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4 Le calage et l’évaluation du modèle STICS dans le contexte gersois

4.1 La formalisation de la réserve utile à partir des mesures sur sol argileux

4.1.2 Une réserve utile pour les sols argileux et à propriétés vertiques

La relation mise en évidence précédemment entre DA et humidité souligne la nécessité d’adapter la méthode de calcul de la réserve utile. Pour cela, une nouvelle manière de calculer la RU d’après des mesures laboratoire de pF 2 et pF4.2 est proposée. A défaut de pouvoir réellement valider cette nouvelle formulation, une approche comparative est utilisé entre les méthodes de calcul afin d’établir une discussion autour de la conceptualisation de la RU des sols argileux.

4.1.2.1 Une méthode alternative au calcul de la RU

La relation humidité/DA valide l’importance de la variation de la densité apparente et du poids très important de l’humidité pour décrire ces variations. En termes de réserve utile, il apparait nécessaire d’inclure cette variabilité. Dans la formule communément utilisée pour son calcul (Eq . 1), une seule densité apparente est utilisée pour traduire en volume d’eau la capacité au champ et le point de flétrissement exprimés en humidités massiques. Quentin (2015) et Bruand (1996) ont démontré que cette variation de la DA peut faire varier l’interprétation de la réserve utile. Dans les sols de ces études, les variations de volume massique étaient toutefois assez faibles et l’hypothèse selon laquelle la DA reste inchangée à la capacité au champ et au point de flétrissement est admissible. Néanmoins, au regard des variations observés sur les sols à propriétés vertiques, avec des observations in situ de densité apparente variant de 1.2 à 2 g cm-3, cette hypothèse n’est plus

valable. Il est donc nécessaire d’adapter la manière de calculer la réserve utile pour ne pas surestimer la réserve utile tel que proposé dans l’Equation 13. La formule de la RU a été adaptée pour rendre compte de la DA différente entre capacité au champ et point de flétrissement. Dans

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cette équation les deux DA correspondant aux deux bornes d’humidité sont calculées d’après la relation avec l’humidité massique.

𝑅𝑈 = ∫ (𝜃𝑐𝑐,𝑧× 𝐷𝐴𝑐𝑐,𝑧− 𝜃

𝑝𝑓,𝑧× 𝐷𝐴𝑝𝑓,𝑧∗ ) 𝑧=𝑍𝑟𝑎𝑐

𝑧=0 . 𝑑𝑧 Eq 13

Où RU est la réserve utile pour une couche de sol en mm, pour chaque couche de sol entre la surface et la profondeur d’enracinement Zrac

,

θcc,z est la teneur en eau massique à la capacité au champ (en g/g de sol)

,

θpf,zla teneur en eau massique en g g-1 de sol au pF=4.2 (point de

flétrissement)

,

DA∗cc,z= est la densité apparente calculée à la capacité au champ et DA pf,z

la DA au point de flétrissement en g cm-3

, et enfin

dz est l’épaisseur de la couche de sol en mm.

4.1.2.2 Comparaison des méthodes de calcul

Afin de déterminer l’impact de cette nouvelle manière de calculer la réserve utile 3 méthodes sont comparées :

- RU_mesure : une réserve utile calculée avec uniquement les mesures de DA 𝜃𝑐𝑐,𝑧, 𝜃𝑝𝑓,𝑧 et Zrac

- RU_cc : une réserve utile calculée avec les mesures de θcc,z, θpf,z, Zrac et 𝐷𝐴𝑐𝑐,𝑧∗ estimé - RU_Bruand : une réserve utile calculée avec les mesures de θcc,z, θpf,z.2, Zrac et les

valeurs calculées de 𝐷𝐴𝑐𝑐,𝑧∗ et 𝐷𝐴∗𝑝𝑓,𝑧

La première méthode RU_mesure implique que l’humidité est considérée comme négligeable en tant que facteur explicatif des variations de densité apparente et donc dans le calcul de la réserve utile. La mesure terrain est alors implicitement interprétée comme le résultat des effets de tassement et de la nature du sol. Dans le cadre des mesures acquises sur Auradé, les densités apparentes ont été faites sur sol sec et se rapprochent de DA qui aurait été estimée au point de flétrissement. La deuxième méthode RU_cc vise à obtenir une densité apparente plus proche de la capacité au champ qui est celle plus couramment estimée in situ. Les hypothèses sous-jacentes restent toutefois les mêmes. Enfin, la troisième méthode, RU_Bruand introduit l’idée que l’humidité seule explique la majorité des variations de la densité apparente en accord avec les observations précédentes. Pour cette dernière hypothèse, les équations inversées utilisées seront celles correspondant à la capacité au champ et au pF4.2 (Eq. 13).

