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CHAPITRE 7 RÉSULTATS COMPLÉMENTAIRES

7.1 Résultats sur la maîtrise de la demande en énergie

Des expériences complémentaires ont été conduites avec le modèle d’ACV-SMA pour étudier plus en détail l’influence des facteurs attitudinaux du modèle de Stern (Stern, 2000). En effet, le chapitre 4 a démontré que ces facteurs pouvaient avoir un effet important sur les résultats des simulations du modèle d’ACV-SMA. Les effets de trois hypothèses simplificatrices faites sur les facteurs attitudinaux sont ainsi présentés dans la figure 7.1 (en anglais).

Premièrement, ne pas prendre en compte l’effet de la conformité aux pairs (𝑝𝑐 = 0 au lieu de 𝑝𝑐 = 0.275 dans le modèle), modifie la réduction moyenne permise par les domiciles intelligents de 2.0 +/- 0.4 % à 2.7+/- 0.3 % dans les simulations, une différence statistiquement significative de 34 %.

Négliger la prise en compte de la difficulté inhérente aux changements comportementaux (tel que défini par Kaiser et al. (Kaiser et al., 2010)), entraîne également une différence significative dans les résultats de 166 %. La réduction moyenne permise par les domiciles intelligents passe de 2.0 +/- 0.4 % à 5.4+/- 0.4 % lorsque la difficulté des ménages à changer leurs comportements n’est pas prise en compte (𝑝𝑘𝑖 = 1 au lieu de 𝑝𝑘𝑖 = 0.2 dans le modèle). On peut noter par ailleurs que la réduction de la consommation d’électricité obtenue avec cette hypothèse simplificatrice correspond au maximum observé3 dans les résultats des études empiriques utilisé pour valider le modèle d’ACV-SMA (Delmas et al., 2013).

Enfin, la différence de résultats dû à l’hypothèse simplificatrice concernant le niveau d’attitude des ménages (tous les ménages supposés de type « épicurien » au lieu de suivre la distribution nord-américaine (Valocchi et al., 2007)) n’est pas statistiquement significative. Cependant,

3 Valeur maximale de réduction reportée de 5 % pour les études empiriques de haute qualité à partir desquels la

l’interaction entre ce facteur et la difficulté à changer les comportements contribue significativement à 2.1 % de la variance des résultats du plan d’expérience illustré par la figure 7.1. L’interaction de ce facteur avec le facteur de conformité aux pairs contribue aussi (dans une moindre mesure, mais de manière significative) à la variance des résultats.

Figure 7.1 Réduction de la consommation d’électricité des domiciles intelligents selon différentes hypothèses simplificatrices

Un résultat pertinent, déjà mentionné dans le chapitre 4 est l’effet de la conformité aux pairs. Bien que celle-ci puisse avoir un effet positif une fois que suffisamment de ménages ont commencé à changer leurs comportements, ce facteur a un effet négatif au début des simulations (puisque peu de ménages ont amorcé des changements comportementaux). Au total, accroitre la probabilité des ménages à se conformer à leurs pairs a un effet négatif dans les simulations. Ces résultats démontrent à nouveau la pertinence d’inclure des informations issues des sciences comportementales dans l’ACV. Celles-ci peuvent informer les décideurs sur les stratégies de maîtrise de la demande en énergie les plus efficaces dans la réduction des impacts environnementaux. Pour l’étude de cas des domiciles intelligents, faciliter les changements de comportements par exemple à l’aide de conseils pratiques serait une stratégie à prioriser au début. Utiliser la pression par les pairs serait ensuite une stratégie envisageable lorsque plusieurs ménages ont déjà changé leurs habitudes.

L’influence des contraintes sociales dans le scénario de maîtrise de la demande en énergie étudiée au chapitre 5 a aussi été analysée dans le cadre de ce projet de recherche. Dans un premier temps, une contrainte sur la plage horaire pendant laquelle les ménages acceptent de potentiellement décaler l’utilisation de la sécheuse est modélisée. Pour cela, les équations suivantes ont été ajoutées au problème d’optimisation décrit par les équations 5.9-5.13 du chapitre 5 :

𝝍𝑻(𝒙𝝎− 𝒃𝝎) ≤ 0, ∀𝜔 (7.1)

−𝝍𝑻(𝒙𝝎− 𝒃𝝎) ≤ 0, ∀𝜔 (7.2)

