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III.6 Résultats des estimations

III.6.2 Résultats du modèle spatial à double régime

Jusqu'à présent, les résultats que nous avons mis en évidence en estimant

dif-férentes spécications du modèle III.14 reposent sur une hypothèse implicite forte :

qu'elles coopèrent ou non, les communes interagissent entre elles exactement de la même

façon. Or l'un des objectifs de l'intercommunalité consiste précisément à internaliser les

eets de débordement des biens et services publics locaux et à améliorer la coordination

entre communes (cf. ChapitreI).

Ermini et Santolini [2010] ont déjà testé cette idée dans le cas des communes

italiennes de la région des Marches. Pour ce faire, elles ont estimé un modèle de

complémentaire 1−Coopi,t19. Ainsi, les communes qui coopèrent au sein d'une unione

di comune semblent interagir moins intensément avec leurs voisines. Toutefois, cette

démarche suppose implicitement qu'une commune qui coopère interagit exactement de

la même façon avec l'ensemble de ses voisines, peut importe qu'elles fassent partie de

la même unione di comune ou non. C'est donc dans le but de lever cette hypothèse que

nous proposons ici d'estimer le modèle spatial à deux régimes III.15, où sont

précisé-ment distinguées les interactions entre communes membres d'une même communauté

(P

jwi,jSAM Eln (zj,t)) et les autres (P

jwOT HERi,j ln (zj,t)) (cf. Sous-section III.3.3).

La stratégie d'estimation est identique à celle présentée dans la section précédente :

on estime tout d'abord le modèle sans interactions verticales (colonne 1) ; Coopi,t est

ensuite introduit de manière exogène (colonne 2) puis endogène (colonne 3) et de même

pour nir avec zi,tepci (colonnes 4 et 5). Les résultats sont présentés dans la Table III.6.

On constate que l'impact du potentiel scal des communes sur leur niveau de

dé-penses reste positif et très signicatif dans chaque spécication du modèle. En revanche,

cette stabilité n'est plus vériée pour les estimateurs associés aux termes d'interactions

spatiales, qui varient sensiblement d'une spécication du modèle à l'autre. Aussi, nous

allons nous concentrer sur les résultats obtenus avec notre spécication préférée : lorsque

Coopi,t et zi,tepci sont introduits de manière endogène dans le modèle (colonnes 3 et 5).

Une fois encore, ces variables apparaissent non signicatives, ce qui conrme notre

Ré-sultat III.2 : la coopération intercommuale n'a aucun impact direct sur le niveau de

dépenses des communes. En revanche, elle semble être un moyen ecace pour

modi-er le comportement stratégique des communes. En eet, on constate que le coecient

19. En procédant de la même façon, notre modèleIII.14deviendrait donc :

ln (zi,t) = α+ρ1Coopi,tPjwi,jln (zj,t) +ρ2(1−Coopi,t)P

jwi,jln (zj,t) +δCoopi,t

+ η1ln (Densite´it) +η2ln (P ct_P op15it) +η3ln (P ct_P op60it)

+ η4ln (Revenu_moyenit) +η5ln (P otentiel_f iscit)

+ η6ln (DGFit) +µt+εi,t

p-values entre parenthèses * p < 0.10, ** p < 0.05, *** p < 0.01.

Instruments (1), (3), (4) et (5) : pct_pop15, revenu_moyen, potentiel_sc et dgf décalées

spatiallement avec la matrice de pondération WSAME; densité, pct_pop15 et potentiel_sc décalées

spatiallement avec la matrice de pondération WOTHER.

Instruments (2) : potentiel_sc et dgf décalées spatiallement avec la matrice de pondération WSAME;

densité, pct_pop15 et potentiel_sc décalées spatiallement avec la matrice de pondération WOTHER.

Table III.6 Résultats des estimations du modèle spatial à régime double en

utilisant une matrice de distance avec un seuil à 20km, 1994-2003

d'interactions spatiales ρ1 associé à P

jwSAM Ei,j ln (zj,t) est non signicatif. Autrement

dit, les communes membres d'une même communauté n'interagissent pas entre elles en

termes de dépenses.

Résultat III.3. La coopération intercommunale permet d'internaliser

les externalités horizontales des dépenses locales : les communes membres

d'une même communauté n'interagissent pas entre elles.

Ce résultat sous-entend que les communes transfèrent à leur communauté les

com-pétences pour lesquelles elles interagissent le plus fortement. Aussi, cette conclusion

sou-tient l'hypothèse selon laquelle la coopération permettrait d'internaliser les interactions

spatiales locales, peut importe leur source (eets de débordement ou comportement

mi-métique). Par conséquent, l'intercommunalité atteint partiellement ces objectifs : elle

ne réduit pas signicativement le niveau dépenses par habitant des communes (Résultat

III.2), mais permet d'internaliser les externalités spatiales de dépenses entre communes

membres d'une même communauté (Résultat III.3).

D'un autre côté, le coecient d'interactions spatialesρ2associé àP

jwOT HER

i,j ln (zj,t)

apparaît négatif et signicatif. Ce résultat indique donc la présence d'eets de

débor-dements des biens et services publics locaux, mais uniquement hors des périmètres de

chaque communauté. Cette observation est cohérent avec les conclusions des travaux

de Solé-Ollé [2009] ou Werck et al. [2008], dans lesquels l'intensité des eets de

débor-dement des biens et services produits par les communes varie respectivement selon leur

milieu géographique ou leur position centrale.

