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4.3.1

Observations

L’expérience a été réalisée sur un grand nombre de GUVs. Il arrivait parfois que les vésicules éclatent avant que leur taille ne se stabilise. Les jeux de données correspondants ont été écartés, et nous avons conservé en tout 51 jeux de données correspondant à 51 vésicules différentes.

La première chose à noter est la confirmation de l’existence du rayon critique Rc. En effet, après une trentaine d’impulsions ne restaient plus

dans la chambre de pulsation que des vésicules de taille inférieure à celle de la vésicule d’intérêt. L’application d’une nouvelle séquence d’impulsions d’amplitude plus élevée fait à nouveau décroître le rayon des liposomes de l’échantillon. À plusieurs reprises, la diminution de taille ne commença pas directement après la première impulsion, mais après quelques unes. Comme décrit à la section 4.2, ceci peut s’interpréter comme si les GUVs avaient besoin d’un certain nombre de défauts à leur surface afin de bas- culer dans le régime de décroissance. Ces défauts pouvant résulter de processus activés, on peut considérer qu’ils apparaissent avec une même

probabilité q à chaque application d’une impulsion, et qu’une fois présents le liposome commence effectivement à expulser des lipides après chaque impulsion suivante.

La figure 4.2 présente 4 exemples typiques des jeux de données re- cueillis (croix) ainsi que les ajustements correspondants réalisés à l’aide de la formule 4.8. Les diamants correspondent aux images des figures 4.3 et 4.4 illustrant les différentes manières d’éjecter des lipides, décrites ci-dessous.

4.3.2

Mécanismes de perte de lipides

La présence de molécules fluorescentes dans la membrane a permis d’observer que la décroissance de taille était accompagnée de l’expulsion de lipides. Nous avons pu identifier trois sortes de mécanismes spectacu- laires pour l’éjection des lipides. J’emploierai les termes éjection ou expul- sion pour désigner la formation de structures détachées de la membrane, mais aussi de structures encore en contact avec la partie sphérique de la bi- couche définissant réellement la vésicule. Les trois principaux mécanismes de perte de lipides sont représentés dans les figures 4.3, 4.4, 4.5 et 4.6.

Le mécanisme observé le plus fréquemment est la formation de petits objets, agrégats, petites vésicules ou micelles au niveau des pôles faisant face aux électrodes. Ces petites vésicules étaient la plupart du temps ex- pulsées vers l’extérieur du liposome, mais il est aussi arrivé quelquefois qu’elles se retrouvent piégées à l’intérieur du GUV. Les liposomes A et C de la figure 4.3, ainsi que celui de la figure 4.5 ont éjecté leurs lipides de cette manière. Un phénomène similaire a été rapporté dans [Marszalek 95]. Des cellules d’oursin exposées à des champs électriques alternatifs à haute fré- quence commencent par être allongées et déformées dans la direction du champ, puis se partagent en deux petites cellules entourées d’un grand nombre de plus petites vésicules.

Le deuxième phénomène que nous avons observé est sans doute le plus fascinant à contempler (voir figures 4.3 et 4.6). Des structures en forme de tubules pouvaient être créées par l’application des impulsions électriques. Les molécules de DOPC expulsées de la membrane formaient alors ces sortes de tubes lipidiques, dont la longueur augmentait avec le nombre d’impulsions reçues. Ces structures apparaissaient dans la vaste majorité des cas sur le pôle du GUV faisant face à l’anode (électrode positive), et demeuraient attachées à l’enveloppe sphérique du liposome. Elles sem- blaient ensuite se rapprocher de l’équateur, pour finir par couvrir la quasi- totalité de l’hémisphère face à l’anode, comme on peut le constater sur la figure 4.3. Nous avons aussi observé que les tubules pouvaient croître face à la cathode, sur la surface intérieure du liposome. Ces structures diffu-

saient elles-aussi vers les régions équatoriales, mais leur nombre et leur longueur étaient moindres que ceux des tubes issus du pôle face à l’anode, qui abritait la vaste majorité des tubules formés. Notons que ces tubules ont une forme similaire à celle des structures observées dans [Khalifat 08]. L’application de gradients locaux de pH d’environ 4 unités peut causer la création de tels tubules dans des GUVs contenant de la cardiolipine, ce qui a permis d’étudier dans un système modèle minimal la formation des tubes membranaires caractéristiques des membranes internes de mitochondries. Enfin, nous avons aussi observé la présence de pores de plusieurs mi- crons de taille face à la cathode, comme rapporté dans [Tekle 01]. La vi- sualisation de ces macropores était plutôt rare en raison de leur durée de vie (de l’ordre de quelques centaines de millisecondes, voir le chapitre 5) similaire au temps d’acquisition d’une image avec le système utilisé lors de ces expériences (microscope confocal Zeiss LSM 510, cf annexe A). Néan- moins, nous avons réussi à quelques reprises à imager de tels évènements. La figure 4.4 montre le liposome D qui, après être rentré dans le régime de décroissance au bout de 16 impulsions, a montré la formation de ma- cropores à la suite des seizième et dix-huitième impulsions (cf images D2 et D4). Sur les photos suivantes, on assiste au début de la formation des tubules décrits précédemment. On peut ainsi conclure que ces deux mé- canismes pourraient avoir lieu simultanément pour le même GUV. Le fait que nous avons détecté relativement peu de macropores est très vraisem- blablement dû à la faible vitesse d’acquisition de notre appareil. Il a été montré récemment que la formation de macropores pouvait être induite dans des GUVs par solubilisation de la membrane, et que ce procédé s’ac- compagnait de la perte de matériel lipidique et d’une diminution de la taille du liposome [Rodriguez 06].

