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Mesure de tensions de bord

1.2 L’électroperméabilisation

2.2.4 Mesure de tensions de bord

Les chaînes hydrocarbonées des lipides sont hydrophobes, et le coût énergétique par unité de longueur pour laisser le cœur d’une membrane lipidique exposé à l’eau est appelée la tension de bord γ. On suppose sou- vent que pour des bords suffisamment grands les têtes polaires des lipides peuvent tapisser les bords pour les rendre hydrophiles, mais il y a toujours dans ce cas une tension de bord à payer à cause du coût en énergie associé au réarrangement des queues des lipides. La tension de bord est une pro- priété physique des bicouches lipidiques, qui peut aussi éventuellement dépendre de la composition du milieu externe. C’est cette quantité qui fait qu’un bout de membrane plane plongé dans l’eau a tendance à se courber pour former une vésicule, et qui est à l’origine de la force causant la fer- meture de pores dans des bicouches lipidiques [Fromherz 86, Sandre 99]. Pour parler simplement : plus élevée est la tension de ligne, plus élevé sera le coût énergétique pour maintenir un pore ouvert, et donc plus vite le pore se refermera. On comprend donc que la vitesse de fermeture de pores peut a priori contenir des informations sur la tension de bord du système étudié.

L’application de champs électriques à des GUVs peut permettre de me- surer cette tension de bord, de différentes manières. Harbich et Helfrich observèrent des vésicules géantes d’EggPC, cylindriques et ouvertes, dans des champs alternatifs, et en déduisirent une valeur pour la tension de bord γ d’environ 20 pN [Harbich 79]. Zhelev et Needham obtinrent des va- leurs du même ordre avec des vésicules de SOPC et de SOPC:cholestérol (1:1, mol:mol), en couplant électroperméabilisation et aspiration de la vé- sicule avec des micropipettes [Zhelev 93]. Cette approche n’était toutefois pas évidente à mettre en œuvre en raison des dispositifs sophistiqués re- quis pour la micromanipulation. Nous avons développé une méthode de mesure de la tension de bord par l’analyse de la vitesse de fermeture d’un macropore induit dans le GUV par application d’une impulsion électrique, à la lumière de la théorie décrite dans [Brochard-Wyart 00]. Cette méthode présentée en détail au chapitre 5 est une variante de celle utilisée dans [Karatekin 03], mais a l’avantage de ne nécessiter l’utilisation ni de glycérol ni de sonde membranaire fluorescente, composés pouvant éventuellement

avoir une influence sur γ. Elle est en outre facile et rapide à utiliser.     GUV AC field DC pulse Motion of domains Electrodeformation Determination of kc and 0 Electrodeformation Size decrease Determination of c Electrofusion Electroporation Determination of , loading of vesicles Microreactors, ... More theoretical work required... More theoretical work required...

Figure 2.1: Schéma récapitulant l’influence des champs électriques sur des vésicules lipidiques géantes et leurs applications pratiques. La mention “More theoretical work required...” indique que notre compréhension des phénomènes mentionnés est pour le moment limitée, et qu’une connais- sance approfondie est requise pour nous permettre de concevoir des appli- cations.

Chapitre 3

Quelques relations utiles pour la

suite

Dans ce chapitre nous allons énoncer quelques équations qui vont re- venir de manière récurrente dans la partie II. Ces relations concernent la différence de potentiel transmembranaire et la tension de surface induites par un champ électrique.

3.1

Différence de potentiel transmembranaire

Le modèle de membrane le plus communément utilisé pour décrire l’électroperméabilisation est celui d’une coquille sphérique de rayon R, d’épaisseur a et de conductivité λm, encapsulant un milieu ohmique de

conductivité électrique λi, et baignant dans un milieu de conductivité λe.

Les électrodes, planes et infiniment étendues, sont placées très loin de l’ob- jet. La figure 3.1 montre la géométrie utilisée. Cette géométrie est employée avec succès dans l’étude de l’électroperméabilisation de cellules vivantes, bien qu’elle représente un modèle très simplifié d’une cellule. Elle s’ap- plique aussi très bien aux objets auxquels nous nous intéresserons dans cette thèse, les GUVs, qui sont bel et bien des objets sphériques avec une membrane régulière.

Quand un champ électrique est appliqué, i.e. quand on impose le po- tentiel au niveau des électrodes, le potentiel électrique ψ est modifié en tout point du système. L’effet prépondérant du champ électrique est d’in- duire une différence de potentiel∆ψà travers la membrane. Cette différence de potentiel induite, ou potentiel transmembranaire, est d’une importance capitale pour l’électroperméabilisation. C’est cette quantité que l’on admet déclencher la perméabilisation de la membrane.

E

a R r θ O

Figure 3.1: Géométrie utilisée pour le calcul de la différence de potentiel à travers la membrane d’un GUV.

Dans le cadre de la géométrie dépeinte à la figure 3.1, on peut résoudre analytiquement les équations de Maxwell pour ψ, et obtenir une expression exacte pour∆ψ. Dans la limite a R(ce qui bien est le cas pour des GUVs où a/R ≈ 10−3) et λ

m  λi et λe (cette condition est aussi vraie dans nos

expériences, où la conductivité d’une bicouche lipidique non perméabilisée est très inférieure aux conductivités des milieux interne et externe à la vésicule), on obtient pour la différence de potentiel transmembranaire (voir par exemple [Neumann 89, chapitre 1 par H.P. Schwan] ou les références y figurant) : ∆ψ= 3 2REcos(θ) 1− exp − t τc !! , (3.1)

où E est l’intensité du champ appliqué par l’expérimentateur (i.e. le champ loin ou en l’absence de la vésicule), t est le temps écoulé depuis le début de l’application du champ, θ est l’angle repérant le point d’intérêt sur la surface du liposome par rapport à la direction du champ et τc le temps de

charge de la membrane donné par

τc = RCm 1 λi + 1 2λe ! , (3.2)

Cm désignant la capacité par unité de surface de la bicouche lipidique,

tiel transmembranaire croît avec le temps, avant de se stabiliser au bout de quelques τc à sa valeur maximale. Dans nos expériences sur GUVs, τc

vaut typiquement quelques dizaines, au plus centaines de microsecondes. Comme nous nous intéressons principalement à l’effet d’impulsions élec- triques longues (quelques millisecondes), nous pouvons considérer que la différence de potentiel induite par une impulsion atteint sa valeur maxi- male et vaut donc :

ψ= 3

2REcos(θ). (3.3) Cette relation est souvent nommée équation ou formule de Schwan dans la communauté de l’électroperméabilisation. On y voit que ∆ψ sera d’au- tant plus important que la vésicule sera grande ou le champ intense. Le terme en cos(θ) indique que la différence de potentiel est extrémale dans les zones faisant face aux électrodes, aux pôles du GUV. C’est donc à ces endroits que le champ électrique à travers la membrane Em ∼ ∆ψ/a sera

le plus intense et le plus à même de perméabiliser la membrane. Ceci est en parfait accord avec les observations expérimentales qui montrent aussi bien sur des cellules vivantes ou sur des liposomes géants que la perméa- bilisation a lieu majoritairement dans les régions de la membrane face aux électrodes [Tekle 94, Tekle 01]. Remarquons que le champ électrique à tra- vers le membrane Em est beaucoup plus intense que le champ E appliqué

par l’expérimentateur. Ce dernier est amplifié d’un facteur R/a ≈ 1000 ; c’est cette caractéristique qui rend l’électroperméabilisation possible et si efficace.