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1 La modélisation du développement des cultures dans l’espace : du processus à la

1.1 L’interaction sol-plante du processus à la modélisation

1.1.2 La réserve utile : un stock d’eau accessible aux plantes

1.1.2.3 La profondeur de la réserve accessible aux plantes

Contrairement à la capacité au champ et au point de flétrissement, la profondeur maximale de prélèvement en eau n’est pas une constante et ne peut être définie comme telle qu’en introduisant de nombreuses hypothèses. En outre, la définition d’une constante en tant que limite de stock d’eau disponible n’est pas adaptée dans les cas où la contribution de l’eau du profil de sol n’est pas uniquement due aux apports de surface. C’est le cas dès lors que la nappe peut contribuer de manière significative à alimenter les couches de sol par les remontées capillaires (Ayars et al., 2006; Sepaskhah et al., 2003).

La profondeur d’accessibilité en eau est fortement reliée à la profondeur d’enracinement (Entz et al., 1992; Stahl et al., 2013). Malgré la forte dépendance de la profondeur d’enracinement et le prélèvement d’eau par les plantes, il peut tout de même y avoir une différence entre ces deux profondeurs qui peut être plus ou moins marquée (Combres J.C., Le Mezo L., Mete M., 1999; Entz et al., 1992). En effet la profondeur de prélèvement est plus élevée que la profondeur d’enracinement compte tenu de la dépression induite par le prélèvement d’eau de la plante. Cela contribue à créer un gradient de potentiel hydrique jusqu’aux racines et donc un déplacement d’eau dans ce sens. Ainsi, suivant la porosité des sols, la différence entre la profondeur d’enracinement et le volume contributif à l’alimentation hydrique de la plante peut s’avérer plus élevée, en particulier dans certains sols fortement argileux.

In situ cette profondeur ne correspond pas à une seule valeur mais plutôt à une gamme de

valeurs. En effet la distribution des racines dans l’espace n’est pas homogène et suivant l’emplacement de l’échantillon, la profondeur d’enracinement peut différer (Figure 9). Une mesure de profondeur d’enracinement faite dans un inter-rang (Figure 9, 1) à de fortes chances de donner une estimation de la profondeur de la RU plus faible qu’une mesure dans le rang (Figure 9, 2 et 3). Même si la mesure correspond bien à la profondeur maximale d’enracinement d’un plant, celle-ci

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n’est jamais exactement représentative de tous les autres plants. Ainsi la profondeur maximale racinaire d’une culture est une valeur hypothétique qui est entachée d’une incertitude sur sa représentativité.

Figure 9 : La profondeur maximale racinaire mesurée et sa variabilité in situ. L’échantillonnage 1 correspond à un échantillonnage d’une racine secondaire dans un inter-rang et les mesures 2 et 3 aux profondeurs maximales d’enracinement de deux plants différents.

Cette profondeur maximale d’enracinement est avant tout dépendante de l’espèce et de la variété (Hamblin and Hamblin, 1985). Elle est également fonction du stress hydrique subi qui favorise la croissance des racines en profondeur (Guswa, 2010, 2008; Schenk and Jackson, 2002). Cette adaptation limite la production de racines potentiellement inutiles si le stress est absent ou très modéré ; dans ce cas, le prélèvement d’eau se fait majoritairement en surface (Schulze et al., 1996). En effet, pour permettre le transport de l’eau des horizons les plus profonds aux parties aériennes, la plante doit produire de nouvelles racines mais aussi maintenir un gradient de potentiel hydrique des racines les plus profondes aux parties aériennes par différents processus ce qui occasionne un surcoût important pour la plante (Bramley et al., 2007; Mullet and Whitsitt, 1996; Schwenke and Wagner, 1992; Zholkevich, 1981).

De nombreux facteurs peuvent influer sur cet enracinement. Cette profondeur dépend fortement des conditions climatiques (Schenk and Jackson, 2002) qui vont influer sur la croissance de la culture et sur le bilan hydrique. Le niveau de la nappe phréatique peut également agir sur le développement racinaire en induisant une anoxie des racines (Chaudhary et al., 1975; Malik et al., 2001). Il semble en revanche que l’enracinement en profondeur ne dépende pas ou peu d’un

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tropisme vis-à-vis des nutriments, bien qu’il y ait peu de références sur le sujet. C’est en tout cas ce qui a été constaté pour le blé (Svoboda and Haberle, 2006), qui pourtant est une culture dont la production de biomasse est très dépendante de l’azote disponible (Barraclough et al., 1989). Toutefois, la limitation de la croissance par une carence en nutriment peut induire indirectement une diminution de l’enracinement maximum (Barraclough et al., 1989). La structure et la compaction peuvent être également un facteur de limitation pour le développement racinaire soit à un faible contact sol-racines ou bien a cause de la résistance mécanique induisant une difficulté à la pénétration des racines dans le sol qui peut provoquer également de l’anoxie (Lipiec and Hatano, 2003; Unger and Kaspar, 1994). L’activité humaine, en particulier les passages de tracteur ou le travail du sol, peuvent contribuer au tassement et au changement de la densité du sol (Czyż, 2004; Kay and VandenBygaart, 2002). Les élément toxiques présents dans le sol peuvent également être un obstacle au prélèvement d’eau et au développement racinaire (Bramley et al., 2007).

