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Discussion générale

V.1. Résultats principaux de l'apprentissage procédural 1 Les mouvements miroirs

Dans un premier temps, nous avons étudié l'apprentissage d'une nouvelle coordination bimanuelle chez des adolescents présentant un TDC (étude 1 et étude 2). Les résultats de ces deux études montrent que, en comparaison aux adolescents contrôles, les adolescents présentant un TDC ont un apprentissage d'une nouvelle coordination bimanuelle préservé, au regard de l'augmentation de la précision de la nouvelle coordination pendant la pratique (étude 1) et après la pratique (étude 2). Cependant, si l'on considère des variables comportementales autre que la précision, nous avons pu observer un comportement moteur atypique chez les adolescents présentant un TDC. En effet, comparés aux enfants au développement typique, les enfants présentant un TDC produisent davantage de tapes additionnelles (étude 1) et de mouvements miroirs (étude 2). L'étude des mouvements miroirs dans cette population avait déjà révélé des résultats similaires lors de tâches unimanuelles (Licari & Larkin, 2008 ; Licari et al., 2015) ou dans une tâche de switching passant d'une coordination bimanuelle à une coordination unimanuelle lors d'un signal (Tallet et al., 2013). Tallet et al. (2013) ont montré que les enfants présentant un TDC produisaient globalement plus de mouvements miroirs que les enfants contrôles lors du passage de la coordination bimanuelle à la coordination unimanuelle suggérant une difficulté à inhiber des mouvements non requis. Nos résultats vont également dans ce sens. Ils montrent non seulement, que les enfants présentant un TDC produisent plus de mouvements miroirs, et également qu'ils ne parviennent pas à diminuer ces mouvements malgré la pratique répétée de la nouvelle coordination bimanuelle. Nos résultats suggèrent donc que les enfants présentant un TDC disposeraient de difficultés à inhiber des mouvements non requis et qu'ils auraient également une incapacité à corriger ce déficit d'inhibition malgré la répétition. Une seule étude a analysé l'évolution du nombre de mouvements miroirs à travers la répétition (Tallet et al., 2013). Ils ont constaté que de manière comparable aux enfants contrôles, les enfants présentant un TDC montraient une diminution du nombre de mouvements miroirs au fur et à mesure des essais, indiquant un effet de la pratique de la tâche. Cette amélioration n'a pas été retrouvée dans nos résultats puisque le nombre plus élevé de mouvements miroirs dans la nouvelle coordination

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chez les enfants présentant un TDC n'a pas diminué après la pratique. L'amélioration retrouvée dans l'étude de Tallet et al. (2013) peut se rapporter à la familiarisation de la tâche de switching puisqu'il est important de noter que dans cette étude il n'y avait aucune exigence d'apprentissage (puisqu'aucun feedback n'était communiqué). De plus, dans l’étude de Tallet et al. (2013), l’inhibition des mouvements miroirs était requise de manière explicite alors qu’elle était implicite dans l’étude 2 de ce travail. En effet, dans l’étude 2, le feedback renseignait de la précision et de la stabilité de la nouvelle coordination mais ne renseignait pas explicitement du nombre de mouvement miroirs24. Ainsi le caractère implicite ou explicite des tâches pourrait également expliquer la divergence des résultats concernant l’effet de la répétition.

En 2012, Blank et al. (2012) n'ont pas jugé nécessaire de recommander l'examen clinique de ces signes neurologiques doux dans le diagnostic du TDC, notant que ces mouvements miroirs ne sont pas spécifiques au diagnostic du TDC (Blank et al., 2012). Cependant, les résultats des recherches antérieures (Licari et al., 2006 ; Licari & Larkin, 2008 ; Tallet et al., 2013 ; Licari et al., 2015), confirmés par cette étude (Blais et al., 2017b), soulignent la nécessité d'examiner les mouvements miroirs dans cette population lors de travaux de recherche futurs.

V.1.2. Les erreurs : une variable à ne pas négliger

Forts de ce résultat, il nous a paru intéressant de continuer à explorer les erreurs comme variable d’intérêt dans nos autres études. Malgré la négligence de la plupart des études à considérer cette variable, l'ensemble de nos travaux montrent des résultats intéressants la concernant. Dans l'étude 1, le nombre d'erreurs correspondait à deux mouvements du même pouce alors qu'il était demandé une alternance des mouvements des pouces. Les résultats sur cette variable montrent que le nombre d'erreurs était plus élevé chez les adolescents présentant un TDC et ne diminuait pas avec la pratique. Dans l'étude 3, qui rappelons-le est une tâche de SRTT bimanuelle, le nombre d'erreurs correspondait au nombre de fois où la

24 Il est à noter toutefois qu'un mouvement miroir pouvait être représenté dans le feedback par un point en haut de l'écran indiquant une phase relative entre les deux mains, proche de la phase relative de la coordination en phase. Cette information était donc présente dans le feedback mais non explicite en tant que tel.

