟on appelle « récidive » ; les conventions de mesure sont essentielles pour estimer ce phénomène et pour mettre en œuvre des politiques publiques visant à le faire diminuer (b).

a) Le triptyque récidive, dangerosité, risque

La pénalité moderne s‟appuie toujours sur les principes de base édictés en 1764 par l‟ouvrage de Cesare Beccaria, Des délits et des peines26

. Ceux-ci sont destinés à faire du droit pénal le garant des libertés individuelles : y figurent ainsi le principe de légalité, qui prévoit qu‟il n‟y ait pas de peine autre que celle prévue par la loi ; le principe de proportionnalité de la peine à la gravité objective du délit ; le principe d‟égalité des citoyens devant la peine. Peu après, Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur du Code pénal devant l‟Assemblée constituante lors de la Révolution française, s‟inspira de cet ouvrage pour esquisser les fondements du nouveau droit pénal27. Dans cette perspective, la fonction première de l‟enfermement, qui devient à partir de la Révolution une peine ordinaire et non un moment d‟attente d‟une autre peine, est la dissuasion à la fois des auteurs de délits et de crimes – par leur neutralisation dans les prisons – mais également de l‟ensemble du corps social. La sanction n‟a pas seulement pour objectif de punir le condamné, mais aussi de le décourager de recommencer28.

La récidive devient alors le symbole par excellence de l‟échec du système carcéral ; au XIXe siècle, cette notion acquiert une importance cruciale dans les débats sur la réforme pénitentiaire. Cette « obsession créatrice » s‟amplifie à mesure que se développent les instruments qui permettent de mieux la cerner et la mesurer (Schnapper 1983). Ainsi, la création du casier judiciaire en 1850 rend possible une « connaissance chiffrée de la récidive enregistrée judiciairement », par un système de fiches localisées au lieu de naissance des condamnés

25 Notons que nous ne prétendons pas ici dresser une histoire exhaustive du concept de récidive, déjà beaucoup étudié par ailleurs, mais simplement en retracer les grandes lignes. Pour une synthèse des travaux en la matière, le lecteur se référera à Alline et Soula (dir.) (2010).

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L‟ouvrage de Cesare Beccaria a été rapidement traduit de l‟italien (Del delitti e delle pene) au français (1765) puis à l‟anglais (1768) et connaît un grand succès européen. Beccaria y remet en cause de manière globale le système judiciaire, dénonçant la cruauté de certaines peines et s‟insurgeant contre la peine de mort (qu‟il qualifie de « crime judiciaire ») et la pratique de la torture.

27 Son rapport fut cependant vivement contesté et « la montagne finit par accoucher d‟une souris » (Carlier 2009, p. 14).

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Cette sous-partie s‟inspire souvent de trois séances de séminaires où Yves Cartuyvels présentait ses travaux à l‟École Normale Supérieure de Paris-Saclay en septembre 2016. Le cycle de séminaire était intitulé « Sens de la peine dans la société du risque : de la dangerosité au risque ». Je tiens à le remercier particulièrement ici.

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(Kensey 2015, p. 177). Au XIXe siècle, la notion de récidive prend son sens actuel29 : les politiques pénales ne s‟intéressent pas seulement à la commission d‟un acte mais aussi au comportement du condamné à l‟issue de sa peine. Pour l‟État, la récidive et l‟exploitation de la peur sociale qui en découle constituent un « formidable levier » d‟action en matière de lois sécuritaires (Alline et Soula 2010 (dir.), p. 19), ce qui explique la prospérité de cette idée dans le débat public. Les chiffres épars disponibles montrent une augmentation du phénomène, tant et si bien que le Compte général de l’administration de la justice, qui regroupe les statistiques publiées, conclut à « l‟inefficacité de la répression et à l‟insuffisance des peines au point de vue moralisateur ».

