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Liste de référence annotée des mollusques continentaux de France Annotated checklist of the continental molluscs from France

I. 2.1.2 … aux actes

I.3.2 Gastéropodes stygobies .1 Taxonomie .1 Taxonomie

I.4.2.2 Réseaux souterrains

Les méthodes traditionnelles d’échantillonnage des gastéropodes stygobies sont en premier lieu la collecte de sédiment au niveau des sources ou des cavités. La recherche à vue dans les cavités est peu utilisée, puisqu’elle nécessite des conditions de faible profondeur, ce qui est rarement le cas en milieu souterrain (mais voir Bichain et al. 2004, Prié & Bichain 2009). Les filets phréatobies (Fig. 17 A, B) et la pompe à air-lift (Fig. 17E) sont utilisés principalement pour la récolte des crustacées (ex. Malard et al. 1997 a, b ; Gibert 2001 ; Olivier et al. 2006) mais peuvent également fournir du matériel au malacologue.

Pour l’échantillonnage du milieu hyporhéïque, la pompe Bou-Rouch (Bou & Rouch, 1967) reste la méthode la plus adaptée, notamment pour les mollusques (Fig. 17D).

Que ce soit en milieu souterrain ou au niveau des sources, j’ai prélevé des quantités de sédiment variant entre 5 et 25 L par station. Les prélèvements quantitatifs sont difficiles à mettre en œuvre pour la faune stygobie. En effectuant des prélèvements itératifs dans le temps (entre 2003 et 2012) et dans l’espace (différents accès à une même nappe d’eau), j’ai observé que 5 l. de sédiment tamisé par une maille de 5 mm permettent de récolter la totalité des espèces présentes, sans singletons (voir Prié 2008).

La pompe Bou-Rouch et les filets dérivants ont été utilisés en milieu souterrain comme au niveau des exutoires (et dans le lit des rivières pour la pompe Bou-Rouch). Si cette dernière s’est révélée peu efficace en milieu souterrain, les filets dérivants ont permis de récolter des animaux vivants de manière très efficace en milieu souterrain, notamment en remuant le substrat en amont de la pose des filets. En revanche, des filets dérivants posés à la sortie de pompages n’ont pas permit de collecter de gastéropodes stygobies : ni au niveau du pompage de la source du Lez, où un filet dérivant a été posé pendant six mois ; ni lors d’un pompage forcé dans les Pyrénées-Orientales, où les rejets ont été intégralement filtrés pendant deux semaines.

Le piégeage à l’aide de nasses ou de carrelets appâtés avec des matières végétales ou des morceaux de viande a été testé mais ne m’a pas fourni de résultats concluants.

La plongée a encore une fois été la meilleure méthode d’approche du milieu souterrain. D’une part, j’ai sollicité les compétences de plongeurs spéléologues, qui ont, lors de leurs explorations, rapporté du matériel parfois inédit. D’autre part, j’ai sollicité leurs compétences pour m’encadrer lors de plongées exploratoires réalisées hors du contexte du bureau d’études (la législation concernant la plongée souterraine dans le cadre professionnel est tellement contraignante qu’elle exclue sa pratique par les bureaux d’études). J’ai ainsi pu me concentrer pleinement à la collecte de mollusques stygobies sans me soucier des aspects liés à la sécurité (réserve d’air, orientation, profondeur, turbidité…). Encore une fois, déléguer ces aspects techniques à un binôme m’a permit de me rapprocher des conditions de prélèvement que l’on rencontre habituellement dans des milieux accessibles.

J’ai utilisé la pompe à air-lift pour échantillonner les piézomètres. Le principe consiste à injecter de l'air compressé dans un tuyau ouvert au sein d’une canalisation verticale ouverte dans le piézomètre (Fig. 17 E), air qui va remonter dans le tuyau en se dilatant et entraîner des portions de la colonne d’eau vers la surface. On utilise généralement un compresseur pour alimenter la pompe en air comprimé. J’ai branché la pompe sur une bouteille de plongée, pour prélever à l’intérieur des forages du BRGM qui sont parfois difficiles d’accès. La profondeur de la nappe était généralement trop importante par rapport au niveau du sol pour que la pompe à air-lift fonctionne. Il faut en effet que le tuyau soit immergé aux deux tiers pour que la pompe fonctionne. Nos aquifères étant généralement situés à plus de 30m de la surface, la pompe a air-lift a rarement donné de bons résultats.

Les spécimens collectés sont dans la grande majorité des coquilles qui n’ont pas encore été mises en collection. Les spécimens collectés vivants ont été immergés dans de l’eau bouillante pendant quelques secondes, de manière à empécher la fermeture hermétique de l’opercule, puis plongés dans de l’alcool à 90° non dénaturé. Dans la très grande majorité des cas, il n’a pas été possible de les extraire de leur coquille et les échantillons ont été détruits lors de l’extraction. Des photos ont été prises avant destruction de chacun des spécimens. Ces photos sont de qualité variable parce que j’ai évité au maximum le dessèchement des spécimens ainsi que leur exposition à la lumière.

