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II.5 La coopération intercommunale : un jeu non coopératif aux conits d'in-

II.5.2 Coopération volontaire et péréquation locale : des objectifs com-

Dans ses fondements mêmes, la coopération intercommunale revêt une dimension

péréquatrice. Guengant et Gilbert [2008] distinguent quatre mécanismes redistributifs

23. Chaque proposition peut alors être réinterprétée en ces termes (résultats non démontrés ici).

Ainsi, une commune choisira de coopérer avec un nombre important de communes (Proposition 2) aux

tailles démographiques et géographiques faibles (Propositions 3 et 9), dont les préférences qualitatives

et géographiques sont proches des siennes (Proposition 6 et 9).

au sein des EPCI français qui, de manière générale, permettent de faire converger les

situations nancières de leurs communes membres (voir en annexe la FigureB.3, p.191).

L'un d'eux nous intéresse plus particulièrement : l'eet de répartition des services

communautaires .

Commun à toute forme de coopération locale, cet eet redistributif provient du

déséquilibre entre la hauteur du nancement et l'intensité d'usage de chaque commune

membre aux biens publics locaux produits par l'intercommunalité, i.e. lorsque αi 6=

si/S. En notant pf hi le potentiel scal par habitant de la commune i et pf hm le

potentiel scal par habitant médian de l'intercommunalité, on peut identier deux cas

de gure :

(αi < si/Setpf hi < pf hm) ou (αi > si/Setpf hi > pf hm) : l'eet redistributif

est péréquateur ;

i < si/Setpf hi > pf hm) ou (αi > si/Setpf hi < pf hm) : l'eet redistributif

est contre-péréquateur.

Mais pour les douze communautés examinées par Guengant et Gilbert [2008], cet eet

redistributif s'est toujours révélé d'un fort pouvoir péréquateur, même pour les

com-munautés n'exerçant que peu de compétences.

Ainsi, la logique de péréquation veut que plus une commune est riche24

relative-ment aux autres communes membres, plus elle doit supporter une part importante du

coût production du bien j produit par l'intercommunalité, ceteris paribus. En veillant

à ce que cette redistribution ne devienne pas sur-péréquatrice, i.e. que les communes

bénéciant de cette péréquation ne deviennent pas plus riches que les autres communes

membres, ce mode de répartition des charges devrait alors permettre de réduire les

écarts de situations nancières communales au sein des intercommunalités.

Or face à une telle situation, chaque commune aurait donc intérêt à coopérer avec

des communes plus riches, et réciproquement, à ne pas coopérer avec des communes

moins riches. Autrement dit, chaque commune cherchera à être membre d'une

inter-communalité au sein de laquelle elle pourra se comporter en passager clandestin au

nom du principe de péréquation. La coopération intercommunale serait donc la scène

d'une étonnante contradiction apparente : en élargissant les zones de production et de

nancement des biens et services publics locaux, elle permet d'internaliser des eets de

débordement et ainsi de supprimer le free-ridding entre les communes membres, mais

d'un autre côté, par le jeu de la péréquation, la coopération incite ces mêmes communes

membres à l'easy-ridding. Toutefois, ces deux eets de l'intercommunalité ne s'annulent

pas nécessairement car les communes qui se comportent en passager clandestin ne sont

pas identiques dans les deux cas : seules les moins riches bénécient de la péréquation,

ce qui n'est pas le cas des eets de débordement.

Dès lors, on comprend que l'objectif de péréquation ne peut constituer l'élément

moteur d'une coopération. En eet, il existera toujours au moins une commune (la plus

riche) se prononçant contre cette péréquation. Toutefois, comme nous l'avons vu dans

les sections précédentes, les avantages de la coopération sont multiples, si bien qu'une

commune plus riche que ses voisines peut tout de même avoir un intérêt net à coopérer.

À cet égard, l'eet péréquateur de l'intercommunalité apparaît alors davantage comme

un produit collatéral de la coopération locale.

Pour aller plus loin, on remarquera également que la part des dépenses de

l'inter-communalité que nance chaque commune (αi) est diérente selon l'objectif considéré.