Politiquement, les gouvernements successifs de la Troisième République choisissent d‟abord l‟élimination en imposant par la loi du 27 mai 1885 la relégation des récidivistes considérés comme des professionnels de la délinquance (« incorrigibles ») ; cependant, les magistrats répugnent à utiliser cette mesure et les bagnes ne rencontrent pas le succès escompté30. Par la suite, ils ont recours à la pédagogie en matière pénale, avec la loi dite Bérenger du 26 mars 1891 qui instaure le sursis, destiné avant tout à lutter contre la délinquance « par accident ». Cette peine permet d‟aggraver la répression pour le petit récidiviste puisqu‟en cas de nouvelle infraction, la nouvelle sanction se couple avec les mois d‟emprisonnement avec sursis prononcés auparavant. Cette politique criminelle constitue la principale réponse judiciaire au problème social de la récidive (Schnapper 1983). En parallèle, on observe également une tendance à l‟individualisation des peines au XIXe siècle ; cette nouvelle doctrine inspirée de Kant et visant à rétablir l‟équilibre entre le châtiment et la faute est incarnée en France par le pénaliste Rossi. Il s‟agit de tenir compte des histoires personnelles des condamnés : la sanction n‟est plus seulement fonction de la gravité de l‟acte mais également de la responsabilité subjective de l‟individu, ce qui est toujours valable aujourd‟hui comme on le reverra dans notre troisième partie. En particulier, le système des circonstances atténuantes permet d‟adoucir les peines dans certains cas comme la folie. Ces deux conceptions législatives distinctes (la relégation et la réinsertion fondée sur l‟individualisation des peines) ne sont pas contradictoires, puisqu‟elles poursuivent le même objectif, celui d‟éradiquer le récidivisme (Kaluszinsky 2008, p. 29). Finalement, durant cette période, « les débats se sont plutôt focalisés sur la personnalité des auteurs d‟actes illégaux » (et

29 Avant le XIXe siècle, les termes « récidive » et « récidiviste » n‟ont pas de sens juridique mais plutôt un sens médical et moral, associé à l‟idée de « rechute ». Pour plus d‟éléments sur la genèse de la notion de récidive telle qu‟elle est perçue actuellement, voir Soula 2016, p. 4.

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Pour plus d‟éléments sur le contexte historique lié à la IIIe République et sur les différentes lois pénales qui y sont votées, voir Kaluszynski (2008, en particulier p. 4).

- 39 - en particulier de ceux jugés « irrécupérables ») « que sur la nature et les causes de la récidive » (Kensey 2007, p. 167).

À la fin du XIXe siècle, on voit apparaître une autre doctrine pénale, fondée non pas sur la responsabilité morale mais sur la responsabilité sociale. En effet, on considère auparavant, sous l‟influence de Darwin et des théories de l‟évolution, qu‟une grande partie des condamnés sont des « délinquants-nés » (pour reprendre l‟expression de Cesare Lombroso31), perçus comme une menace pour la société mais contre lesquels il n‟est pas possible de faire grand-chose au-delà de leur internement ou relégation32. Or, au tournant du XXe siècle, cette lecture déterministe de l‟homme se voit concurrencée par une autre vision, pour laquelle l‟individu choisit de s‟inscrire dans des activités illégales.

La notion de « dangerosité » prend alors de l‟ampleur, puisque le délinquant n‟est plus considéré seulement comme quelqu‟un qui est poussé au crime par ses gènes mais aussi comme quelqu‟un qui décide de commettre une infraction, certainement poussé en cela par son environnement social. Alexandre Lacassagne, en particulier, se distingue de ce qu‟il appelle le « fatalisme » de Cesare Lombroso en affirmant que « c‟est la société qui fait et prépare les criminels » (Lacassagne 1894, p. 406)33. La doctrine pénale issue de cette idée est désignée sous le nom de « défense sociale ». Juridiquement, elle reste marginale au début du XXe siècle ; néanmoins, peu à peu, la perception du délinquant et du criminel évolue ; on cherche non seulement à « s‟attaquer à l‟individu lui-même, avec pour finalité de le traiter, le redresser, le punir », mais aussi à « agir sur les facteurs susceptibles de le contrarier, de le pervertir » (Kaluszynski 2008, p. 20).