Dans lesquelles 𝒙𝝎 et 𝒃𝝎 représentent l’usage optimisé et l’usage du scénario de référence de la

sécheuse par le ménage 𝜔 (et comme énoncé au chapitre 5 : 𝑥𝑡𝜔, 𝑏𝑡𝜔 ∈ {0, 1}, ∀𝜔, 𝑡). Le vecteur 𝝍, de dimension 24, contient des 0 sur la plage horaire où le ménage accepte de décaler l’utilisation de la sécheuse et les termes d’une suite arithmétique de raison (et premier terme) 1 sinon. Les contraintes 7.1 et 7.2 permettent ainsi de restreindre le décalage dans le temps de la sécheuse à la période désirée, qui est considérée être de 9 h à 21 h. Cette période a été choisie, car en dehors de celle-ci la nuisance sonore doit être limitée à Toronto (Toronto, 2003).

Dans un second temps, une contrainte économique est ajoutée au modèle. Il est supposé cette fois-ci que les ménages ne désirent pas décaler leurs consommations d’électricité si celle-ci accroit leurs factures d’électricité. La contrainte est modélisée avec l’équation 7.3.

𝒑𝑻(𝒙𝝎− 𝒃𝝎) ≤ 0, ∀𝜔 (7.3)

Dans laquelle 𝒑 est un vecteur représentant le prix de l’électricité à différents moments de la journée selon la tarification horaire de l’Ontario (Ontario Energy Board, 2015). Enfin, l’étendue de la limite de décalage dans le temps a été étudiée (des limites de décalage de 2, 4, 6 et 8 heures après la situation du scénario de base ont été supposées). Une limite inférieure de 0 heure de décalage a été conservée puisqu’il a été supposé que la sécheuse ne pouvait pas être utilisée avant la laveuse.

La figure 7.2 (en anglais) illustre les résultats obtenus en ajoutant ces contraintes. Une seule métrique pour le décalage dans le temps a été étudiée : les émissions de CO2 marginales. D’après

la figure, la contrainte sur la période possible de décalage limite plus les bénéfices environnementaux que la contrainte économique. Cette dernière n’affecte que peu les résultats. Ainsi la contrainte sur la période disponible pour le décalage de la demande réduit les bénéfices

environnementaux de 27.0 % en moyenne alors que la contrainte économique réduit les bénéfices de 1.7 % en moyenne. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que les émissions marginales et le prix de l’électricité soient positivement corrélés. Ainsi, lorsque la demande est décalée de façon à minimiser les émissions marginales, le coût est également globalement minimisé. La figure 7.2 confirme aussi les résultats de la figure B4.1 : les bénéfices environnementaux du décalage dans le temps de la demande augmentent de façon non linéaire avec l’étendue de la limite de décalage dans le temps.

Figure 7.2 Effet de contraintes supplémentaires du décalage de la demande sur la réduction de l’impact sur le changement climatique (les barres d’erreur représentent l’intervalle de confiance à

95 %)

Les résultats complémentaires de cette section démontrent à nouveau l’influence des dimensions humaine et temporelle sur la phase d’utilisation. Lors du décalage dans le temps de la demande (figure 7.2), les contraintes dues aux pratiques des individus (par exemple limiter les activités bruyantes la nuit) peuvent avoir un effet sur les résultats. De la même manière, dans les domiciles

intelligents (figure 7.1), la conformité aux pairs, la difficulté (c’est-à-dire l’effort [physique et mental], le temps ou encore l’argent nécessaire) inhérente aux changements comportementaux et l’attitude des ménages ont un effet sur la réduction de la consommation d’électricité.

Les résultats démontrent à nouveau la capacité de la méthodologie développée dans le cadre de cette thèse à saisir les dimensions humaine et temporelle lors de l’ACV des systèmes sociotechniques. La somme des comportements d’un individu forme des pratiques qui s’expriment dans le temps (Røpke & Christensen, 2012). Ainsi, la méthode pose aussi les premières pierres angulaires de l’ACV de pratiques. Comme ces pratiques sont fortement ancrées dans la culture des ménages (et même des individus composant le ménage) (Subrémon, 2011), le contexte culturel pourrait être exploré plus en détail dans de futures recherches sur la maîtrise de la demande en énergie, les domiciles intelligents ou d’autres systèmes sociotechniques.