La présence du matériau parental est souvent considérée comme un obstacle à l’enracinement ce qui n’est pas systématiquement le cas : celle-ci peut être plus profonde (Hubbert et al., 2001; Stone and Kalisz, 1991), en particulier si le sol est sableux (Canadell et al., 1996), être plus superficielle dans les cas où d’autres facteurs sont plus limitants ou encore des sols très profonds dans lesquels les espèces ne sont pas capables de développer un système racinaire jusqu’à la roche mère. C’est une limite communément admise dans de nombreuses études (Arora and Boer, 2003; Cubera et al., 2007; Jackson et al., 1999).

Dans certains contextes plus particuliers, la limitation de l’enracinement peut être due d’autres facteurs plus atypiques : la présence d’un permafrost (Chenk, 2002) une pression parasitaire chronique (Wasson et al., 2012) qui diminuent la croissance racinaire en profondeur.

1.1.2.3.2 Quelle profondeur pour la réserve utile ?

Il apparait donc que la notion de profondeur potentiellement accessible à la plante pour la ressource en eau peut être considérée de différentes manières :

 En considérant une profondeur fixe

 En assimilant la profondeur de sol comme une profondeur maximale accessible aux racines  En considérant la profondeur d’enracinement maximale par espèce/variété

Dans le premier cas l’hypothèse est faite que ce sont les horizons superficiels qui contribuent majoritairement à l’alimentation hydrique de la plante notamment par une densité de racines souvent constatée comme plus dense en surface ce qui est souvent le cas pour les espèces

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couramment cultivées. Cette hypothèse est toutefois moins valable dans les cas où il y a un fort stress hydrique.

Si la profondeur de sol détermine la profondeur de la réserve utile, l’avantage est que la profondeur est relativement facile à déterminer. Cette hypothèse n’est valable que dans le cas où celle-ci est réellement limitante au développement racinaire, elle peut être inadaptée pour certaines plantes qui ne peuvent physiologiquement pas avoir un système racinaire aussi profond ou dans les cas où les racines peuvent accéder à l’eau plus profondément en particulier pour les roches mère meubles ou fissurées. En outre, dans certains cas, la profondeur exacte de sol est difficile à estimer à cause de la dégradation de la roche mère (fissuration, présence d’altérite).

Enfin, considérer la présence de racines comme étant le facteur limitant à l’accès à l’eau est certainement la manière la plus réaliste pour représenter la réserve utile. Cependant cette définition pose plusieurs soucis d’ordre méthodologique. En effet la variabilité de la profondeur accessible est dépendante de plusieurs facteurs complexes et dynamiques (climatiques, biologiques, anthropiques). La réserve utile obtenue par une mesure ponctuelle de profondeur racinaire n’a potentiellement de représentativité que l’année de sa mesure pour le contexte local et pour une culture voire du cultivar (Dardanelli et al., 1997). A cela s’ajoute que la profondeur maximale d’enracinnement ne peut s’estimer qu’en prenant en compte la phénologie de la plante. Ainsi dans le cadre d’une profondeur maximum d’accès à l’eau par culture étudiée, il s’agirait de la déterminer dans le cas où le stress est le plus important sans empêcher le développement de la plante (Schenk and Jackson, 2002; Varella, 2009). Il s’agit donc d’une situation hypothétique difficile à établir et par conséquent cette mesure de profondeur est difficile voire impossible à établir avec certitude sur plusieurs années.

Pour conclure, la définition de la profondeur maximale de prélèvement d’eau pour la réserve utile va dépendre de l’objectif de l’utilisation de la réserve utile. En effet, dans le cas de l’étude d’un cultivar, la profondeur définie doit être en adéquation avec le potentiel d’enracinement de la plante. Dans ce cas, une possibilité est de définir la réserve utile valable sur un cycle cultural ayant subi au minimum un stress modéré sur tout le cycle cultural. Une autre méthode indirecte d’estimation de cette profondeur potentiellement fiable, cette fois-ci pour plusieurs cultures différentes, serait d’estimer le stock de matière organique sur le profil de sol entier et d’en déduire la profondeur maximale d’enracinement ; ce stock dépendant en grande partie de la rhizodéposition (Kätterer et al., 2011). Cette profondeur correspondrait donc à un maximum pour l’ensemble des espèces qui se sont succédé. Dans la même optique, la simulation de l’enracinement sur plusieurs cycles culturaux permettrait d’obtenir une estimation du maximum d’enracinement par simulation. Enfin, une mesure de réserve utile sur un cycle cultural

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entier peut être considérée comme la profondeur de la réserve utile dans le cas où son utilisation se limite au cycle cultural de la mesure.