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réponse produite (parmi quatre réponses possibles) ne correspondait pas à la réponse requise. Les résultats ont montré un nombre très élevé d'erreurs chez les enfants présentant un TDC. Enfin dans l'étude 4, lors d'une tâche unimanuelle d'apprentissage d'une séquence rythmique suivant des stimulations auditives ou visuelles, le nombre d'erreurs correspondait aux tapes supplémentaires produites par rapport à la séquence rythmique requise. Les résultats ont montré que le nombre d'erreurs diminuait au fur et à mesure de la pratique pour les deux groupes d'enfants, uniquement dans la condition avec stimulations auditives (et pas dans la condition visuelle). Cette diminution du nombre d'erreurs avec la pratique n'a été retrouvée que dans la dernière étude pour la condition auditive. Ces données suggèrent que la modalité de l'information à apprendre est importante pour rendre compte de la diminution des erreurs avec la pratique répétée (pas de diminution des erreurs en présence d’informations visuelles dans l’étude 1, 2 et 3 vs diminution des erreurs en présence de stimulations auditive dans l’étude 4).

Une deuxième hypothèse pourrait venir des réponses motrices demandées lors des différentes tâches. Les résultats de la variable erreurs montrent que lors d'une tâche bimanuelle (étude 1, étude 2 et étude 3), le nombre d'erreurs et les mouvements miroirs ne diminuent pas avec la pratique alors que dans une tâche unimanuelle (étude 4) le nombre d'erreurs diminue avec la pratique chez les enfants avec et sans TDC, mais seulement en présence de stimulations auditives. Dans l'étude 4, il n’est pas possible de savoir si la diminution des erreurs est favorisée par les réponses unimanuelles ou par la modalité auditive. Il serait intéressant dans une tâche bimanuelle équivalente à celle de l'étude 2 (apprentissage de coordinations bimanuelles) de donner des indices auditifs afin de tester si la modalité auditive permet de réduire le nombre de mouvements miroirs dans une tâche bimanuelle.

V.1.3. Conditions favorisant l'apprentissage procédural chez les enfants présentant un TDC

Nous avons réussi à identifier les indices environnementaux favorisant l’apprentissage procédural chez les enfants présentant un TDC. En effet, lorsque nous avons fait varier la

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nature des stimulations dans l'étude 3 (visuospatiale vs lettre) et dans l'étude 4 (auditif vs visuel), il est apparu que, sous certaines conditions, l'apprentissage procédural était préservé chez les enfants présentant un TDC.

V.1.3.1. Double information vs simple information

Dans l'étude 3, nous avons testé l'apprentissage moteur de séquences motrices par le biais d'une tâche de SRTT bimanuelle avec des indices visuospatiaux et/ou langagiers. Etant donné que les enfants présentant un TDC ont plus de difficultés de traitement d’informations visuospatiales que langagières, nous avions fait l'hypothèse d'un déficit d'apprentissage chez les enfants présentant un TDC d'autant plus pour une séquence visuospatiale comparée à une séquence visuospatiale+lettre combinée comparée à une séquence de lettre. De manière générale, nos résultats sont plutôt conformes aux hypothèses puisque les enfants présentant un TDC ont un déficit d’apprentissage dans la condition visuospatiale seule (et lettre seule). Plusieurs études se posent la question d'un système multiple de l'apprentissage procédural puisqu'elles pointent des différences d'apprentissage avec une préservation ou une dégradation de l'apprentissage spécifiquement en fonction de la modalité de la tâche (par exemple le son, le verbal, le visuel) (Conway & Christiansen, 2006 ; Goschke et al., 2001). L'observation d'atteintes sélectives d'apprentissage procédural moteur dans certaines conditions pourraient indiquer l'existence de sous-systèmes d'apprentissage dissociable au sein du système d'apprentissage procédural. Il semblerait que les apprentissages moteurs séquentiels ne constituent pas un seul sous-système d'apprentissage procédural (Doyon & Benali, 2005) mais comporteraient eux-mêmes des sous composantes selon la nature du matériel à apprendre (verbale vs visuospatiale).

Nous ne pouvons pas confirmer cette hypothèse de dissociation puisque nos résultats suggèrent que les deux systèmes (visuospatial et verbal) semblent atteints dans le TDC. Cependant les enfants présentant un TDC profiteraient de la double information (indices visuospatiaux et verbaux) pour apprendre la séquence.

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V.1.3.2. Auditif vs Visuel

Les résultats de l'étude 4 ont montré que la modalité auditive favorisait l'apprentissage d'une séquence rythmique chez les enfants avec un TDC comparativement à une séquence visuelle. Pourtant nous avions fait l'hypothèse inverse. En effet nous avions prédit que les enfants présentant un TDC auraient un déficit d’apprentissage d’une séquence rythmique irrégulière, mesuré par une moindre augmentation de la précision et de la stabilité et une moindre diminution du nombre d'erreurs pendant la pratique de la séquence. De plus, étant donné l'implication du striatum, et notamment du putamen, dans la production d’une séquence rythmique avec des stimulations auditives (Witt et al., 2008), le déficit d'apprentissage des enfants présentant un TDC aurait dû être majoré pour la séquence rythmique auditive comparativement au visuel. Au contraire, les résultats ont montré que la modalité auditive favorisait l'apprentissage procédural de séquences rythmiques chez les enfants présentant un TDC, observé par plus d'augmentation de la précision en modalité auditive comparativement à la modalité visuelle, ainsi qu'un gain de stabilité et une diminution du nombre d'erreurs uniquement dans la modalité auditive dans les deux groupes. Il semblerait donc que la modalité auditive soit bénéfique à l'apprentissage procédural moteur chez les enfants présentant un TDC, tout comme chez les enfants contrôles. Mais nous allons voir que ce n'est pas le cas pour la mémoire procédurale.