L’évolution à long terme des structures décrites ci-dessus (après l’ar- rêt du train d’impulsions) était très variable d’une expérience à l’autre. Les petites vésicules, la plupart du temps, s’éloignaient du GUV dont le rayon restait alors constant. Le comportement des tubules était sujet à beaucoup plus de variations, et dépendait fortement de leur environne- ment immédiat, et de s’ils entraient en contact avec d’autres objets ou pas. Certains tubules pouvaient se rompre et s’écarter du GUV, en formant de petits agrégats de lipides. D’autres restaient attachés à la membrane et ondulaient dans la solution, à la manière de cheveux dans le vent. Dans certains cas, après quelques minutes, ils pouvaient même être réincorpo- rés dans la membrane du GUV, qui par la suite adoptait une forme finale non sphérique à cause de l’aire lipidique en excès à disposition.

Notons que ces expériences ont été réalisées avec un marqueur fluo- rescent chargé négativement (Rhodamine PE), mais qu’elles ont aussi été

reproduites avec des marqueurs neutre (Pérylène) ou chargé positivement (DiIC18). Dans tous les cas, la migration des vésicules vers l’anode avait toujours lieu, et l’asymétrie des phénomènes entre les deux pôles était maintenue. On peut donc raisonnablement écarter la charge de la sonde comme cause des différents phénomènes observés sur les deux hémi- sphères.

4.3.3

Analyse quantitative des données

La réalisation de 51 expériences a permis d’obtenir 51 triplets de va- leurs pour les trois paramètres d’ajustement de l’équation 4.8 notés Nc, λfit et Wfit

c . Les distributions de ces quantités sont données dans les fi-

gures 4.7, 4.8 et 4.9. On remarque que les valeurs obtenues pour λfitet Wcfit

exhibent des variations autour de leur valeur moyenne. Il est normal que ces valeurs mesurées λfit et Wfit

c fluctuent autour de leurs vraies valeurs λ

et Wc. En effet, dans notre système, le champ électrique perçu par la vési-

cule d’intérêt sera soumis à des fluctuations locales, notamment à cause de la présence d’autres vésicules en solution. On peut aussi s’attendre à ce que l’évolution de la tension de surface du GUV au fil de chaque expé- rience soit différente (par exemple à cause des diverses manières de perdre des lipides) ce qui peut causer des variations dans la mesure des seuils de perméabilisation [Riske 05]. Ces deux effets impliquent des variations sur les valeurs mesurées Wcfit. Les fluctuations de λfit peuvent s’expliquer

par une variation du nombre et de la nature de défauts présents dans la vésicule lors du régime de décroissance. Cette hypothèse est légitime étant donné que nous avons vu que l’entrée dans le régime de décroissance (et donc l’apparition de défauts) est de nature stochastique.

On peut commencer l’analyse en considérant la moyenne de toutes les courbes expérimentales, et en ajustant ce nouveau jeu de données avec la formule 4.8. On obtient alors les valeurs Nc = 1.73, λ=0.16 et Wc =0.65,

signifiant qu’une vésicule aurait besoin de subir deux impulsions avant de commencer à rétrécir, qu’elle perdrait alors 16% de l’aire perméabilisée par impulsion, et que son rayon final serait égal à 0.65 fois son rayon initial.

Une deuxième façon de procéder est de calculer les moyennes arith- métiques des 51 triplets de paramètreshNci, hλfitiethW

fit

c i. Cette méthode

donne les résultats suivants :hNci=4.99, hλfiti= 0.25 ethW fit

c i= 0.58.

Notons que les deux valeurs ainsi obtenues pour Nc sont compatibles

avec la valeur 1/q = 3 obtenue en ajustant une distribution géométrique de paramètre q (cf équation 4.9) à la distribution des valeurs mesurées de

Les données ont été examinées afin de savoir s’il existait des corréla- tions entre les valeurs ajustées de λ et Wc et le rayon initial des vésicules,

mais aucune tendance particulière n’a été remarquée. Ceci valide notre description du rétrécissement des liposomes à l’aide des rayons adimen- sionnels W(n).