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Figure 17 : A : les filets phréatobies donnent les meilleurs résultats au moment des crues automnales. Ils sont posés à l’étiage et relevés pendant les crues, pour collecter des animaux vivants ejectés par la puissance du courant. B : les filets phréatobies sont également efficaces en milieu souterrain, en particulier quand la progression des spéléologues à l’amont perturbe le lit des cours d’eau et met en suspension matière organique, fines et animaux. C : les prospections à vue en plongée spéléo nécessitent une logistique importante et un accompagnement pour des questions évidentes de sécurité. Ce fonctionnement en binôme a donné d’excellents résultats dans la grotte de Sauve. D : la pompe Bou-Rouch (en haut illustration dans un affluent de l’Ardèche, en bas fonctionnement théorique) permet d’accéder au sous-écoulement des rivières et d’échantillonner la faune hyporhéïque. E : les piézomètres (en haut) peuvent fournir un accès artificiel au réseau souterrain impénétrable (anfractuosités de la roche). La pompe à air-lift (en bas) permet de faire remonter des portions de la colonne d’eau qui sont ensuite filtrées pour collecter des gastéropodes stygobies.

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1.4.3 Morphométrie des coquilles

I.4.3.1 Gastéropodes stygobies

La morphométrie des mollusques souterrains a été réalisée à partir de photos. Les coquilles ont été positionnées de manière standard sur un support adhésif du sable fin ou de la pâte à modeler. Les images ont été prises à l’aide d’une loupe trinoculaire (voir Prié & Bichain 2009 pour le détail des méthodes de numérisation). Une échelle est présente sur chaque photo, posée côté de la coquille. Les images ont ensuite été pivotées à l’œil à l’aide du logiciel Photoshop CS3 v. 10.1.1, de manière à ce que l’axe de la columelle soit parfaitement vertical. Des tests effectués lors d’un travail de Master (Prié, 2006) ont montré que le positionnement à l’œil était suffisamment fiable. Neuf points homologues ont été disposés sur l’image de la coquille à l’aide du logiciel Image Tool version 3.0 (Wilcox et al. 2002). Sept mesures ont été déduites des coordonnées des points homologues (Fig. 18). Les distances entre ces points ont ensuite été calculées à partir des coordonnées de chaque point. De la même manière, des points ont été positionnés de part et d’autre de l’échelle, de manière à la remesurer sur chaque image. Les valeurs de conicité (H/L ; H/LdT) ainsi que la profondeur de la dernière suture (LdT-LdS) et la rondeur de l’ouverture (Ho/Lo) ont été déduites des mesures prises et intégrées à la matrice. Les valeurs biométriques en pixels ont été transformées en mesures (mm), puis log-transformées de manière à s’affranchir de l’effet taille. La matrice totale à été traitée avec une Analyse en Composantes Principales (ACP).

Les spécimens juvéniles, cassés ou malformés n’ont pas été intégrés à la matrice de mesures.

Figure 18 : positionnement des points homologues sur une photo de coquille et mesures déduites de leurs coordonnées. H : hauteur totale ; HdT : hauteur du dernier tour ; Ho : hauteur de l’ouverture ; Lo : largeur de l’ouverture ; LdS : largeur de la dernière suture ; LdT : largeur du dernier tour ; L : largeur totale.

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I.4.3.2 Naïades

La numérisation des points homologues visibles à l’intérieur de la valve droite et des contours a été réalisée à l’aide d’une table de mesure par vidéo et du logiciel de métrologie InSpec disponibles à la plateforme de morphométrie du MNHN.

Quatre points homologues ont été définis à l’intérieur de la valve : l’umbo, l’extrémité de la dent latérale, la jonction de la ligne palléale avec l’insertion du muscle adducteur postérieur et la jonction de la ligne palléale avec l’insertion du muscle adducteur antérieur (Fig. 19). Le départ du contour a été positionné a posteriori à l’endroit du contour le plus proche de l’umbo.

Figure 19 : Positionnement des quatre points homologues à l’intérieur de la valve droite. A : umbo ; B : extrémité de a dent latérale ; C : insertion de la ligne palléale avec l’empreinte du muscle adducteur postérieur ; D : insertion de la ligne palléale avec l’empreinte du muscle adducteur antérieur.

