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II.3. Apprentissage procédural chez l'enfant typique et présentant un TDC 1 Apprentissage procédural moteur chez l'enfant typique

II.3.5. Hypothèses explicatives du déficit d’apprentissage dans le TDC

II.3.5.1. Dysfonctionnement de la communication inter-hémisphérique

Deux caractéristiques semblent communes aux enfants présentant un TDC: les difficultés à (1) coordonner deux membres ensemble de manière harmonieuse, que ce soit dans les coordinations bimanuelles (Volman & Geuze 1998 ; Volman et al., 2006 ; Roche et al., 2011), ou dans les coordinations main-pied (Volman et al., 2006 ; Whitall et al., 2006 ; Mackenzie et al., 2008 ; De Castro et al., 2014) et (2) se synchroniser à des évènements, c'est

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à dire d'assurer la coïncidence de mouvements rythmiques avec des stimulations environnementales (De Castelnau et al., 2007).

La coordination bimanuelle est définie par Kelso (1984) comme l’ensemble des relations spatio-temporelles qui s’établissent lors de la réalisation d’une tâche entre les différents segments corporels. Traditionnellement, les coordinations bimanuelles peuvent être explorées avec un paradigme de synchronisation qui consiste à taper avec un doigt de chaque main en synchronie avec des stimuli spécifiant plusieurs coordinations. Deux coordinations bimanuelles ont été reportées comme étant stables et précises sans besoin de pratique chez les adultes (Kelso, 1984) et chez les enfants (Robertson, 2001). La coordination phase requière des activations simultanées de muscles homologues et la coordination antiphase correspond à l'activation alternée des groupes musculaires homologues. La coordination phase a été montrée comme plus stable que la coordination antiphase en présence de contraintes environnementales (Kelso, 1984). Les études s'intéressant aux coordinations bimanuelles chez les enfants présentant un TDC montrent que, comparés aux enfants du même âge sans TDC, les enfants présentant un TDC produisent des coordinations bimanuelles moins stables, d'autant plus pour la coordination antiphase (Volman & Geuze, 1998 ; Volman et al., 2006). Une autre étude (Roche et al., 2011) dans laquelle les enfants devaient réaliser la coordination bimanuelle antiphase en voyant/entendant ou non l'impact de leurs mouvements a montré que les enfants présentant un TDC étaient moins précis et moins stables que les enfants contrôles. Les conditions sensorielles (privation de vision et/ou d'audition) n'affectaient la performance dans aucun des groupes. Les auteurs concluaient que les rétroactions visuelles et auditives produites par les mouvements n'étaient pas des informations primordiales pour réussir la coordination antiphase de manière auto-dirigée (sans stimuli) et que les enfants présentant un TDC étaient intrinsèquement moins précis et moins stables dans leur coordination.

D'autres études ont révélé que les enfants présentant un TDC étaient moins performants que leurs pairs sans TDC lors de tâches de coordination sensori-motrice, dans lequelles les enfants devaient se synchroniser avec un évènement externe. Les études dans le TDC sont peu nombreuses mais tendent à montrer les difficultés des enfants présentant un TDC à se synchroniser. Williams et al. (1992) ont sollicité 13 sujets présentant un TDC appariés à 12

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sujets contrôles dans un paradigme de continuation dans lequel les enfants devaient synchroniser la tape de leur index droit sur une touche avec un signal auditif périodique et continuer à taper quand celui-ci disparaît. Les résultats ont indiqué que les sujets présentant un TDC étaient plus variables que les sujets contrôles (Williams et al., 1992), résultats confirmés par Geuze & Kalverboer (1994). De Castelnau et al. (2007) ont évalué la capacité des enfants présentant un TDC à se synchroniser (phase) et à syncoper (antiphase) avec un métronome visuel à différentes fréquences. Les résultats ont montré que les enfants présentant un TDC étaient capables de réaliser la synchronisation et la syncopation mais ils étaient plus variables que les contrôles dans les deux tâches (De Castelnau et al., 2007). De Castelnau et al. (2008) ont enregistré l'activité corticale des enfants par EEG (voir page 43 pour explication). Ils ont analysé la cohérence cortico-corticale c'est à dire l'étude des connections fonctionnelles entre différentes aires corticales d'un même hémisphère (intra-hémisphérique) et entre les deux hémisphères (inter-hémisphérique) chez des enfants présentant un TDC et des enfants contrôles. Les régions cérébrales d'intérêt étaient la région centrale (comprenant les régions motrices) et frontales (comprenant les régions prémotrices). Au niveau comportemental les enfants présentant un TDC avaient une synchronisation plus variable que les enfants contrôles. Au niveau cérébral, une plus grande cohérence intra-hémisphérique entre les régions fronto-centrales a été observée chez les enfants présentant un TDC comparés aux enfants contrôles mais aucune différence pour la cohérence inter-hémisphérique n'a été trouvé ce qui a suggéré que la cohérence inter-hémisphérique n'était pas associée à la production d'une tâche de synchronisation unimanuelle (De Castelnau et al., 2008).

