• Aucun résultat trouvé

II.3. Apprentissage procédural chez l'enfant typique et présentant un TDC 1 Apprentissage procédural moteur chez l'enfant typique

II.3.3. Adaptation motrice chez l'enfant présentant un TDC

D'un point de vu expérimental, plusieurs études ont suggéré des difficultés des enfants présentant un TDC dans l'adaptation visuomotrice. Par exemple il a été proposé aux enfants présentant ou non un TDC, une tâche de tracé de formes graphiques sur tablette digitale avec une représentation à l'écran d'ordinateur biaisée par l'ajout d'un angle supplémentaire à la direction effectuée afin d'en modifier la direction. Les résultats ont révélé que comparés aux enfants contrôles, les enfants présentant un TDC montraient une plus large variabilité des réponses et un temps de mouvement plus lent sans amélioration avec la pratique (Kagerer et al., 2004 ; Kagerer et al., 2006). L'adaptation visuomotrice a également été évaluée par une tâche de lancer de balle avec port de lunettes prismatiques (Brookes et al., 2007) et a montré que les enfants présentant un TDC avaient un taux d'adaptation plus faible que les enfants contrôles.

Ces résultats ne sont en revanche pas consensuels puisque quelques études n'ont pas retrouvé de déficit d'adaptation chez les enfants présentant un TDC. Lejeune et al. (2016) sur une tâche d'adaptation visuomotrice où les enfants devaient manipuler une souris d'ordinateur dont la trajectoire présentée à l'écran différait de la trajectoire effectuée, a montré des résultats similaires d'apprentissage entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles malgré une performance globalement moins rapide des enfants présentant un TDC (Lejeune et al., 2016). Dans l’étude de Zwicker et al. (2011), il est également intéressant de noter des capacités similaires d'apprentissage entre enfants présentant un TDC et contrôles sur une tâche d’adaptation motrice lors de l’apprentissage de traçage de traits avec un joystick (malgré l'interprétation inverse des auteurs) (Zwicker et al., 2011). De la même manière, bien que les enfants présentant un TDC étaient plus variables et moins précis que leurs pairs, Cantin et al. (2007) n'ont pas trouvé de différence concernant les capacités d’adaptation à proprement parlé lors d’une tâche d'adaptation liée au port de lunettes à prismes (Cantin et al., 2007). Pangelinan et al. (2013) ont montré que la trajectoire développementale du groupe d'enfants

- 40 -

présentant un TDC était similaire à celle du groupe d'enfants contrôles lors d’une tâche d'adaptation visuomotrice de dessin sur tablette avec représentation directionnelle modifiée et projetée sur écran (Pangelinan et al., 2013). La difficulté de la tâche peut influencer les résultats comme l'ont suggéré l'étude de Cantin et al. (2014) qui a montré que l'adaptation motrice était équivalente entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles lors d'une tâche simple d'adaptation visuomotrice mais que la complexification du mode de réponse entraînait une différence de groupe dans l'adaptation en faveur des enfants contrôles (Cantin et al., 2014).

D’autres travaux d’adaptation motrice réalisés par le biais de jeu vidéo (Wii Fit training) ont révélé une pente d'apprentissage relativement équivalente chez les enfants présentant un TDC dans l’ajustement et l’anticipation des postures pendant la pratique, la rétention et le transfert (Smits-Engelsman et al., 2015).

L'hypothèse explicative du déficit d'adaptation motrice dans le TDC concerne le dysfonctionnement des régions motrices et du cervelet. En effet, plusieurs études comportementales ont cherché à rendre compte d’un dysfonctionnement cérébelleux dans le TDC par le biais de paradigmes reconnus pour mettre en évidence de telles dysfonctions, et soutiennent ces hypothèses (Geuze, 2005). Les études de Piek & Dyck (2004) ou Van Waevelde et al. (2006) par exemple ont fait l’hypothèse d’un dysfonctionnement cérébelleux dans le TDC sur la base d’épreuves de vitesse (où le temps de réaction est mesuré) et sur des épreuves de précision (cibles). Les enfants présentant un TDC ont montré un plus petit temps de réaction et une précision plus faible que des enfants contrôles (Piek & Dyck, 2004 ; Van Waevelde et al., 2006).

Des tâches de tracé évaluant la motricité fine (Zwicker et al., 2010 ; Zwicker et al., 2011), de toucher doigt-nez les yeux fermés ou de mouvements de mains alternés (O’Hare & Khalid, 2002 ; Lundy-Ekman et al., 1991) ont été utilisées pour attester d’un déficit cérébelleux dans le TDC. Par exemple, Zwicker et al. (2010) ont demandé à 7 enfants contrôles et 7 enfants présentant un TDC de réaliser une tâche de tracé de fleur avec un joystick à l'intérieur d'une machine IRM et n'ont montré aucune différence significative sur les différentes variables du

