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Eléments de synthèse quant à l’input et à l’environnement de la SVLR

6 La phonologie au prisme de l’enquête

6.2 Le système vocalique – La SVLR

6.2.3 Eléments de synthèse quant à l’input et à l’environnement de la SVLR

Nous avons, au début de notre description du SSE (au chapitre 2), souligné la redondance du trait long/bref dans le système vocalique du SSE compte tenu du fait que la durée y semble être entièrement prévisible selon les contextes phonétique et morphologique.

En revanche, en dressant un descriptif de la SVLR et en abordant sa représentation formelle, et donc de manière générale celle des voyelles (au chapitre 3), nous avons estimé, du fait de considérations émanant de contraintes et de processus phonologiques observées dans le SSE, que l’intégration de la longueur dans le système était nécessaire.

Nous avons en suivant observé l’application de la SVLR chez certains locuteurs d’Ayr (au chapitre 5), ce qui nous a permis de constater que la durée des voyelles n’est ici que rarement constante, elle est à la fois influencée par le voisement du segment suivant la voyelle et par la présence d’une frontière morphémique. Une véritable et forte alternance a été observée seulement pour trois voyelles dans ce second contexte : /i u/ et /ai/. En outre, alors que la diphtongue est aussi assez sensible à la présence d’une consonne voisée à sa droite, /i/ et /u/ ne le sont pas du tout (voir Tableau 6-7).

Tableau 6-7 - La sensibilité des voyelles au voisement de l’occlusive qui les suit et à la SVLR dans les morphèmes simples vs. composés

La sensibilité de la voyelle au voisement à la SVLR Moins de 10% d’écart i u e  e au Entre 10 et 20% d’écart    au i o  i Plus de 20% d’écart o a ai i u ai

Au final, notre proposition quant au système vocalique et à la longueur dans le SSE se résume aux points suivants : les voyelles du SSE sont longues à l’exception de /  i u/ et la SVLR s’applique aux voyelles hautes et périphériques /i u/, ayant pour effet de les allonger dans les contextes des fricatives voisées et de la rhotique, ainsi qu’en fin de morphème. Quant à la diphtongue /ai/, elle a subit un dédoublement phonologique (ou bien les deux variantes ont toujours été deux phonèmes distincts), comme nous le montrerons dans la section suivante (6.2.4).

Cette division des voyelles en deux groupes semble plus adéquate que celle que nous avions précédemment proposée, et aussi appropriée que celles présentées par McMahon (1991), Carr (1992), Anderson (1988, 1993) ou Kaminska (1995) (cf. chapitre 3) :

• Bien que nous ayons observé certains éléments de la phonologie de l’anglais parlé avec un accent écossais qui ont montré la nécessité de distinguer deux groupes de voyelles, et suggéré que cette distinction peut très bien s’exprimer en terme de longueur systémique, il convient de préciser que la division ainsi réalisée entre /i e a ѐ o u ai au ѐi/ et /  / n’est pas confirmée par le seul phénomène phonologique s’opérant avec une alternance de durée concrètement observable dans cette variété, la SVLR.

• De surcroît, nos observations quant à la durée phonétique, c’est-à-dire lorsque les voyelles se placent dans un environnement identique, semblent plutôt soutenir un classement opposant /i u  / à /i e  a ѐ o u ai au ѐi / : alors que les durées pour /i u  / se situent entre 110 et 120 ms dans une monosyllabe, le reste des voyelles semble plutôt se positionner autour de 200 ms (entre 170 et 230 ms, jusqu’à 260 ms pour les diphtongues).113 Dans un contexte « long » comme devant le suffixe du passé, c’est exactement à cette hauteur, approximativement 200 ms, que /i u/ s’allongent.114

113

Ces données sont ici tirées de nos mesures de la position précédant /d/. 114

Les résultats de McKenna (1988) indiquent également que parmi les monophtongues globalement (indépendamment de l’environnement consonantique) /e  a o / sont plus longs et / i  u/ sont plus courts (cf. chapitre 3).