Cette hypothèse de dysfonctionnement de la communication inter-hémisphérique a déjà été avancée sur la base de résultats comportementaux (Sigmundsson et al., 1999 ; Tallet et al., 2013). En 1999, Sigmundsson a comparé la performance d’enfants présentant un TDC et d’enfants contrôles lors de tâches de localisation de cible avec une main et un pied impliquant ou non un transfèrt inter-hémisphérique. Les résultats ont montré des performances déficitaires chez les enfants présentant un TDC dans des conditions impliquant un transfert inter-hémisphérique uniquement, suggérant un déficit du transfert inter-hémisphérique chez les enfants présentant un TDC (Sigmundsson et al., 1999).

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Dans l’étude de Tallet et al., (2013), les auteurs ont mis en place une tâche de transition entre un tapping bimanuel en phase et un tapping unimanuel droit ou gauche. Cette transition impliquait un transfert inter-hémisphérique inhibiteur puisqu’il était demandé de réaliser un mouvement symétrique des deux mains puis d’inhiber le mouvement d’une main tout en continuant le mouvement de l’autre main. Les résultats ont montré que les enfants contrôles amélioraient leur capacité à inhiber le mouvement de leur main gauche avec l’âge, ce qui n’était pas le cas des enfants présentant un TDC. Les auteurs ont postulé un déficit de développement du transfert inter-hémisphérique inhibiteur dans le TDC (Tallet et al., 2013). Bien que les résultats de ces travaux soient en faveur d’un dysfonctionnement de transfert inter-hémisphérique chez les enfants présentant un TDC, les études restent au niveau comportemental et les conclusions ne sont qu’indirectes.

A l'inverse, peu d'études de neuro-imagerie abordent cette question et elles n'ont pas de données comportementales. La relation entre des résultats comportementaux et cérébraux ne peut aboutir. Par exemple, Langevin et al. (2014) ont trouvé des anomalies microstructurelles avec une réduction de la fraction d'anisotropie dans les régions pariétales du corps calleux, comprenant des connexions entre les aires motrices primaires et somatosensorielles suggérant une moindre myélinisation de la substance blanche chez les enfants présentant un TDC (Langevin et al., 2014).

Afin d'évaluer la connectivité fonctionnelle, McLeod et al. (2016) ont utilisé le « resting state » pour comparer les connexions fonctionnelles intra-hémisphérique et inter- hémisphérique du cortex moteur et de différentes structures sous corticales dont le putamen. Un des résultats a montré que les enfants contrôles avaient un putamen droit davantage connecté au cortex moteur droit qu'au cortex moteur gauche alors que chez les enfants présentant un TDC, le putamen droit n'avait pas plus de connectivité avec le cortex moteur droit que gauche. Chez les enfants présentant un TDC cette connectivité fonctionnelle équivalente en intra-hémisphérique et inter-hémisphérique suggère un manque de dominance hémisphérique des connexions fonctionnelles entre le putamen droit et le cortex moteur droit (McLeod et al., 2016). Il serait intéressant de comparer les deux groupes sur les connectivités fonctionnelles entre les deux cortex moteurs, cela n'ayant pas été fait dans cette étude.

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L'ensemble de ces résultats suggère que les connexions callosales inter-hémisphériques notamment entre les aires motrices supplémentaires sont critiques pour les tâches motrices bimanuelles et un déficit de ces connexions pourrait expliquer les difficultés de coordination motrice des enfants présentant un TDC.

La question d'un dysfonctionnement de la communication inter-hémisphérique lors de l'apprentissage de coordinations bimanuelles chez les enfants présentant un TDC reste donc à étudier puisqu'aucune donnée ne permet à l'heure actuelle de répondre à cette question. La communication inter-hémisphérique pourrait être un facteur explicatif du déficit d'apprentissage des enfants présentant un TDC lors d'une tâche bimanuelle. Nous testerons cette hypothèse dans les études expérimentales 1 et 2 de ce travail de thèse.