- 41 -

tracé entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles mais les enfants présentant un TDC avaient une plus large activation cérébrale dans les régions frontales, pariétales et temporales comparés aux enfants contrôles. Ce résultat ont suggéré que les enfants présentant un TDC devaient engager plus d'effort pour réussir la même tâche (Zwicker et al., 2010). Contrairement à cette plus large activation cérébrale chez les enfants présentant un TDC pendant la performance motrice, cette même équipe (Zwicker et al. 2011) a montré une sous- activation des aires cérébrales associées à l'apprentissage visuomoteur (cortex pariétal inférieur bilatéral, le cortex préfrontal dorsolatéral droit, et le cervelet) après l'apprentissage moteur de la fleur (pratiqué pendant 3 jours) comparé aux enfants contrôles. Se basant sur des résultats comportementaux d'analyses de variance non significatifs (aucune différence d'apprentissage entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles) mais interprétant leurs données comportementales comme différentes entre les groupes en se basant sur les tailles d'effets, les auteurs ont suggéré que la relative sous-activation de ces régions chez les enfants présentant un TDC pouvaient être associée à un déficit d'apprentissage moteur comparés aux enfants contrôles (Zwicker et al., 2011).

En imagerie structurelle de diffusion (technique du DTI, voir page 35), l'exploration des circuits structuraux moteurs, sensori-moteurs et cérébelleux d'enfants présentant un TDC et d'enfants sans trouble ont indiqué des moyennes de diffusion9, du tractus cortisospinal et du thalamus postérieur plus faibles chez les enfants présentant un TDC que chez les contrôles, résultats corrélés aux scores du M-ABC (Zwicker et al., 2012). L'absence de différence entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles au niveau du cervelet a suggéré qu'il n'y avait pas de différence microstructurelle le long des voies afférentes et efférentes allant et partant du cervelet. Ces résultats, combinés avec la sous-activation du cervelet chez les enfants présentant un TDC (comme indiqué par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) (Zwicker et al., 2011) suggèrent que l'implication cérébelleuse hypothétique dans le TDC peut être liée au cervelet lui-même plutôt qu'aux connexions vers et à partir du

9 La diffusivité moyenne, reflet de l'intégrité microstructurelle, est une mesure inverse de la densité de la membrane et est sensible à la cellularité, à l'œdème et à la nécrose (Alexander et al., 2007).

- 42 -

cervelet. Bien que ce ne soit pas l'objet de ces travaux de thèse, il est intéressant de noter que l'examen des volumes cérébelleux et d'autres différences macrostructurelles entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles mériteraient d'être étudiés afin de tester cette hypothèse.

Debrabant et al. (2016) font suite aux travaux précédents et ont trouvé des résultats contradictoires. Ils ont évalué la capacité des enfants à intégrer les habiletés visuelles et motrices lors d'une tâche de copie de formes géographiques (Beery-Buktenica Developmental Test of Visual Motor Integration) et ont montré que les enfants présentant un TDC ont des performances comportementales visuomotrices faibles. De plus ils ont retrouvé des différences entre les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles dans la connectivité du cervelet (lovule VI) et du gyrus pariétal supérieur droit et concluent que ces structures pourraient être des prédicteurs significatifs pour discriminer les enfants présentant un TDC et ceux ayant un développement typique (Debrabant et al., 2016). D'après cette étude la connectivité du cervelet et du cortex pariétal serait une piste explicative aux difficultés visuomotrices des enfants présentant un TDC mais ne renseignent pas de l'apprentissage procédural.

Enfin l'étude de Pangelinan et al. (2013) montre au niveau comportemental une adaptation visuomotrice équivalente chez les enfants présentant un TDC et les enfants contrôles (Pangelinan et al., 2013). Au niveau cérébral, ils ont enregistré l'activité corticale des enfants par électroencéphalographie (EEG)10. Ils ont analysé la puissance spectrale c'est à dire l'étude de la modulation corticale liée au mouvement comparativement à un état de repos (Pfurtscheller & Lopes da Silva, 1999). Les résultats ont montré que les jeunes enfants de 6 ans présentant un TDC avaient moins d'activation, particulièrement dans les régions motrices alors que les enfants de 12 ans présentant un TDC ont montré plus d'activation du cortex moteur que leurs pairs sans TDC du même âge. Ces résultats suggèrent que les enfants plus âgés présentant un TDC peuvent compenser leurs déficits moteurs grâce à un engagement

10 Technique permettant de recueillir l’activité électrique émise à chaque instant par un groupe de neurones du cortex avec une bonne résolution temporelle (Niedermeyer & Lopes da Silva, 2005).

- 43 -

accru des ressources motrices pertinentes. Allant en ce sens, Debrabant et al. (2013) ont montré qu’à tâche de temps de réaction égale, les enfants présentant un TDC ont révélé un pattern d’activation plus important que le groupe contrôle et notamment dans le cortex préfrontal dorsolatéral droit et dans le gyrus inférieur frontal (Debrabant et al., 2013).

Concernant l’adaptation motrice qui implique avant tout le cervelet, les résultats restent contradictoires tant au niveau comportemental qu’au niveau cérébral. Les enfants présentant un TDC pourraient avoir des difficultés dans l’adaptation motrice mais compenser ces dernières par un recrutement plus large au niveau cérébral, faisant qu’au niveau comportemental des différences avec les contrôles sont mises en évidence selon la difficulté de la tâche, lorsque les systèmes de compensation sont dépassés.