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1 La modélisation du développement des cultures dans l’espace : du processus à la

1.1 L’interaction sol-plante du processus à la modélisation

1.1.2 La réserve utile : un stock d’eau accessible aux plantes

1.1.2.5 Le cas particulier des sols à propriétés vertiques

Le phénomène de gonflement-retrait des sols vertiques est dépendant de la nature de l’argile minéralogique ainsi que de la composition et la structure de ces feuillets (Figure 12). A l’échelle microscopique la rétention d’eau dans l’argile est conditionnée par les forces électrostatiques de surface et les forces osmotiques. Les forces électrostatiques peuvent être représentées par la capacité de ces argiles à capter et relâcher les ions. Les argiles étant composées de feuillets tétraédriques et octaédriques, la superposition de ces couches ainsi que le stockage d’éléments déjà stockés entre les feuillets va déterminer la cohérence entre les feuillets et donc la capacité de l’argile à stocker des ions ou de l’eau dans l’espace interfoliaire. Dans le cas des argiles de type Montmorillonite, le stockage d’eau peut provoquer une augmentation de l’espace interfoliaire de 14 à 17 Å qui s’ajoute au gonflement provoqué par le seul stockage d’eau dans les pores.

Toutefois, ce sont les forces osmotiques qui sont à l’origine de la plus grande part du gonflement macroscopique des argiles (Tessier, 1984). En effet, la capacité de stocker des ions à la surface des particules d’argile favorise la rétention d’eau (Figure 13). A la surface de l’argile chargée négativement, une première couche de cation est fixée (couche de Stern) sur laquelle est fixée une couche plus importante et diffuse d’anions et de cations (couche de Gouy). En présence d’eau, cette couche de Gouy est susceptible de s’agrandir et de provoquer l’éloignement entre particules d’argile, ce qui provoque le phénomène de gonflement.

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Par ailleurs, les argiles ne sont pas seules à influer sur le phénomène de gonflement : la présence de manière organique est susceptible de modifier les propriétés gonflantes du sol. Les particules organiques influent les charges électrostatiques du sol et peuvent induire la captation des ions mais aussi former un complexe argilo-humique plus ou moins stable. Ainsi la capacité d’échange cationique, ou CEC, apparait comme un indicateur intégrateur de la propension des sols au phénomène de retrait-gonflement (Tessier et al., 2006).

Figure 12 : Les différentes argiles minéralogiques (kaolinites, illites, smectites et chlorites) et leurs structures en feuillets. Tiré du site www.u-picardie.fr: cours de Jacques Beauchamp

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Figure 13 : Schéma descriptif des charges à la surface d’une particule argileuse. Les charges sont distribuées en deux couches : une couche de Stern (positive) fixée à la particule et une couche de Gouy qui est diffuse et composée d’anions et de cations. Tiré de Frédéric Bultel (2001)

Le phénomène de gonflement-retrait ne se limite pas à des conséquences physico-chimiques et à un effet de gonflement : il existe d’autres conséquences macroscopiques comme la création de fentes de retrait (Figure 14), ou de reliefs Gilgaï.

Figure 14: Photographie d'une fente de retrait sur Auradé parcelle Flux. Photo réalisée en juin 2014.

Les fentes de retraits sont liées au changement de volume de sol qui s’accompagne d’un changement de la structure et de la porosité du sol. A saturation, le sol a une structure visible amorphe. En revanche, en phase de dessiccation, des fentes de retrait se forment. Celles-ci

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apparaissent lorsque le sol est suffisamment desséché. Ces fentes apparaissent dans des zones où la résistance mécanique est moindre. Il est possible de distinguer différentes phases de retrait suivant l’humidité du sol (Figure 15) : une phase structurale, une phase dite « normale », une phase résiduelle et une phase de non-retrait.