• Si l’on se réfère maintenant aux études exposées en section 3.5, le trait tendu-lâche, nous l’avons vu, ne joue aucun rôle dans la sélection de l’input pour la SVLR. Il conviendrait de s’interroger sur la possibilité pour d’autres aspects de la phonologie du SSE de se révéler pertinents et de justifier le classement de Kaminska (1995), /i  e a ѐ o u/ vs. / /, et de McMahon (1991), /i u e o i/ ainsi parfois que /a ѐ/ vs. /   au ѐi/, et de se demander s’il est souhaitable que ce trait puisse être attribué de manière aussi flexible que chez ces deux auteurs.

• Si l’on veut, en revanche, maintenir une base phonétique, la séparation entre /i u  / et /i e  a ѐ o u ai au ѐi/ reflète la réalité de manière la plus fidèle. Il est vrai qu’attribuer le trait « bref » aux voyelles hautes d’un système vocalique donné n’est rien d’autre qu’une projection directe de la durée liée à l’articulation inhérente aux voyelles. Cependant, les longueurs constatées permettent de distinguer les voyelles hautes, tandis que les autres voyelles, non hautes, sont mélangées entre elles (/e/ et /o/ sont plus longs que /ѐ/ ; /a/, bien qu’il soit en effet le plus long parmi les monophtongues, n’est différent que de 9%).

• Le classement /i u  / vs. /i e  a ѐ o u ai au ѐi/ ne sépare ainsi ni la diphtongue /au/ (proposé, pour l’écossais, par Carr (1992)) ni la voyelle basse /a/ (Anderson 1988, 1993) des autres voyelles phonétiquement longues, ce que nous considérons comme globalement favorable.

• Quant aux spécificités de l’attribution lexicale de // et de /a/, leur absence en position finale de mot peut être due à une case vide (distribution déficiente sans raison apparente sur le plan phonotactique), ce qui est d’ailleurs, pour le /a/ de PALM, également vrai par exemple pour l’anglais parlé avec un accent RP.

• Enfin, il serait également souhaitable de vérifier si l’attribution de l’accent au niveau du mot se trouve compromise : à quel degré l’accent écossais devient-il « déraisonnable » si /i u  / sont brefs et /i e  a ѐ o u ai au ѐi/ sont longs ?

Notre enquête, qui se rapport à la durée et à son rôle dans la phonologie de l’anglais parlé avec un accent écossais, ne peut pas à ce stade nous renseigner davantage. Néanmoins, nous sommes maintenant en mesure de préciser certains éléments pour la description de la SVLR, et de contribuer également ainsi à une formalisation plus précise quant à l’application de la « Règle ».

En reprenant la version empirique de la SVLR pour le SSE proposée au chapitre 3 (formulée en (10)), nous la complétons ici avec nos observations issues de l’examen empirique réalisé à Ayr, en (32).

(10) La SVLR dans le SSE – Version empirique

/i u/ et /ai/ sont plus longs devant la fricative voisée /z/ que devant la fricative sourde /s/, ainsi que devant une frontière morphémique suivie de /d/ par rapport à /d/ tautomorphémique. L’alternance des variantes de /ai/ est accompagnée par une différence claire de mouvements formantiques.

(32) La SVLR dans le SSE – Extension de la version empirique

Dans les mots monosyllabiques, /i/ et /u/ sont plus longs devant la fricative voisée /z/ que devant la fricative sourde /s/, ainsi que devant une frontière morphémique suivie de /d/ par rapport à /d/ tautomorphémique.

Une alternance est également déclenchée dans le même environnement de la diphtongue /ai/, cette alternance est essentiellement basée sur une différence qualitative.

Dans les mots polysyllabiques, la syllabe ouverte semble constituer un contexte court pour /i/ et /u/, mais un environnement long pour /ai/.

Enfin, il conviendrait d’examiner de plus près d’autres environnements que la position « habituelle » devant /d/ et /#d/ : les contextes constitués par / d /, classés parmi les contextes courts, seraient peut-être ainsi variables ou longs.