Résultat III.4. Des eets de débordement subsistent entre les

com-munes qui n'appartiennent pas à une même communauté, suggérant ainsi

que ces communautés sont trop petites.

69-75] qui attire notamment l'attention sur les dimensions trop petites des communautés,

et plus particulièrement des communautés en milieu urbain, limitant leurs capacités à

internaliser les eets de débordement des biens et services publics locaux. Le résultat

que nous obtenons dans cette étude corrobore donc la conclusion du rapport sur ce

point : priorité doit désormais être donnée à la réduction du nombre d'EPCI sur une

même aire urbaine (Cour des comptes, 2005, p. 75).

En revanche, il est délicat de comprendre pourquoi le modèle spatial à régime

simple révélait une autocorrélation spatiale positive des dépenses des communes (en

utilisant WDIST <20km), alors que celui à régime double ne montre pas

d'autocorréla-tion spatiale ou une autocorrélad'autocorréla-tion négative. Une possible explicad'autocorréla-tion pourrait être la

suivante.

Comme nous l'avons vu dans la Section III.2, plusieurs théories diérentes

pré-disent une interaction entre les dépenses des communes et suggèrent une spécication

particulière de la matrice de voisinage. Toutefois, une dénition du voisinage basée sur

la proximité géographique (comme c'est le cas ici) est succeptible de capter plusieurs

sources d'interactions en même temps. Aussi, l'estimation du paramètre d'interactions

spatialesρ dans le modèleIII.14 révèlerait la source d'interaction la plus intense.

Considérons alors que ρ est une fonction composée de deux sources

d'interac-tions de sens contraires : les interacd'interac-tions de type mimétique Ψ (dij) (résultant d'une

concurrence par comparaison, d'une concurrence scale, d'une concurrence de

bien-être ou encore d'une concurrence à la Tiebout), et les interactions dues aux eets de

débordementΛ (dij). Le terme d'interactions ρij entre deux communes i et j devient

alors :

ρij = Ψ (dij)−Λ (dij) (III.17)

relative de ces deux sources d'interactions, tel que :

ρij ≥0 si Ψ (dij)≥Λ (dij)

ρij ≤0 si Ψ (dij)≤Λ (dij)

(III.18)

Supposons maintenant que l'intensité de ces interactions soit une fonction continue

décroissante de dij et telle que les eets de débordement sont plus intenses (moins

intenses) que le mimétisme pour des communes proches (éloignées). Autrement dit, il

existerait une distance d˜

ij telle que :

∀dij ≤d˜ij : Ψ (dij)≤Λ (dij)⇒ρij ≤0

∀dij ≥d˜ij : Ψ (dij)≥Λ (dij)⇒ρij ≥0

(III.19)

Une telle situation est décrite par les graphiques de la FigureIII.4. L'espace y est

représenté par le segment [−20; 20] au milieu duquel est localisée une communei et où

˜

dij correspond aux points d'intersection des deux courbes. Dans ce cas, en estimant le

modèle à régime simple avec la matrice de contiguïté, on aurait dû observer une

inter-action spatiale négative et signicative (Ψ (dij)≤Λ (dij)). Or ρ apparaît eectivement

négatif lorsque Coopi,t et zi,tepci sont introduits de manière endogène dans le modèle,

mais il n'est jamais signicatif (Table C.4, p. 199 en annexe, colonnes 3 et 5). Ceci

pourrait s'expliquer par la présence de communes appartenant à la même communauté

et avec lesquelles i n'interagit pas. La précision des estimations s'en verrait altérée, si

bien qu'il serait dicile d'obtenir une diérence signicative entreΨ (dij)etΛ (dij). De

plus, on peut remarquer que la probabilité qu'une commune appartienne à la même

communauté que i diminue avec son éloignement. Par conséquent, les estimations de

Ψ (dij) et Λ (dij) seront en moyenne d'autant plus précises que dij est élevé (Figure

Figure III.4 Interprétation des résultats d'estimations des paramètres

d'interactions spatiales : Graphiques illustratifs

du modèle spatial à régime simple, où ρˆest positif et signicatif avec WDIST <20km, et

non signicatif avec WCT G.

Si l'on s'intéresse maintenant au modèle spatial à régime double, le fait d'isoler

les communes membres d'une même communauté permettrait alors d'améliorer la

pré-cision des estimations de Ψ (dij) et Λ (dij) dans le voisinage proche de i (Figure III.4,

Graphique B). Cette fois-ci, la diérence entreΨ (dij)etΛ (dij)ressortirait signicative

pour dij ≤ d˜ij et dominerait celle observée pour dij ≥ d˜ij, si bien que ρˆ apparaitraît

négatif et signicatif dans le modèle spatial à régime double.

Ce raisonnement propose ainsi une interprétation possible aux résultats contraires

obtenus dans les deux modèles spatiaux, mais s'appuie sur de nombreuses hypothèses.

Aussi, chaque mécanisme décrit ici mériterait d'être soigneusement étudié an de

conr-mer ou d'inrconr-mer l'idée générale. La démarche adoptée par Solé-Ollé [2006], où des

voisins de premier et de second ordres sont dénis, constitue une piste exploratoire

intéressante à investir dans de prochains travaux. Pour aller plus loin, on pourrait

également tester la sensibilité de nos résultats à diérents modes de pondération des

observations du voisinage - e.g. la proximité économique, démographique ou sociale,

etc. - an de mieux identier la source dominante de l'interaction (cf SectionIII.2).