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La définition phonologique de l’environnement de la SVLR

3.5 Aspects théoriques : les implications de la SVLR au niveau du système vocalique

3.5.4 La définition phonologique de l’environnement de la SVLR

La SVLR a lieu devant les fricatives voisées, la rhotique, et à la fin du morphème. La représentation phonologique de cet environnement pose deux problèmes : saisir la classe naturelle que constituent /v  z / et /r/ ; et formaliser « la Règle » en tenant compte de son application avant certains processus morphologiques.

(16) La SVLR - Version intermédiaire Un groupe de voyelles longues s’abrège :

- lorsqu’elles sont suivies d’une plosive, d’une fricative non-voisée, d’une nasale et de la latérale ;

- mais retiennent leur durée longue lorsqu’elles précèdent les fricatives voisées et la rhotique, ainsi qu’en position finale de morphème.

Deux questions se posent ainsi immédiatement : pourquoi les fricatives voisées et la rhotique ne déclenchent-elles pas l’abrègement, et en quoi sont-elles différentes des autres consonnes ? Considérant en premier lieu l’environnement segmental, il est clair que les cinq consonnes du contexte long sont voisées, mais rien d’autre ne semble unir les obstruantes /v  z / et une sonante /r/. Il serait peut-être possible d’associer la

rhotique aux fricatives voisées, ce choix cependant ne pouvant se baser seulement sur un phénomène unique. Bien que la réalisation fricative est un des allophones de la rhotique, il n’y a pas de processus dans la phonologie du SSE, à part la SVLR, qui semble indiquer un vrai « comportement fricatif » du /r/.65

Il est également possible de recourir au trait [continu], qui s’applique normalement aux sons d’une articulation continue, c’est-à-dire pour les voyelles et les fricatives mais pas pour les plosives, les affriquées et les nasales (où l’air s’échappe à travers la cavité nasale). En ce qui concerne les liquides, se basant sur le fait qu’un contact a lieu lors de l’articulation du /l/ entre la langue et le palais, la catégorisation de ce dernier avec les consonnes discontinues pourrait se justifier. Cependant, ce raisonnement au niveau de l’articulation perd fortement de son charme si l’on considère également que dans le même temps /l/ est toujours très vélaire dans l’accent du SSE, et parfois complètement vocalisé dans certaines positions sans aucun contact direct. En revanche /r/, de son côté est très couramment réalisé comme une battue, c’est-à-dire avec un contact rapide entre la langue et le palais.

Le dernier élément qui permettrait de dissocier la liquide latérale de la rhotique évoque la hiérarchie universelle de sonorité. Cette hiérarchie, fondée tantôt sur la base des phénomènes phonologiques au niveau de la syllabification et des regroupements phonotactiques, tantôt sur des corrélations phonétiques, comprend une sorte de classification de tous les sons selon leur perceptibilité, force, intensité ou résonance (Ladefoged 1993, Clements 1988, 2006 par exemple). Il semble effectivement que plusieurs langues témoignent d’une sonorité plus importante du /r/ par rapport au /l/ (cf. Smith (2003) et son analyse du dialecte Sestu du sarde campidanien, par exemple).

(17) La hiérarchie de sonorité (Smith 2003) – Du moins au plus sonore plosives sourdes fricatives sourdes plosives voisées fricatives voisées nasales laterales rhotiques voyelles hautes voyelles basses 65

Du point de vue phonologique, Lass (1974) rapporte toutefois un dévoisement en position finale de la rhotique ressemblant au dévoisement des obstruantes, et ajoute que ceci n’a pas été observé pour la latérale. A cela on pourrait ajouter le dévoisement de la rhotique qui a lieu également dans une attaque aspirée, comme avec train, tray, etc. De tels arguments pourraient éventuellement justifier un reclassement de la rhotique parmi les obstruantes.

Nous pouvons également remarquer que, plus globalement, la hiérarchie sépare en revanche les fricatives de la rothique :

(18) La hiérarchie de sonorité – Version simplifiée (Clements 2006), allant du moins au plus sonore

obstruantes < nasales < liquides < semi-voyelles < voyelles

Comparable à cette hiérarchie, il existe également un classement des consonnes cette fois fondé sur l’effet direct qu’un segment suivant une voyelle peut produire sur la durée de cette dernière. Nous citons ici trois classements issus d’études empiriques sur les voyelles du General American, d’après l’article de de Lacy :66

(19) L’effet de « continuité » – L’effet que l’articulation continue-discontinue d’une consonne peut avoir sur la voyelle précédente

plosives sourdes, affriquée sourde < fricatives sourdes < plosives voisées, affriquée voisée, nasales, latérale < fricatives voisées (de Lacy 1998)

plosives sourdes, affriquée sourde < fricatives sourdes, plosives voisées, affriquée voisée < nasales, latérale< fricatives voisées (Peterson & Lehiste 1960)

plosives sourdes, affriquée sourde < fricatives sourdes, latérale < plosives voisées, nasales < fricatives voisées (van Santen 1992)

Il semble que le voisement et le mode d’articulation d’une consonne influent de façon combinée sur la durée du segment vocalique qui la précède. La fricative voisée /z/ constitue l’environnement segmental dans lequel les voyelles américaines sont les plus longues selon les trois études. Malheureusement, il n’y a pas d’indication se rapportant à l’effet de la rhotique, ce qui nous empêche de tirer une conclusion concernant le comportement similaire ou dissimilaire de cette dernière et de la fricative voisée.

Même si les choix descriptifs restent insatisfaisants, il existe au moins un autre système phonologique que celui du SSE doté de phénomènes phonologiques se déroulant dans le même environnement : l’allongement vocalique en français standard et dans le français québécois. Dans le français du Québec, on peut observer un

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Il convient de préciser que les mesures sur lesquelles ces trois classements sont fondés ne se rapportent pas aux mêmes voyelles : de Lacy a étudié la voyelle //, Peterson et Lehiste ont examiné les voyelles courtes et van Santen a investigué l’ensemble des voyelles ; l’effet observé est cependant très similaire dans les trois cas. Quant aux contextes consonantiques, les segments étudiés dans les trois analyses sont : /t t s d d n l z/.

relâchement des voyelles hautes /i y u/ en [ @ )] en position finale de mot et devant une consonne autre que les fricatives voisées /v z / et /r/. Cet environnement a pour l’effet 1) d’allonger la voyelle précédente en position finale de mot (et, optionnellement, en position finale de syllabe), et 2) d’empêcher le relâchement des voyelles hautes.

Il nous reste encore à incorporer à l’environnement segmental l’information morphologique à laquelle se réfère également la SVLR. Nous allons maintenant à cette fin nous pencher sur diverses propositions dans le cadre théorique de la Phonologie Lexicale.