Les coquilles ont été positionnées sur de la pâte à modeler et ajustées à l’aide d’un niveau à angle droit, de manière à ce que la surface de la valve soit parfaitement horizontale. L’erreur de mesure a été estimée en mesurant 10 fois de suite cinq coquilles morphologiquement proches. Cette erreur de mesure est négligeable tant la machine fourni des valeurs précises pour des objets de cette taille. Le nombre d’harmoniques a été fixé à 30 (Fig. 20), nombre qui a permis de retracer fidèlement le contour. Cinquante six spécimens correspondant à la sous-espèce U. c. courtillieri et 30 spécimens correspondant à U. c. crassus ont ainsi été digitalisés (Fig. 21 ; voir chapitres suivants pour la détermination moléculaire des deux sous-espèces).

Figure 20 : A : reconstruction du contour avec un nombre croissant d’harmoniques. Une seule harmonique fournit une approximation insuffisante ; 50 harmoniques permettent de reproduire fidèlement l’original. Pour réduire les temps de calcul, nous avons choisi de limiter les analyses à trente harmoniques, valeur consensuelle qui fourni une représentation assez fidèle de l’originale (B : détail des contours, en bleu le contour original, en rouge le contour retracé par les 30 harmoniques).

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Figure 21 : numérisation des spécimens moléculairement attribués à U. c. crassus et U. c. courtillieri. La ligne bleue représente le contour (le rond bleu figure le départ du contour, soit le point du contour situé au plus près de l’umbo), la ligne rouge rejoint les points homologues, soit l’umbo, l’extrémité de la dent latérale et l’insertion de la ligne palléale dans la marque des muscles adducteurs

Les résultats ont été traités directement par une ACP, puis en utilisant le package MClust implémenté dans R (cette analyse vise à maximiser le regroupement des individus en faisant en sorte que les variables des différents groupes suivent au mieux une loi normale).

Biométrie

Par ailleurs, la numérisation a fourni les valeurs de périmètre et de superficie de la valve. Les mesures d’épaisseur et de longueur du ligament, mesurées au pied à coulisse, ont été ajoutées à la matrice. Toutes ces mesures ont été log-transformées de manière à normaliser les mesures des individus par la taille, puis traitées par une autre ACP.

1.4.4 Analyses moléculaires

I.4.4.1 Prélèvements de tissus

Dans la majeure partie des cas, un morceau du pied a été prélevé, soit sur des individus vivants qui ont été relâchés (M. auricularia et M. margaritifera), soit sur les individus euthanasiés. Pour 10 spécimens, un morceau de la cténidie a été extrait et amplifié. Les échantillons de tissus ont été conservés dans de l’alcool à 90° non dénaturé. Dans la majeure partie des cas, les échantillons de tissus ont été fixés sur le terrain, ce qui améliore le rendement lors de l’extraction (Soroka 2010).

Dans l’optique de trouver des méthodes non vulnérantes, des tests ont été effectués à partir de prélèvement de périostracum au niveau du bord de la coquille sur M. margaritifera (en provenance de la Truyère) et M. auricularia (en provenance de la Vienne), mais je n’ai pas pu amplifier d’ADN à partir de ces prélèvements. Des prélèvements par frottis à l’intérieur des bivalves à l’aide d’écouvillons ont également été testés. Les résultats ne sont pas satisfaisants, avec seulement 30% des échantillons qui ont pu être amplifiés par la société Genoscreen (voir § I.4.5.2), avec qui nous avions mis au point cette technique de prélèvements.

Deux outils ont été utilisés pour effectuer des prélèvements de chair : la pince d’ouverture, matériel utilisé en perliculture et qui permet d’ouvrir les valves de manière plus douce qu’à la main, en évitant la luxation des muscles adducteurs ; et la pince à biopsie, matériel gynécologique tout à fait approprié aux prélèvements de chair des moules (Fig. 22). Les prélèvements d’un morceau de pied son jugés non-létaux et sont utilisé par la grande majorité des auteurs cités. Le prélèvement d’un morceau du manteau n’est pas létal non plus, mais pourrait à terme causer des malformations de la coquille : la cicatrice au niveau de la partie prélevée pourrait handicaper localement la production du calcaire de la coquille (Altaba com. pers.). Les résultats sont similaires entre les échantillons de pied et de cténidies. Les tests effectués à la recherche de méthodes non vulnérantes de prélèvements, soit ici le bord de la coquille et les écouvillons, n’ont pas été concluants. Geist et al. (2009) effectuent des prélèvements sanguins à l’aide d’une seringue, méthode

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qui semble donner de très bons résultats, mais présente le risque d’atteindre des organes vitaux lors du prélèvement.

Figure 22 : deux outils permettant d’effectuer des prélèvements de tissus de bivalves sans traumatisme. A gauche la pince à moules qui sert à entrouvrir les valves, à droite la pince à biopsie qui permet de prélever un petit morceau de pied.