La RU estimée uniquement d’après les mesures (RU_mesure) est quasi-systématiquement beaucoup plus élevée que celle obtenue par les autres méthodes (Figure 72). Sur la majorité de sol où elle est plus élevée, la teneur en argile moyenne sur le profil est supérieure à 40%. Le calcul de la réserve utile basé sur l’estimation de la densité apparente à la capacité au champ semble produire

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des résultats intermédiaires entre RU_mesure et RU_Bruand. En moyenne, cet écart entre RU_Bruand et RU_mesure est de 91 mm soit 54% de RU en plus la méthode RU_mesure. L’écart moyen entre RU_Bruand et RU_cc est de 47 mm soit en moyenne 28% de RU en plus pour la méthode RU_cc. Sur le point 4-BV la hiérarchie est cependant différente des autres points avec une réserve utile plus élevée pour la méthode RU_cc. Cette différence est due à la nature du sol qui est sableux en profondeur contrairement aux autres points fortement argileux. Or, les équations de Bruand ne sont valables que pour les sols argileux.

Figure 72 : Comparaison des RU calculées suivant trois méthodes : RU_Bruand est calculée avec des densités estimées d’après les valeurs de HpF2 et Hpf4.2 issues des analyses. RU_cc est calculée d’après uniquement une seule DA correspondant au pF2 et enfin RU_Mesure correspond à la RU calculée d’après les mesures de densité apparente et d’humidité du 23/06/2015 et les analyses de laboratoire. Les points de prélèvement ont été classés par ordre croissant de RU d’après la RU_Bruand

En regardant la RU calculée par couche de sol (Figure 73) cette différence entre méthodes est particulièrement visible. Sur le point 13-BV, la teneur en argile varie faiblement sur tout le profil de 37 à 42% et l’écart entre les méthodes de calcul est systématique. Sur le sol 4-BV la teneur en surface est plus faible, de l’ordre de 20% sur les couches de 0-15 cm à 15-30 cm avec une teneur en sable de 45% et la teneur en argile chute à 4 et 2% en profondeur avec une teneur en sable très élevée de 80 et 85% pour 30-45 et 45-60 cm. Ainsi la forte teneur en sable met en évidence les causes de l’écart entre les méthodes mais aussi que sur ce point l’équation 13 n’est plus pertinente.

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Figure 73 : RU calculées par couche de sol par les différentes méthodes et pour deux sols contrastés : le point 4-BV qui est une lentille sableuse et le point 13-BV qui est fortement argileux et profond.

4.1.3 Conclusion

Introduire deux densités apparentes, correspondant à la capacité au champ et au point de flétrissement pour calculer la réserve utile réduit donc de manière importante la RU estimée. Utiliser une densité apparente à la capacité au champ pour l’estimation de la réserve utile réduit l’écart entre les réserves utiles calculées à 28% ce qui reste tout de même une différence importante. Etant donné la forte relation entre densité apparente et humidité du sol, la méthode de calcul de l’équation 13 semble la plus appropriée dans le contexte de sols a propriétés vertiques. Il est donc probable qu’avec une formulation de la réserve utile comme couramment utilisé on surestime fortement la réserve en eau accessible aux plantes.

Il convient toutefois de valider cette estimation de réserve utile de manière indépendante. Pour cela deux méthodes sont possibles : en comparant une RU obtenue par recherche d’un optimum numérique d’un modèle simulant la dynamique hydrique avec la RU proposée ici ou bien en déduisant directement l’humidité à la capacité au champ et au point de flétrissement en volumique d’après les variations d’humidité volumique observées et comparer avec l’estimation des différentes méthodes. Cette dernière méthode semble la plus prometteuse, compte tenu que la recherche d’optimum numérique peut avoir plusieurs solutions équiprobables qui ne correspondent pas toutes à une réalité. Cependant, dans le cadre de la thèse le jeu de données n’est pas suffisant sur les deux sites d’étude : sur Auradé Flux il n’y a pas de mesures d’humidité à la capacité au champ et de point de flétrissement sur le profil entier et sur le bassin versant il n’y a pas eu de suivi d’humidité volumique.

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Enfin, cette relation entre humidité et densité apparente néglige l’hystérésis du phénomène de gonflement-retrait. Cependant elle ne semble pas avoir un impact important sur la relation humidité/DA qui, malgré une dispersion importante, à un très faible biais. Par ailleurs, dans la thèse c’est le pas de temps journalier qui est utilisé, par conséquent une part des variations horaires de dynamique hydrique, et l’hystérésis correspondante se compensent sur la journée entière.