On peut ainsi distinguer trois cas particuliers :

αi = si/S : chaque commune i nance une part des dépenses de

l'intercom-munalité proportionnelle à son intensité d'usage du bien public local transféré.

L'objectif est alors l'équité d'usage : toute commune paye un prix identique

pour un usage identique.

αi =pf hi/ P

i∈E pf hi

: chaque commune i nance une part des dépenses de

l'intercommunalité proportionnelle à sa richesse relative, ici calculée à partir de

son potentiel scal par habitant. L'objectif est alors la péréquation horizontale :

les communes membres les plus riches payent d'avantage que les plus pauvres,

si bien que leurs situations nancières convergent.

αiDAPi,j0 (si, Qj)−hi,j di,j/gj(S, Qj) : chaque communei nance une

part des dépenses de l'intercommunalité telle qu'elle maximise les chances que

l'intercommunalité soit créée. En eet, si les économies de coopération sont

nulles, i.e. EC˜˜ E{j} = 0 dans la CFG (équation II.25), cette valeur des αi nous

assure que la CPG (équation II.26) sera respectée pour toute commune i, i.e.

˜

˜

∆i

E{j} = 0. Autrement dit, dans le cas limite où la coopération génère autant

d'avantages que d'inconvénients, cette valeur des αi nous assure que chaque

commune acceptera de coopérer car aucune ne s'en trouve lésée. Par ailleurs,

le paramètreλ est une constante positive comprise entre 0 et 1 qui nous assure

que la contrainte P

i∈E αi = 1 soit respectée25.

Or de façon générale, ces trois expressions ne seront pas égales simultanément. Ainsi,

la façon dont sont déterminées les contributions nancières de chaque commune est

loin d'être anodine, l'une favorisant la péréquation, l'autre facilitant la création de

l'intercommunalité. Autrement dit, coopération intercommunale et péréquation ne sont

pas nécessairement compatibles, où une trop forte reditribution peut menacer la création

même de l'intercommunalité.

Et comme nous l'avons souligné, l'objectif de péréquation ne peut, par nature,

réunir la faveur de l'unanimité des communes considérées. Aussi on peut observer un

comportement stratégique défensif suivant : lorsque plusieurs communes contigües sont

25. En eet, EC˜˜

E{j} ≥ 0 ⇔ P

i∈E

DAPi,j0 (si, Qj)−hi,j di,j ≥ gj ⇔

P

i∈EDAPi,j0 (si, Qj)−hi,j di,j

/gj ≥ 1. D'où λ = gj/P

i∈EDAPi,j0 (si, Qj)−hi,j di,j et

on remarque queλ∈]0; 1]avecλ= 1lorsqueEC˜˜

relativement plus riches que les autres communes voisines, elles auront tendance à se

regrouper entre elles. Ainsi, elles cherchent à se prémunir26 de toute coopération non

désirée, où à cause du processus de création par la majorité qualiée, elles se

retrouve-raient membres d'une intercommunalité dont elles nanceretrouve-raient une part relativement

importante des dépenses. Ce comportement apparaît donc rationnel : les communes

relativement riches cherchent à se protéger des eets péréquateurs de

l'intercommu-nalité en jouant l'entre-soi. Néanmoins, cette stratégie est doublement dommageable

du point de vue collectif : en plus d'aaiblir considérablement la qualité péréquatrice

de la coopération intercommunale, elle engendre alors souvent des intercommunalités

dépourvues de véritable projet communautaire (e.g. Dallier,2006b).

Au nal, la coopération intercommunale revêt un pouvoir péréquateur indéniable

(Guengant et Gilbert, 2008), mais un tel objectif apparaît dicilement fédérateur et

mo-teur d'une coopération. Au contraire, certains regroupements défensifs peuvent même

s'opérer dans le but d'échapper à ces mécanismes redistributifs. De manière analogue,

certaines petites communes choisiront également de se regrouper en intercommunalités

défensives, mais cette fois-ci par crainte de se faire absorber par une grande

intercom-munalité voisine où il leur serait dicile de faire valoir leurs préférences.

II.5.3 Pouvoirs de négociation, transferts et asymétrie