Cette doctrine de défense sociale connaît un succès plus marqué après la seconde guerre mondiale sous le nom de « défense sociale nouvelle ». Ainsi, la réforme Amor de 1945 insiste sur « l‟amendement et le reclassement du condamné » et instaure le régime progressif qui prépare par étapes la sortie de prison pour tenter de réduire la dangerosité des libérés et leur récidive future. La défense sociale nouvelle, qui promeut l‟individualisation des sanctions et l‟humanisation des

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Issue de son ouvrage L’homme criminel, publié en français en 1887 (et en italien en 1876). 32

L‟un des tenants de cette doctrine explique ainsi que « les arriérés forment une classe de parasites et de rapaces incapables de se suffire à eux-mêmes et de s‟occuper de leurs propres affaires. Ils causent d‟innombrables ennuis et constituent une menace et un danger pour la communauté. (…) Tous les arriérés, et surtout les grands idiots, sont des criminels potentiels qui n‟attendent que l‟occasion et l‟environnement propice pour donner libre cours à leurs tendances criminelles. » (W. E. Fernald, “The Burden of Feeble-minded”,

Journal of Psycho-Asthenics, Vol. 17, 1913, p. 90-91, cité par Castel (1983)).

33 Cesare Lombroso tout comme Alexandre Lacassagne sont médecins, respectivement en Italie et en France. Sur le rôle des médecins dans le regard porté sur la récidive, alors que les sciences pénales (comme l‟anthropologie criminelle ou la sociologie criminelle) sont en construction, voir Soula (2016, p. 12).

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peines, est fortement inspirée par le courant démocrate-chrétien. Elle est incarnée en particulier par Marc Ancel, président de la chambre honoraire à la Cour de cassation. Concrètement, elle se traduit par la création de la fonction de juge de l‟application des peines (JAP) lors de la réforme de la procédure pénale de 1958 : « la sanction doit tenir compte dorénavant de la personnalité du délinquant en vue de son amendement et de son “reclassement social”, selon la terminologie de l‟époque » (Kensey 2007, p. 37)34

. Contrairement aux idées en vogue au XIXe siècle, la récidive est désormais considérée comme un problème social sur lequel il est possible d‟agir au moyen d‟un traitement par la peine et par le suivi ; elle n‟est plus vue comme le résultat de caractéristiques intrinsèques et immuables. Dans cette perspective, la mesure de sursis avec mise à l‟épreuve, crée en 1958, comprend une assistance et un contrôle des obligations pour accompagner les condamnés, contrairement au sursis simple de 1891 qui n‟était associé à aucune mesure contraignante.

À partir des années 1970, la notion de dangerosité connaît une crise : elle perd de sa force scientifique, même si elle garde une certaine importance dans les représentations et les conversations communes (Robert 1984c). Cette tendance n‟est pas propre au domaine judiciaire ou criminel, puisqu‟on passe aussi dans la tradition de la médecine mentale ou du travail social de la rhétorique de la dangerosité à celle du risque (Castel 1983)35. Ainsi, l‟individu ou le sujet est moins étudié en tant que tel que la combinaison de facteurs (appelés « facteurs de risque ») qu‟il représente (ibid, p. 119). En ce qui concerne les phénomènes de délinquance ou de récidive, ce mouvement se traduit par ce que d‟aucuns appellent une « nouvelle pénologie » (Feeley et Simon 1992) ou une « culture du contrôle » (Garland 2001). D‟après ces auteurs, l‟action pénale chercherait non plus à transformer les individus comme dans le cas de la défense sociale nouvelle, mais à contrôler de manière rationnelle et efficiente les risques délinquants. « Cette nouvelle pénologie serait moins concernée par la responsabilité, la faute morale, le diagnostic, l‟intervention et le traitement du délinquant que par son identification, sa classification, sa catégorisation et sa gestion, en tant qu‟il est désigné comme appartenant à un groupe dangereux ou indésirables : “à risque” » (Chantraine 2006, p. 274). Les institutions pénales tenteraient alors

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Il faut là encore se garder de l‟illusion rétrospective en ce qui concerne les politiques pénales, qui ne sont pas toutes orientées vers une fin donnée et qui obéissent également à des objectifs pragmatiques comme la réduction des incarcérations. À ce sujet voir Faugeron et Le Boulaire (1988).

