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Les résultats des mots polysyllabiques

5 L’enquête empirique à Ayr (2001 – 2002)

5.4 Le corpus de Ayr

5.6.2 Résultats pour la durée vocalique

5.6.2.6 Les résultats des mots polysyllabiques

Notre objectif était de comparer le comportement de /i u ai/ en position finale de syllabe dans des mots composés de un et de deux morphèmes. On précisera ici que ce travail est nécessairement imparfait dans la mesure où le nombre de paires minimales était insuffisant pour ces mots.

Conformément à la SVLR, nous nous attendions à observer :

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L’analyse auditive jugeant de la qualité de la diphtongue a également donné des résultats équivoques, mais il semblerait que la majorité des informateurs la plupart du temps utilise la variante « courte » dans les quatre formes.

1) Une voyelle brève dans les mots monomorphémiques soon, cube,

Souness, Lucy, lupin, sepia, species, cider et cipher, même en position finale de syllabe car cette position a été évoquée en tant que longue seulement lorsqu’il s’agit d’un hiatus selon la formulation d’origine par Aitken ;

2) Egalement une voyelle brève dans soonest, cubist, sooty, rider, lifer,

biting, keeping où, à la suite de l’affixation, il n’y a a priori pas de resyllabification (cf. chapitre 3). Ce contexte contraste avec le premier dans le cas où la position finale de syllabe constitue malgré tout un contexte long ;

3) En revanche, une voyelle longue en position finale de morphème dans

blueness et shyness. Deux mots de ce contexte, shoeless et keyless, n’ont pas été analysables lors de l’étude acoustique et ont donc été rejetés, nous n’avons ici par conséquent pas de données pour la voyelle /i/.

Nous pouvons d’abord observer dans le Tableau 5-37 ci-dessous les durées mesurées pour /i/ dans les mots prononcés par la locutrice f2syalc1, pour mémoire seule représentante du corpus considéré.

Tableau 5-37 - /i/ dans les mots polysyllabiques (durées exprimées en millisecondes) species sepia keeping keep

1ère lecture 98 79 69 108 2ème lecture 100 69 77 100 3ème lecture 106 81 70 117 4ème lecture 107 84 81 107 5ème lecture 110 76 61 117 Moyenne 104 78 72 110

La moyenne des cinq lectures enregistrées nous informe d’une durée courte, voire très courte dans species, sepia et keeping (pour rappel, les résultats dans les mots monosyllabiques pour /i/ : 110-112 ms devant les occlusives sourdes, 115 ms devant /d/ et 133 ms devant la nasale /m/). Ici, dans sepia et dans keeping, la locutrice prononce un /i/ encore plus bref et ne marque pratiquement pas de différence entre les deux contextes : 78 vs 72 ms. Ceci indique que 1) par rapport à keep, /i/ s’abrège en

raison du fait qu’il est prononcé dans un mot polysyllabique, et que 2) la position finale de syllabe ne constitue pas un effet allongeant sur la durée de /i/.

Découvrons maintenant dans le Tableau 5-38 les résultats pour la voyelle /u/ :

Tableau 5-38 - /u/ dans les mots polysyllabiques (durées exprimées en millisecondes) soon soonest Souness blueness Lucy lupin cube cubist sooty

1ère lecture 154 81 94 143 87 - 181 83 68 2ème lecture 142 - - 140 - 55 179 84 73 3ème lecture 133 55 87 - 98 77 163 80 - 4ème lecture 155 71 94 149 115 71 182 101 72 5ème lecture 113 60 83 - 122 84 183 89 66 Moyenne 139 67 90 144 106 72 178 87 70

La durée moyenne de la voyelle est courte dans soonest (67 ms), sooty (70 ms),

lupin (72 ms), cubist (87 ms) et Souness (90 ms) et relativement longue dans soon (139 ms), blueness (144 ms) et cube (178 ms). Lucy, avec 106 ms, se situe un peu à part, entre ces deux « extrêmes ».

Dans les deux paires soon-soonest et cube-cubist, la voyelle /u/ s’abrège remarquablement dans les mots polysyllabiques de 139 à 67 ms et de 178 à 87 ms.108 Entre soonest, Souness et blueness, c’est seulement dans le contexte de position finale de morphème que /u/ garde une durée égale à soon (144 ms). Sooty, comme soonest, est prononcé avec une voyelle très courte (70 ms).

Dans les trois mots monomorphémiques de deux syllabes, on trouve un /u/ très court dans lupin et assez court dans Souness et Lucy. La différence est ici très probablement due au mode d’articulation de la consonne suivant la voyelle : la nasale et la fricative sourde constituent toutes deux un contexte phonétique plus allongeant que l’occlusive sourde.

En résumé, les données nous enseignent que pour la voyelle /u/ :

• Il n’y a pas de contraste dans la paire Souness - soonest, les deux mots étant réalisés avec une variante brève ; la position finale de syllabe semble donc constituer un contexte court.

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Cette locutrice, comme nous le verrons dans la section suivante, prononce un /u/ particulièrement long dans cube (cf. Tableau 5-41)

• La position précédant la frontière morphologique dans blueness, comparé à Souness, est en revanche différente : il s’agit bien ici d’un contexte long.

Pour la diphtongue /ai/, les données sont résumées dans le Tableau 5-39. La dernière ligne rapporte ici les observations basées sur une étude auditive de la qualité de celle-ci compte tenu de son importance prédominante sur la durée (‘l’ = variante « longue », ‘c’ = variante « courte »). Cette évaluation supplémentaire est à prendre en compte lorsque, par exemple dans cipher et dans rider, la durée moyenne coïncide : la réalisation de la diphtongue, bien que donc comparable en terme de durée, est toutefois très différente.

Tableau 5-39 - /ai/ dans les mots polysyllabiques (durées exprimées en millisecondes) cider cipher rider lifer biting shyness 1ère lecture 241 188 - 172 150 223 2ème lecture 222 214 222 171 149 226 3ème lecture 259 193 - 178 167 202 4ème lecture 229 197 178 182 157 202 5ème lecture 229 215 194 173 165 210 Moyenne 236 201 198 175 158 213 Qualité l l c c c l

Nous pouvons constater que :

• devant /d/, dans le mot monomorphémique cider, /ai/ est plus long que dans le mot composé de deux morphèmes rider : 236 ms vs. 198 ms, une différence accompagnée par des réalisations qualitativement distinctes ;

• de manière similaire, devant /f/, /ai/ est plus long dans cipher que dans

lifer : 201 ms vs. 175 ms, les deux variantes étant également distinctes en qualité ;

• biting, comme rider et lifer, est prononcé avec un /ai/ bref ; • shyness, comme cider et cipher, possède une diphtongue longue.

Ces résultats suggèrent que la frontière morphémique joue un rôle important dans la sélection des variantes de la diphtongue car elle est « brève » dans rider et lifer. Il est possible que la position finale de syllabe, dans les mots morphologiquement simples, constitue un contexte long, comme dans cider et cipher, or il ne s’agit ici pas d’un hiatus. La position finale de morphème, comme dans l’exemple de shyness, est un environnement long dans les mots polysyllabiques aussi bien que dans les monosyllabes.