La phase de retrait structural est appelée ainsi car elle n’est visible que sur un échantillon non remanié. La variation de volume massique pour une variation d’humidité, dv/dƟ, est un bon indicateur de ces phases. Dans cette phase, qui correspond à une humectation du sol élevée, le changement de porosité est plus lent et n’est pas linéaire (dv/dƟ>1, Figure 15). A partir d’un certain degré d’humidité, le retrait entre en phase « normale » c'est-à-dire que l’évolution de la porosité est proportionnelle à la variation de l’humidité (dv/dƟ=1, Figure 15). Ensuite la phase résiduelle correspond à une perte de la proportionnalité de la perte d’eau par rapport à l’augmentation du volume des pores (dv/dƟ<1). Enfin à partir d’un certain degré de sécheresse le sol ne se rétracte plus, il s’agit de la phase de non-retrait.

Figure 15 : Les différentes phases de la création de fentes de retrait. Volume massique correspond à l’inverse de la densité apparente. dv est la variation de volume de sol et celle du volume d’eau contenu par le sol dƟ. Tiré de Coquet (1996)

Les fentes de retrait sont créées dès lors que le sol n’est plus à saturation (Tang et al., 2011). Cela correspond à la transition entre la phase normale et résiduelle, nommée point d’aération. En effet, la création des fentes de retrait est initiée par la création d’une phase gazeuse dans le sol. Les fentes de retrait ne se créent puis ne s’élargissent que pendant cette phase, jusqu’à la phase de non-

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retrait. En conditions réelles, les phases d’hydratation et de dessèchement correspondent à des courbes distinctes dont l’origine est l’hystérèse du temps de rééquilibrage des phases du sol (Tessier et al., 2006).

La création de ces fentes de retrait affecte les flux d’eau dans le sol et le développement de la plante. Leur présence empêche les ruissellements (Arnold et al., 2005), augmente la surface évaporatoire (Ritchie and Adams, 1974) ainsi que la profondeur sensible au dessèchement (Morris et al., 1992). Le système racinaire est également affecté et la croissance des racines peut être modifiée à cause de l’élévation de densité de la matrice de sol au profit d’un développement dans les fentes qui présentent des zones de moindre résistance (Osmond, 1984; White and Kirkegaard, 2010).

Enfin le phénomène de gonflement et de retrait peut, si les variations d’humidité sont suffisamment importantes, créer des reliefs Gilgaï. Il s’agit d’un phénomène d’ondulation du sol visible en surface qui cause des bosses et crevasses en surface. Elle est causée par des propriétés de rétention en eau très variables dans l’espace et donc une variabilité du phénomène de gonflement- retrait visible en surface. Cette microtopographie peut être donc être à l’origine d’accumulation d’eau (Kovda et al., 1996) dans les dépressions.

Les sols rencontrés à Auradé ont une propension au gonflement importante à cause de la composition des argiles qui sont principalement des smectites. En effet, sur ce type d’argile, l’effet de dilatation du sol en conditions humides est accentué par l’élargissement de l’espace interfoliaire (Tessier et al., 2006). Il est donc particulièrement important de prendre en compte cette particularité pour le calcul de la réserve utile du sol. Il apparait que la densité apparente est pertinente pour rendre compte de cette variation de volume de sol et du changement de porosité. Toutefois, la mesure de densité apparente nécessite de prendre différentes précautions. La taille de l’échantillon ainsi que la nature du protocole de prélèvement sont sensibles pour la qualité de la mesure. Le volume élémentaire représentatif doit être avoir une taille critique pour en tirer une valeur moyenne robuste (Yoro and Godo, 1990).

Ainsi, dans le cas des sols à propriétés vertiques l’approximation d’une densité apparente constante en fonction de l’humidité pour décrire la réserve utile semble peu réaliste.

Indépendamment de la réserve utile, il est probable que l’effet du tassement sur la croissance racinaire pourrait être compensé par l’apparition de fentes de retrait ce qui rendrait caduque l’intérêt de la simulation du tassement sur ce type de sol.

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