35 Robert Castel ne prétend pas que la notion de « risque » remplace complètement celle de « dangerosité ». Les deux sont d‟ailleurs pour lui intimement liées, même si « un risque ne résulte pas de la présence d‟un danger précis » mais est plutôt « un effet de la mise en relation de données abstraites ou facteurs qui rendent plus ou moins probable l‟avènement de comportements indésirables » (Castel 1983, p. 122). Ses propos reviennent plutôt à dire que la notion de risque s‟autonomise progressivement de celle de danger.

- 41 - de distinguer des groupes délinquants caractérisés par des niveaux de risque différents afin de mieux allouer leurs ressources, non pas pour éradiquer ces aléas mais pour les contenir, dans une perspective d‟efficience économique (Cliquennois 2006a, p. 355)36

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Cette nouvelle pénologie porte en elle des implications concrètes. Ainsi, on peut mentionner la tendance actuelle à l‟adoption des méthodes actuarielles en matière pénale, dont on reparlera et qui touche pour l‟instant surtout les États-Unis (Harcourt 2011). Elle conduit également à la multiplication des études du type « analyse coûts-bénéfices » qui correspond bien à la logique économique de cette pénologie dans laquelle il faut minimiser des risques. Cet intérêt s‟inscrit dans le prolongement de l‟article de Martinson de 1974, “What Works?” : le comportement criminel et le risque de récidive peuvent être prédits scientifiquement afin de déterminer quelles mesures et sanctions sont les plus efficaces37. Par ailleurs, on peut voir dans les lois pénales les plus récentes une remise en cause de l‟équilibre entre les logiques de réinsertion, de rétribution par la sanction et de garde, triptyque fondateur des discours pénitentiaires. En effet, les évolutions actuelles insistent plus sur les deux dernières dimensions, quitte à menacer la fonction de réinsertion (Cliquennois 2006a, p. 356), comme l‟a illustré précédemment

l’encadré 1. En particulier, elles abondent dans le sens d‟une « conception défensive et

technologique de la prévention » (Robert 2010, p. 49), au sens où elles ne la conçoivent souvent que comme une surveillance et non comme un accompagnement individuel. En résumé, « recul des idées de réinsertion et de redressement des délinquants au profit de celles de punition ou de gestion des risques, sacralisation de la victime, dramatisation du crime et moralisation du discours politique, émergence d‟un nouveau populisme pénal, introduction des outils du management pour gérer les flux, recours accru à l‟emprisonnement, toutes ces composantes de la “nouvelle culture du contrôle” mise en évidence par David Garland aux États-Unis et en Angleterre, se retrouvent de plus en plus en France, même si beaucoup de professionnels y résistent » (Mucchielli 2008, p. 17).

Le concept de récidive connaît donc un renouveau à partir du début des années 1980 sous la forme de « risque de récidive » à travers la nouvelle pénologie. Depuis cette date, on compte

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Notons que cette nouvelle pénologie a fait l‟objet d‟un important travail de recherche en Belgique (citons par exemple Mary 2001 ou Cartuyvels 2002) ou au Canada (Vacheret, Dozois et Lemire 1998), mais reste paradoxalement peu explorée en France (hormis l‟article de Cliquennois 2006a déjà mentionné).

37 Pour une analyse des échelles risk-need et des études qui en sont issues, voir Hannah-Moffat (2015). L‟auteure montre que la neutralité axiologique revendiquée par ces échelles est un leurre, en particulier puisque les critères retenus pour les construire sont fortement sujets à interprétation par ceux qui sont chargés de les remplir (par exemple « faible habilitation sociale », « aucun intérêt personnel », « pourrait mieux gérer son temps », etc.). Cependant, leurs partisans se méfient des évaluations plus qualitatives, qui pourraient montrer l‟importance de facteurs non jugés comme criminogènes dans leurs échelles, comme les problèmes de logement.

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ainsi six enquêtes portant sur les taux de récidive des sortants de prison, ce qui souligne la focalisation sur la mesure de ce phénomène38. À partir des années 2000, on peut même parler d‟une « tétanisation obsessionnelle sur la récidive » (Robert et Zauberman 2011, p. 221), où ce thème revient en force dans les politiques publiques et dans le contexte sécuritaire entourant les élections présidentielles de 2002 et 2007. Parallèlement à ce mouvement de fixation sur un risque de récidive, on assiste au retour de la notion de dangerosité, qui caractérise en particulier les auteurs d‟infractions sexuelles et les multirécidivistes violents (Ministère de la Justice 2013b, p. 1). Il semble en fait qu‟aujourd‟hui, ces deux idées de risque de récidive et de dangerosité coexistent, voire sont intimement liées.

L‟un des premiers signes de cette évolution figure dans la loi du 17 juin 1998, qui a trait aux missions des experts psychiatres chargés d‟examiner les condamnés, en particulier lors de demandes d‟aménagements de peine et de libérations conditionnelles. Ils sont alors chargés d‟évaluer la « dangerosité criminologique » et le « risque de récidive » de la personne (Baratta 2011, p. 658) ; alors qu‟ils devaient auparavant établir une « expertise de responsabilité », la terminologie se voit modifiée pour laisser place à « l‟expertise de dangerosité ». On peut voir ici une certaine résurgence de la doctrine de « délinquant-né » du XIXe siècle : à nouveau, l‟individu criminel apparaît dangereux en lui-même et il faudrait le mettre à l‟écart pour protéger la société. Dans la loi du 12 décembre 2005, comme dans le rapport Clément (2004) qui la prépare, le terme de dangerosité apparaît explicitement et le risque de récidive y est décrit comme relevant de « l‟expertise médicale » (Wyvekens 2010, p. 517). Le concept de dangerosité regroupe à la fois la figure du malade mental et celle du récidiviste ; aux deux, le législateur applique alors des mesures dites « de sûreté », comme la rétention de sûreté qui consiste à maintenir l‟incarcération après l‟exécution de la peine39

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Au-delà des psychiatres, cette attention à la dangerosité du condamné et à son risque de récidive concerne également les magistrats et les conseillers pénitentiaires d‟insertion et de probation (CPIP), fonction créée en 1993 pour accompagner les condamnés (Bouagga 2012). En pratique, le traitement social de la délinquance est organisé autour de la prévention de la récidive, comme le mentionnent les missions des CPIP redéfinies par circulaire en mars 2008 en ce

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Il s‟agit de l‟enquête sur les condamnés à mort graciés et les condamnés à perpétuité (1982), de celle sur les libérés de 1973 condamnés à trois ans et plus (1982), de celle sur les libérés de 1982 condamnés à trois ans et plus (1991 puis 1994), de celle sur les libérés entre le 1er mai 1997 et le 30 avril 1997 (2000) et de celle sur les libérés entre le 1er juin et le 30 décembre 2002, dont nous reparlerons au chapitre 2. Pour plus de détails sur ces enquêtes, voir Kensey (2007, p. 174).

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On peut citer à cet égard d‟autres rapports qui se situent dans la même perspective : Santé, justice et

dangerosité : pour une meilleure prévention de la récidive (Burgelin 2005), Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques (Goujon et Gautier 2006) et Réponses à la dangerosité (Garraud 2006).

- 43 - sens (Cour des Comptes 2010, p. 104). Par exemple, on voit apparaître, dans une note du Directeur de l‟Administration pénitentiaire datée du 16 juillet 2007, les « Plans de prévention de la récidive » (Gourmelon 2012, p. 378). Leur caractérisation est plutôt vague : il s‟agit de groupes qui réunissent des détenus volontaires pour participer à des « programmes » où s‟élabore un « travail » autour de la récidive et qui comportent une dizaine de séances encadrées par des CPIP. Il n‟est pas possible pour l‟instant de tirer un bilan de ces plans de prévention, qui présentent « un niveau d‟évaluation encore insatisfaisant, car bien trop disparate d‟un point de vue méthodologique » (Cour des Comptes 2010, p. 108).

Cette rapide histoire de la pénologie montre finalement les constructions et reconstructions de la notion de récidive, qui évolue selon les contextes40. Il semble en fait que